Le réemploi des matériaux : pour des bâtiments plus durables
Alors que de nombreux secteurs industriels prennent le pas de la transition écologique, celui du bâtiment reste de loin le plus polluant. Entre construction, rénovation et destruction, il génère plus de 40 millions de tonnes de déchets annuels. Pourtant, depuis quelques années, des solutions sont expérimentées et des acteurs prennent position pour valoriser le réemploi des matériaux lors des chantiers.
Depuis des millénaires, pour diminuer les efforts et réaliser des économies de moyens, les hommes construisent en réutilisant les pierres des constructions précédentes devenues inutiles, des morceaux de charpentes de bâtisses dégradées, des portes d’anciennes constructions… Une logique de circuit-court et de revalorisation qui a guidé le champ de la construction jusqu’à un virage radical : celui de l’industrialisation du secteur. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, il faut reconstruire la France rapidement, avec des matériaux dont la production et la mise en norme sont facilitées et accélérées. Cette rupture engendre également la mise en place sur le marché des nouveaux matériaux polluants avec une durée de vie limitée.
Aujourd’hui, démolition, réhabilitation et construction neuve sont tout autant responsables de cette production de déchets. Et ce sont seulement entre 48% et 64% des déchets issus du secteur du bâtiment, selon différentes sources, qui sont revalorisés à travers plusieurs processus tels que le recyclage ou le réemploi. Alors que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 avait pour ambition d’atteindre un objectif de revalorisation d’au moins 70% des déchets produits lors des chantiers, les comptes ne sont pas encore bons.
Des chartes chantier vert à la sensibilisation du monde du BTP, passant par la spécialisation d’acteurs de la fabrique urbaine proposant des démarches et solutions de revalorisation des déchets, de nombreux outils et de pratiques se mettent peu à peu en place. Le plus courant reste aujourd’hui le recyclage des matériaux, ce qui équivaut à l’intégration de ces déchets dans la production de nouveaux matériaux à utiliser dans la construction, mais d’autres méthodes existent et font désormais leur preuve.
Le réemploi, une solution gagnante ?
Dans une logique de cercle vertueux de la matière, le réemploi des déchets de la construction apparaît aujourd’hui comme l’une des solutions les plus efficaces. Qu’il soit in-situ, c’est-à-dire au sein même d’un chantier, ou ex-situ, autrement dit d’un chantier à un autre, le réemploi, s’il est anticipé et bien géré, permet d’offrir une seconde vie à une grande partie des matériaux de déconstruction. Pour cela, l’engagement de l’ensemble des parties prenantes du projet (de l’aménageur au concepteur, en passant par les artisans et ouvriers) est indispensable et un protocole avec différentes étapes doit être adopté :
- La première est celle du diagnostic : en analysant le potentiel de réemploi de l’ensemble des matériaux déposés ou utilisés dans le chantier.
- La deuxième étape est celle du renseignement : il est alors indispensable d’analyser la réemployabilité des matériaux présélectionnés lors du diagnostic.
- Une fois le chantier commencé, il faut alors déposer, collecter et reconditionner les déchets qui seront réemployés soit au sein du chantier, soit sur un nouveau site.
- Enfin, il ne faut pas oublier de prévoir un espace de stockage suffisant et le transport des matériaux qui seront réemployés sur un autre chantier.
En adoptant cette démarche de réemploi, le chantier répond donc à des enjeux forts de la transition écologique, en économisant la consommation d’énergie nécessaire à l’extraction des matériaux et en réduisant leur bilan carbone de transport par exemple, mais il assure également une plus-value pour l’ensemble des parties prenantes. En effet, le vendeur valorise les déchets de son chantier tout en économisant les frais d’élimination de ces derniers. L’acheteur, quant à lui, bénéficie de matériaux moins chers que ceux du marché. Enfin, le territoire se retrouve avec un volume de déchets à traiter allégé et bénéficie de nouveaux emplois créés avec le développement d’une nouvelle filière éco-locale.
Quand le réemploi s’invite au cœur d’une ZAC
Même si le réemploi est principalement utilisé sur les petits chantiers de réhabilitation et de déconstruction, certains aménageurs et promoteurs s’engagent et s’entourent de bureaux d’étude spécialisés afin de promouvoir cette pratique à de plus larges échelles.
C’est le cas dans un écoquartier ‘Cœur de Duranne’ de 318 logements en cours de réalisation au sein d’Aix-En-Provence (13), où l’équipe en charge du projet a fait le choix de valoriser une large quantité de matériaux présents sur site à travers le réemploi. En effet, sur le territoire de l’écoquartier figurait l’ancien centre de formation “université” d’AREVA, vacant depuis 2014, dont la majorité des matériaux et installations était encore en bon état (une rénovation totale avait eu lieu en 2008). Dans une logique de chantier propre, l’équipe a fait appel à l’association R-aedificare et R+éveil, pour les accompagner dans l’identification du potentiel réemploi de matériaux et la redistribution de ces déchets à des chantiers de construction alentour.
Ainsi, suite au diagnostic, prélèvement, stockage et redistribution, ce sont en tout 24 tonnes de déchets qui ont échappé à la benne : les anciens sanitaires ont été redistribués à une entreprise de gros œuvre, une chambre froide pour une entreprise locale, une menuiserie extérieure pour les locaux d’un bureau d’étude spécialisé. Le reste des matériaux qui n’a pas trouvé repreneur a été stocké au sein des entrepôts de la structure partenaire R+éveil, dans l’attente de leur seconde vie. Au-delà de l’approche écologique, c’est aussi un gain qui permet de réduire la taille des décharges.
Grâce à un engagement collectif des parties prenantes de l’écoquartier, il a été possible de réduire les déchets issus du chantier de déconstruction en créant de nouvelles ressources, tout en les valorisant au sein du territoire !