Le futur appartient-il à la ville marchable ?
Longtemps considérée comme le parent pauvre des politiques de mobilités, la marche est aujourd’hui sur le devant de la scène et ambitionne même devenir le premier moyen de déplacement en zone urbaine. Si la question n’est plus de savoir si la ville de demain sera marchable ou non, reste à savoir comment les architectes, urbanistes et collectivités peuvent revoir la conception des villes afin d’inciter les habitants à se déplacer à pied.
Au regard des enjeux urbains actuels – augmentation de la densité de la population en ville, pollution atmosphérique et sonore, congestion des transports en commun – favoriser la marche à pied devient un défi urbanistique majeur. Les villes, souvent conçues pour faciliter la vie des automobilistes, tentent de s’adapter aux piétons pour leur permettre de renouer avec l’espace public.
Recoudre les coupures urbaines
La réduction des espaces accordés à l’automobile au profit des autres usagers et des activités riveraines impose un effort important de réhabilitation de l’ensemble des espaces publics. Pour satisfaire les besoins des piétons, il paraît indispensable de recoudre les coupures urbaines introduites par les infrastructures routières et de reconstituer un système d’espace public piéton maillé. Les routes, les ponts, les tunnels, les carrefours, trop souvent adaptés exclusivement aux automobiles, ne laissent en effet aux piétons qu’un choix limité : frôler les voitures et leurs pots d’échappement ou faire un détour souvent plus long.
Avec 136 millions d’euros de budget alloué à la voirie en 2018, le département du Val-de-Marne a par exemple décidé de donner la priorité à la réhabilitation de ses coupures urbaines. “Nous avons identifié un certain nombre de points noirs qui compliquent la circulation des piétons, cyclistes et véhicules. Il s’agit essentiellement de franchissement de faisceaux ferrés, de cours d’eau ou de routes”, explique Pierre Garzon, vice-président du Conseil départemental en charge des transports dans le quotidien indépendant sur le Val-de-Marne et le Grand Paris, 94citoyens.com.
Avec le passage de plus de 32 000 voitures par jour, le pont de Choisy franchit la Seine et les voies ferrées du RER C, il supporte la route départementale 86 ainsi que plusieurs lignes de bus. C’est donc un axe stratégique majeur qui laisse pourtant très peu de places aux piétons et qui ne possède aucun aménagement cyclable. Pour palier à ce problème, le département du Val-de-Marne a donc imaginé la création d’une passerelle piétonne qui permettra notamment de libérer des espaces sur le pont et de laisser la place à une vraie piste cyclable bi-directionnelle de 3 mètres de large.
Si ce type d’infrastructures nécessite souvent d’importants travaux, il existe d’autres moyens pour favoriser plus facilement les zones de rencontres entre les différents modes de transport.
Multiplier les zones de rencontres
À travers son plan “piéton” dévoilé en janvier 2017, la Maire de Paris Anne Hidalgo en a d’ailleurs fait son cheval de bataille. Dans tous les arrondissements de la capitale, des projets de réhabilitation de l’espace urbain sont déjà en cours : des “rues aux enfants” piétonnisées et équipés de jeux, des zones de rencontres aux abords des squares avec une priorité réservée aux piétons et aux cyclistes. De plus en plus de trottoirs seront également élargis et végétalisés et certaines grandes places de la capitale – Bastille, Gambetta, Madeleine, ou encore Italie par exemple – seront réaménagées suivant le modèle de la place de la Nation.
Depuis le 10 avril 2017, la grande place du 12ème arrondissement a en effet entamé des travaux de réhabilitation et teste déjà certains principes du plan piéton. L’anneau central est élargie, des voies sont réservées aux piétons et aux cyclistes et les arrêts de bus sont réorganisés. Résultat : plus de 7000 mètres carrés d’espaces piéton en plus.
Avec la multiplicité des zones de rencontres entre les différents modes de transports et le développement de la marche, c’est également la signalétique qui doit se réinventer. Ces nouveaux espaces doivent en effet revêtir une nouvelle signalisation – passages piétons, feux de circulation…- afin de garantir aux piétons une sécurité maximale.
Optimiser la signalétique c’est aussi faire prendre conscience aux piétons de la praticité de ce mode de transport. Pour les convaincre, des innovations très simples sont mises en place comme à Caen où les panneaux indiquent les direction de sites touristiques (le port, le château, l’hippodrome, l’hôtel de ville et la gare) non pas selon une distance kilométrique mais en temps de marche.