Valoriser les eaux usées pour des usages urbains, une nouvelle priorité ?
La question de l’eau se pose au niveau national et se doit d’être intégrée au niveau local par les collectivités. Comment développer une culture générale du recyclage ?
Face aux épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents et au tarissement des nappes phréatiques (72% des nappes sont actuellement en dessous de leur niveau habituel selon le Bureau de recherches géologiques et minières), Emmanuel Macron avait ciblé dans son Plan Eau, présenté en mars, la nécessité “d’investir massivement dans la réutilisation des eaux usées”.
Multiplier par 10 la REUT d’ici 2030
Ce programme, présenté comme l’une des “priorités de la planification écologique du Gouvernement“, affiche effectivement parmi ses grands objectifs celui d’atteindre 10% de réutilisation des eaux usées traitées (REUT) sur le territoire d’ici à 2030, alors que le Centre d’Information sur l’Eau estime ce chiffre en dessous d’1% actuellement.
Ce plan d’action a connu un premier aboutissement mercredi 30 août avec la parution d’un décret visant à simplifier la valorisation des eaux usées. S’il réitère le vœu présidentiel d’accélérer quantitativement le processus lors de la présentation du texte, le Ministère de la transition écologique précise la destination de ces eaux usées, en affirmant vouloir prioriser des “usages non-domestiques, qui consomment aujourd’hui de l’eau potable, comme le nettoyage des voiries ou l’arrosage des espaces verts”.
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Cette priorisation ne correspond pas aux projets qui ont été menés dans le passé pour développer la REUT, comme le montre Catherine Néel, Directrice de projets Gestion Résiliente des Hydrosystèmes au Cerema, dans son ouvrage “Réutilisation des eaux usées traitées, Le panorama français”.
En 2017, deux grands usages ressortaient pour les infrastructures existantes d’utilisation des eaux usées traitées : l’irrigation agricole (60%) et l’arrosage des golfs (26 %). “Les usages urbains restent minoritaires avec seulement 3 cas en fonctionnement (6 %)”, détaillait alors la rédactrice du rapport, qui notait la nécessité d’impulser “une culture générale du recyclage et de l’économie circulaire favorable à l’émergence de nouveaux modèles de développement plus respectueux des ressources”.
Une question sur laquelle s’est penchée le Réseau INRAE pour la réutilisation des eaux usées traitées dans les villes, en proposant de repenser le système de l’eau en milieu urbain.
Le groupe de travail appelle en effet à réfléchir à l’échelle du projet de territoire, en faisant “émerger des stratégies de boucles locales (ou circuits dits “courts”), conçues pour favoriser les synergies entre les ouvrages de productions (stations de traitement, industries légères), et des usages urbains, conventionnels ou émergents, pour lesquels l’utilisation d’eau potable pourrait être substituée par celle d’eaux non conventionnelles (nettoyage des rues, des réseaux, des voitures, l’arrosage des espaces verts …).”
À Bergerac, des eaux usées à la voirie
Plusieurs territoires se sont d’ailleurs saisis de cet enjeu, à l’image de la commune de Bergerac, qui se veut pionnière en la matière. Dans cette ville de 25 000 habitants, la station d’épuration du Pont-Roux, située en zone urbaine, s’est dotée d’une unité de réutilisation des eaux usées traitées capable de produire environ 12 000 mètres cubes par an. Parmi ce volume, 7 000 mètres cubes “seront utilisés chaque année pour nettoyer la voirie, arroser les espaces verts et réaliser l’hydrocurage des réseaux d’assainissement”, explique Veolia.
En Vendée, le programme Jourdain, porté par Vendée Eau et Veolia, pousse l’expérience un plus loin. Le projet se veut démonstrateur en termes de REUT et devrait, après une phase d’expérimentation, être capable de produire 600 mètres cubes d’eau traitées par heure. Particularité du projet, l’eau, une fois passée par l’usine de production d’eau potable, sera valorisée et rendue consommable à destination des abonnés.
Ces expérimentations qui fleurissent sur le territoire ont vocation à être accompagnées par le Ministère de la Transition énergétique, qui a annoncé une “augmentation inédite des moyens financiers des Agences de l’eau (+ 475 millions d’euros par an), [qui] permettra notamment d’accompagner les collectivités dans les travaux des projets de REUT”.
Reste à savoir comment les différents acteurs utiliseront cette enveloppe supplémentaire, en gardant en tête que l’objectif ne doit pas être de consommer plus d’eau mais bien de substituer l’usage d’eau conventionnelle par celle d’une eau réutilisée, comme le rappelle Catherine Néel.