Face à la montée des eaux, ces villes qui se… déplacent !
Face à la montée inexorable des eaux, certaines villes côtières n’ont d’autre choix que de se déplacer pour survivre. Entre aménagements temporaires et projets de relocalisation, ces communes luttent contre l’érosion qui menace de submerger leur littoral d’ici quelques décennies.
À RETENIR
- En France, près de 19 % du trait de côte est en recul, soit environ 920 km. Les côtes sableuses sont particulièrement touchées avec 37 % en érosion, représentant un risque accru pour certaines communes, notamment dans le Pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie en Vendée.
- Bien que des mesures comme la renaturation des dunes aient ralenti l’érosion, les autorités locales, notamment à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, estiment ne pas avoir les moyens financiers pour protéger efficacement les populations ou pour déplacer celles-ci en cas de besoin.
- Les communes, face à des coûts élevés pour protéger les habitants et les infrastructures, demandent un soutien accru de l’État. Le transfert de compétences vers les collectivités locales sans financement adéquat est vivement critiqué par les élus.
- La communauté de communes Océan Marais de Monts a mis en place une stratégie de gestion adaptative des dunes, avec un suivi rigoureux de l’évolution des nappes phréatiques et de l’érosion. Malgré ces efforts, les experts soulignent qu’il n’existe pas de solution miracle pour contrer la montée des eaux.
Selon l’indicateur national de l’érosion côtière, qui a fourni en 2022-2023 des données quantifiées et homogènes sur l’évolution du trait de côte en métropole et en outre-mer, près de 19 % du trait de côte est en recul (hors Guyane), équivalent à un linéaire d’environ 920 km sur les 6.220 km de trait de côte récent digitalisés.
En métropole et dans les Départements et Régions d’Outre-Mer (DROM), la surface totale perdue est estimée à 30 km² en 50 ans entre 1960 et 2010. Soit l’équivalent de la surface de la commune de La Rochelle ou encore de 4 200 terrains de football. Ce sont les côtes basses sableuses qui sont les plus touchées puisque 37 % sont en recul, ce qui équivaut à un linéaire d’environ 700 km.
Dans les littoraux les plus exposés à l’érosion et aux risques côtiers, certaines communes en appellent à l’État. Ainsi, les trois communes qui constituent le littoral du Pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, directement menacées d’ici à 2050 par les risques d’érosion et d’inondations ont vu leurs élus demander des moyens à l’Etat pour déplacer la population.
La renaturation des dunes a permis de freiner le recul mais ce ne sera pas suffisant pour résister aux éléments à terme.
Situé à l’ouest de la Vendée, le Pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie Agglomération couvre près de 300 km² et 14 communes dont 3 constituent sa façade littorale : Saint-Hilaire-de-Riez, Saint-Gilles-Croix-de-Vie et Bretignolles-sur-Mer. Elles s’étendent sur 32 km de cordons dunaires et de côtes rocheuses friables, ce qui les rend particulièrement vulnérables au risque de submersion marine et à l’érosion.
François Blanchet, maire de Saint-Gilles-Croix-de-Vie et président de la communauté d’agglomération du Pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, a développé un dispositif de surveillance du littoral, avec mise en place d’une cellule de crise en cas d’événement météorologique extraordinaire et financement d’un système d’alerte téléphonique de la population, en collaboration avec le Service de défense contre la mer. La renaturation des 17 km de dunes a permis de freiner le recul, passé d’1 mètre par an en 2014 à 50 centimètres aujourd’hui, mais ce ne sera pas suffisant pour résister aux éléments à terme.
L’agglomération n’a pas les moyens de déplacer les populations
François Blanchet, maire de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.
Les habitants du remblai de Saint-Gilles, seulement protégé par un mur maçonné, ont subi de nombreuses inondations. « Depuis 2021, les habitants des rez-de-chaussée doivent entreprendre des travaux avec l’aide de l’État pour créer des pièces refuges. Mais la montée des eaux va plus vite que ce qu’on pensait. Pour conforter le pied du remblai ou le remplacer avec des murs chasse vague, nous ne pouvons pas bénéficier du fonds Barnier. Cela va coûter cher à la commune sans être pérenne. C’est un pansement sur une jambe de bois mais je n’ai pas d’autres solutions. L’agglomération n’a pas les moyens de déplacer les populations » précise François Blanchet.
