Le fleuve, une autoroute verte ?
Entre l’annonce par Ikea de l’implantation d’un entrepôt sur le port de Limay-Porcheville et la volonté affichée par Paris, Le Havre et Rouen de développer la logistique fluviale, le transport par voie d’eau dans les zones urbaines a le vent en poupe. Analyse du phénomène et de ses retombées pour les territoires.
Que représente la logistique fluviale aujourd’hui en France ?
La voie d’eau est un mode de transport historique qui joue un rôle important depuis des années dans l’approvisionnement des centrales à béton, dans la logistique des produits de recyclage, dans le transport des céréales et des produits pétroliers… Elle s’opère dans différents territoires français, notamment au niveau de l’axe Seine, à Lyon grâce au Rhône et en Alsace-Lorraine avec le Rhin et la Moselle. Sa part dans la volumétrie globale du transport de marchandises en France est relativement marginale aujourd’hui mais nous observons un fort regain d’intérêt pour cette activité au travers des recherches de solutions aux problématiques de logistique urbaine et de son intégration dans l’approvisionnement et l’évacuation des déchets des grands chantiers du Grand Paris Express et des Jeux Olympiques 2024. La volonté des acteurs de l’axe Seine, notamment le maire du Havre Édouard Philippe, le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol, la maire de Paris Anne Hidalgo, le président d’HAROPA Stéphane Raison et la délégation interministérielle au développement de la Vallée de la Seine (DIDVS), de promouvoir la logistique fluviale participe également à cette nouvelle dynamique.
« Les élus ont un rôle important à jouer en matière de prescription »
Quelles politiques et quels outils peuvent déployer les élus et décideurs locaux pour accompagner ce développement ?
Ils ont un rôle important à jouer en matière de prescription. Certains élus ont commencé à le faire, notamment pour le traitement des déchets comme à Clichy par exemple, mais il reste un processus d’acculturation à mener à bien. Une étape importante a été franchie avec la crise sanitaire qui a mis en lumière l’importance de la logistique dans nos vies. Autre point important, les décideurs locaux et les acteurs portuaires doivent veiller à la bonne insertion des entrepôts portuaires dans la ville, notamment en mettant en place des chartes. Ils ont également un rôle à jouer dans l’évolution et la modernisation des infrastructures fluviales comme les quais des ports où ils doivent veiller à offrir des points d’entrée au fret dans une logique de mixité avec les activités de loisirs. La discontinuité du réseau par rapport aux modes de transports routiers et ferroviaires constituant aujourd’hui le principal frein au développement de cette activité, un maillage maitrisé du territoire est nécessaire. Enfin, les élus et décideurs locaux peuvent être des animateurs du tissu économique autour de la problématique de la logistique fluviale.
Quels bénéfices apportent la logistique fluviale aux zones urbaines ?
Le premier bénéfice est environnemental. Une péniche peut embarquer un volume de marchandises équivalent à celui de plusieurs camions. Cette massification permet de réduire la pollution atmosphérique tout en générant moins de nuisances sonores et décongestionnant les centres urbains, ce qui facilite également l’acceptabilité de la logistique par les administrés. Il reste par ailleurs une plage de progression importante avec le verdissement de la flotte, son renouvellement étant moins rapide que celui du parc routier en raison des montants conséquents à investir. A noter que nous commençons à voir de nouvelles péniches transportant divers contenants naviguer, ce qui ouvre des perspectives intéressantes pour des acheminements multi-frets/multi-clients et pour desservir les villes moyennes ou mieux utiliser les canaux et ainsi générer de l’activité économique. La logistique urbaine fluviale va donc continuer à se développer dans les années à venir.