Recul du trait de côte et submersion marine : le point sur les communes littorales exposées, les risques associés et les dispositions législatives.
À RETENIR
- Même avec un arrêt immédiat du réchauffement climatique, la fonte des glaces au Groenland entraînerait une inévitable hausse du niveau des océans de 27,4 cm d’ici 2100, avec des projections allant jusqu’à 80 cm ou plus selon différents modèles climatiques.
- En France, 864 communes sont identifiées comme « particulièrement vulnérables » aux submersions marines, impactant 1,5 million d’habitants en zones côtières densément peuplées.
- La loi Climat et Résilience de 2021 impose à 126 communes, en métropole et Outre-mer, de cartographier les risques de recul du littoral à 30 et 100 ans pour adapter les règles d’aménagement du territoire, incluant potentiellement des interdictions de nouvelles constructions.
- Les nouvelles réglementations permettent l’acquisition par les pouvoirs publics de biens menacés par l’érosion et introduisent un nouveau type de bail pour les terrains exposés, avec des mesures spécifiques pour les constructions dans les zones à risque à long terme.
Les prévisions des scientifiques sont implacables : même si le réchauffement climatique s’arrêtait aujourd’hui, la forte hausse du niveau des océans causée par la fonte des glaces au Groenland serait inévitable. Selon les différentes études, le phénomène devrait entraîner une augmentation de 27,4 centimètres du niveau de la mer d’ici à 2100, quelles que soient les mesures prises pour essayer de l’endiguer. Ce ne serait que la partie émergée de l’iceberg puisque tous les facteurs responsables de la montée des eaux n’ont pas été pris en compte. Les différents modèles climatiques portent en effet ce nombre à 80 centimètres d’ici la fin du siècle, voire à plusieurs mètres dans la pire des projections.
En France, des villes comme Bordeaux et certaines communes limitrophes, la région de Saint-Nazaire et plusieurs communes de la côte montpelliéraine pourraient être les premières à disparaître sous les eaux d’ici la fin du siècle.
864 communes françaises concernées par la montée des eaux
Les risques liés aux submersions marines ou au recul du trait de côte prennent aujourd’hui en France une importance considérable du fait de l’installation croissante des populations en zones côtières. L’anthropisation du littoral a conduit à une forte densité de population, deux fois et demie supérieure à la densité moyenne métropolitaine.
Les chiffres officiels révèlent que 864 communes sont « particulièrement vulnérables » aux submersions marines, ces phénomènes d’inondation temporaire des zones côtières par la mer qui vont augmenter avec la hausse du niveau de la mer provoquée par le réchauffement climatique. Des zones inondables littorales dans lesquelles vivent 1,5 million d’habitants.
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Une obligation de cartographier le risque pour 126 communes
En conséquence, la loi Climat et Résilience de 2021 prévoit de nouvelles dispositions pour les communes en première ligne face à la montée du niveau de la mer et la multiplication des tempêtes et des submersions marines.
En 2018, les travaux menés par le Cerema ont mis en évidence que près de 20% des côtes françaises sont soumises au recul. Cela a pour conséquence de générer des risques dans les zones à enjeux, 3800 à 31.800 bâtiments pourraient ainsi être atteints par le recul du trait de côte à l’échéance 2100 suivant les scénarios étudiés (Source : CEREMA, 2019. Évaluation prospective des enjeux affectés par le recul du trait de côte).
Dans un premier temps, 126 communes sont concernées, en métropole et dans les Outre-mer, selon le décret publié le 29 avril 2O022 au Journal officiel, révisé le 31 juillet 2023. Elles sont situées en majorité sur les côtes atlantique et de la Manche (41 en Bretagne, 16 en Normandie, 31 en Nouvelle-Aquitaine). Les maires devront réaliser des cartes du risque de recul du littoral à 30 ans et 100 ans, qui serviront de base à de nouvelles règles d’aménagement du territoire, allant jusqu’à des interdictions de construire.
Interdiction des nouvelles constructions, sauf exception.
Dans les zones exposées à la montée des eaux à l’horizon de 30 ans, les nouvelles constructions seront interdites, avec des exceptions cependant pour l’extension de bâtiments existants ou l’installation de services publics et de nouvelles activités économiques nécessitant la « proximité immédiate » de la mer. Les zones à l’horizon 100 ans restent constructibles, avec à terme une obligation de démolition quand la menace sera réelle.
Pour permettre aux autorités locales de lancer ce nouvel aménagement du territoire, une ordonnance publiée début avril 2022 précise les moyens d’acquisition par les pouvoirs publics de biens menacés, et crée un nouveau type de bail octroyé par l’Etat ou les communes pour des terrains, locaux commerciaux ou encore parcs de loisirs dans la bande concernée (bail de 12 à 99 ans avec résiliation anticipée en fonction de l’érosion).
Retrouvez la liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral, dans le décret n° 2023-698 du 31 juillet 2023 modifiant le décret n° 2022-750 du 29 avril 2022.
Le recul du trait de côte se traduit par le déplacement, vers l’intérieur des terres, de la limite entre le domaine marin et le domaine continental. La notion de trait de côte peut se caractériser de différentes façons, à l’aide de plusieurs marqueurs et en fonction des données disponibles : la limite de végétation ; le pied ou le sommet d’une falaise (rocheuse ou sableuse) ; la ligne d’intersection de la surface topographique avec le niveau des plus hautes mers astronomiques (définition du SHOM, le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine); un ouvrage de protection construit le long du littoral.
La submersion marine est une inondation temporaire de la zone côtière par la mer dans des conditions météorologiques et/ou marégraphiques défavorables, (forte dépression, vent de mer, pleine mer de coefficient de marée élevé). Trois modes de submersion marine sont distingués : submersion par débordement, lorsque le niveau marin est supérieur à la cote de crête des ouvrages ou du terrain naturel ; submersion par franchissements de paquets de mer liés aux vagues ; submersion par rupture du système de protection, lorsque les terrains situés en arrière sont en dessous du niveau marin.