À Saint-Hilaire-de-Riez, des digues et des enrochements ont été réalisés pour retarder le phénomène d’érosion au pied des immeubles sur la plage menacés à l’horizon 2050. La zone serait alors classée non constructible et les habitants déplacés. Au total, 595 logements seraient directement impactés par le recul du trait de côte. Le coût du démantèlement et de la renaturation des sites est estimé à 16 millions d’euros dont 9,34 millions d’euros pour le rachat des appartements et 6,6 millions d’euros pour la renaturation.
« Protéger et déplacer des habitants relève de la compétence de l’État. Mais aujourd’hui sous couvert de la Loi Climat et résilience, l’État transfère cette compétence aux communes via le décret vulnérabilité du trait de côte sans les moyens », ajoute le maire de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.
« Nous n’avons pas le budget pour acheter des maisons en péril. Et jamais les assureurs n’assureront la commune pour des maisons classées inondables. Qui va payer ? Mettons-nous autour d’une table pour en discuter. La position de l’État n’est pas tenable ! Il n’y a pas de raison que seuls les propriétaires sur le littoral cotisent à la Taxe Gemapi. Tout le monde profite de la côte ».
Laisser faire la nature tout en accompagnant l’évolution du mouvement des dunes
Un peu plus au nord, la communauté de communes Océan Marais de Monts observe les dunes reconstruites et accompagne leur évolution pour les aider à cicatriser des tempêtes passées. Entre 2023 et mars 2024, à l’issue des trois tempêtes Céline, Ciaran et Louis, le sable de la plage des Lays s’est déplacé pour recouvrir l’avant-dune sur une épaisseur d’environ 1 mètre. Le fil entre les poteaux se trouve maintenant au niveau des pieds plutôt qu’à hauteur de taille.
Avec ses dunes à perte de vue et sa forêt, le territoire de Saint-Jean-de-Monts est le paradis des touristes. Sur 19 km de façade maritime, 15 sont constitués de dunes qui jouxtent une forêt domaniale, ce qui a pour effet de décaler les constructions à 500 mètres du rivage. L’absence d’enjeu humain à court terme en cas d’élévation du niveau de la mer a invité la communauté de communes à laisser faire la nature tout en accompagnant l’évolution du mouvement des dunes.
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Une surveillance des remontées des nappes phréatiques pour comprendre comment les eaux souterraines vont évoluer.
« Nous avons monté un observatoire en 2009, un an avant Xynthia, pour comprendre comment les dunes nous protègent, sont sensibles et évoluent face aux assauts de la mer et du vent, nous ne réagissons pas sous le coup d’une tempête avec un enrochement par exemple, ce qui a pour effet de creuser de chaque côté » explique Jean Magne, ingénieur en charge de la prévention des risques à la communauté de communes Océan Marais de Monts.
La communauté Océan Marais de Monts surveille l’évolution de trait de côte, la forme de la dune avec une équipe de 15 bénévoles munis de GPS de haute précision. Une politique d’accompagnement des éléments qui porte ses fruits puisque les dunes rongées par Xynthia en 2010 se sont reconstituées en deux ans. La comparaison des photos aériennes de 1920 avec les relevés GPS de 2023 indique que 27 % du linéaire côtier montre une tendance à l’érosion, tandis que 56 % sont en accrétion (phénomène d’accroissement d’une région continentale ou océanique par apport de matière). Les 17 % restants du littoral étant plutôt stable depuis plus de 100 ans. Parallèlement, la communauté de communes met en place des stratégies de gestion comme la surveillance des remontées des nappes phréatiques pour comprendre comment les eaux souterraines vont évoluer avec l’élévation du niveau marin. Si la dune est un rempart efficace pour protéger les habitations, l’inondation des marais, situés au niveau de la mer derrière les dunes, est possible par le sol. Et si la dune est saturée en eau, une brèche peut se former. « Connaître ce phénomène et le surveiller nous permettra d’alerter et d’évacuer les populations car on ne peut pas lutter contre. Il n’y a pas de recette miracle ! » conclut Jean Magne.