« Chaque bâtiment doit contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique »
Un bâtiment sans chauffage ni climatisation ? C’est désormais possible, comme illustré par l’immeuble Essentiel porté par Nexity et en cours de construction dans le quartier Confluence à Lyon. Il assurera le maintien d’une température intérieure comprise entre 22 et 26 degrés. Au-delà d’une prouesse technique, la réalisation d’un tel bâtiment s’inscrit au cœur d’une réflexion plus générale sur le rôle des architectes dans la conception de bâtiments d’avenir, capables de répondre aux exigences environnementales. Explications avec Anne Speicher, Directrice de Baumschlager Eberle, l’agence d’architecture qui a conçu l’immeuble.
Quelles sont les spécificités de l’immeuble Essentiel ?
Anne Speicher : On se doit de réinvestir l’architecture, en essayant de résoudre toutes les questions de consommation et de performance énergétique par des solutions purement architecturales et géométriques. L’un des enjeux actuels est de ne pas investir dans des équipements qui ont une durée de vie limitée et qui demandent par conséquent beaucoup de maintenance. Les spécificités de l’immeuble Essentiel reposent sur trois grands principes : un choix de matériaux stratégique qui permet l’absorption et le stockage d’une certaine quantité de chaleur et donc une régulation de la température intérieure ; la création d’un système de ventilation naturelle ; la mise en place de volets motorisés intelligents qui assurent le juste équilibre en matière d’humidité, de teneur en CO2, de température ressentie.
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Quel est le rôle de l’architecte dans la généralisation de ce type de bâtiment, y a-t-il une esthétique du bâtiment bas carbone à inventer ?
Anne Speicher : Le bâtiment bas carbone n’a pas d’esthétique particulière : nous nous plaçons plutôt dans une réflexion globale où l’on cherche à revenir aux valeurs de la ville européenne des XVIIe et XVIIIe siècles. C’était une époque où il y avait un bon équilibre entre les pleins et les vides, une belle hauteur, une minimisation de l’apport d’éclairage artificiel au sein des bâtiments. Ce qu’on cherche en priorité c’est créer un bâtiment avec des matériaux locaux et de qualité, qui s’intègre parfaitement dans son quartier environnant, dans une esthétique contemporaine.
©Baumschlager Eberle
Projetez-vous déjà de développer et reproduire le concept en France et/ou à l’étranger ?
Anne Speicher : Oui, nous avons déjà 6 ou 7 bâtiments de ce type dans des villes germanophones et plus d’une vingtaine à l’étude. Deux ou trois autres projets sont également prévus en France avec Nexity. Nous voulons à terme faire découvrir le projet au plus grand nombre et rassurer sur les craintes qui peuvent être exprimées sur certains aspects comme le confort d’été.
Quels leviers pourraient aider à la diffusion d’un tel bâtiment d’avenir ?
Anne Speicher : Les leviers sont déjà là : nous devons tous être responsables en réfléchissant à la contribution de chaque bâtiment à la lutte contre le réchauffement climatique et à l’amélioration de la qualité de vie en ville. Aujourd’hui, beaucoup de bâtiments sont surchargés techniquement. On est capables de payer cher pour des bâtiments dont les équipements techniques non seulement ne durent pas, mais qui en plus ne sont pas neutres en matière d’environnement. Toute notre réflexion s’articule autour de la création de bâtiments qui ont une réelle durabilité sociale. On cherche ainsi à répondre à deux questions clés : comment rendre les bâtiments plus efficaces en termes de coût de maintenance et comment augmenter le confort d’un bâtiment tout en réduisant l’impact des émissions de gaz à effet de serre. Notre objectif est donc simple : créer un bâtiment qui minimise l’empreinte carbone tout en augmentant le confort des utilisateurs. Le tout dans un bâtiment intelligent capable de tout contrôler seul.
©Baumschlager Eberl