Entretien avec Hélène Peskine : vue aérienne d'une petite agglomération.
Publié le 28.01.25 - Temps de lecture : 4 minutes

Comment favoriser les innovations dans les territoires ?

Entretien avec Hélène Peskine

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À RETENIR

  • Hélène Peskine, nouvelle directrice générale adjointe au Cerema, coordonne un réseau de 10 directions territoriales visant à accompagner les collectivités locales dans les transitions climatiques et sociales, en s’appuyant sur l’ingénierie, la recherche appliquée et des outils innovants.
  • Le Cerema développe des solutions résilientes (végétalisation urbaine, cartographie des friches, etc.) pour répondre aux défis du changement climatique, en reliant enjeux nationaux et applications locales.
  • Hélène Peskine met en avant des initiatives marquantes comme le Grand Paris express, les bâtiments à énergie positive, et des expérimentations telles que « Réinventons nos cœurs de ville » pour dynamiser les petites et moyennes villes.
  • Elle insiste sur quatre axes clés pour la ville durable : décarbonation, adaptation climatique, sobriété en ressources, et protection de la biodiversité, en favorisant des pratiques comme le recyclage immobilier et la gestion raisonnée des ressources en eau.

Vous êtes depuis le 1er octobre la Directrice générale adjointe en charge de la coordination du réseau territorial au Cerema, pouvez-vous nous présenter votre feuille de route ?

Hélène Peskine : Je suis ravie d’avoir rejoint le Cerema, centre d’études et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement. C’est une grande maison d’ingénierie et de recherche publique, résolument tournée vers l’appropriation des transitions et l’adaptation au changement climatique, au plus près des territoires. Ses 2500 agents (1600 ingénieurs, 700 techniciens) interviennent pour l’Etat, les collectivités locales (qui se partagent la gouvernance de l’établissement) et les entreprises, selon 4 modalités : l’appui aux territoires, la production de référentiels et d’outils d’analyse, la diffusion et la valorisation des connaissances, la recherche appliquée et partenariale.   

Ma mission se décompose en trois grands axes, et s’appuie sur une direction transversale d’une cinquantaine de personnes :

  • Coordonner le réseau des 10 directions territoriales du Cerema, qui sont les équipes en « front office », réparties sur 24 implantations en métropole et en Outre-mer, valoriser et capitaliser leurs prestations, du local au national.
  • Consolider et suivre la programmation de l’ensemble de l’activité des directions (techniques et territoriales), afin d’en rendre compte aux instances et aux administrations de tutelle, contractualiser avec les administrations centrales de l’Etat sur les missions d’études, d’établissement de doctrines et de guides, d’évaluation et d’accompagnement de projets pilotes, dans nos 6 domaines de compétence (aménagement, bâtiment, mobilités, infrastructures, risques, mer et littoral) et développer les partenariats.
  • Animer au sein de l’établissement les activités de recherche (12 équipes inscrites dans un cadre académique, environ 10% de l’activité), l’innovation numérique dont le déploiement de l’intelligence artificielle et des jumeaux numériques territoriaux, et les missions à l’international.

Le Cerema est un établissement qui place l’innovation au cœur de ses méthodes de travail et de son activité d’ingénierie. Il a ainsi développé de nombreux outils permettant de mieux se représenter les effets territoriaux du changement climatique (retrait du trait de côte, zones climatiques urbaines…) et de déployer des solutions résilientes (végétalisation urbaine, désimperméabilisation, cartographie des friches et foncier économique…).

Ses prestations   permettent de faire le lien entre enjeux nationaux et capacités d’applications locales, de manière très opérationnelle, avec les gestionnaires et décideurs locaux. C’est ce qui me passionne car cette dimension d’intégration locale, nationale, et internationale est unique en France chez un opérateur public.

Votre parcours professionnel est marqué par le soutien à l’innovation urbaine et territoriale, quelles sont les expérimentations sur la ville qui vous y ont le plus marquées ? Lesquelles vous paraissent les plus structurantes ?

Hélène Peskine : Durant mon parcours j’ai eu la chance de me confronter à des projets exceptionnels, à la fois dans leur dimension politique, stratégique, et territoriale. J’ai travaillé plusieurs années sur le réseau du Grand Paris express, qui a croisé les questions d’aménagement et de transport très en amont, en pensant dès la conception du réseau les quartiers de gare associés. J’ai par la suite porté la transition énergétique en l’appliquant aux enjeux d’aménagement, de mobilités, d’économie circulaire avec des initiatives pilotes comme les territoires et les bâtiments à énergie positive, qui offraient – déjà – une déclinaison très ancrée et opérationnelle aux évolutions législatives et aux débats qui ont entourés l’accord de Paris sur le climat et l’agenda de l’action pour la COP21. Enfin, j’ai passé 7 ans à la direction du PUCA, dont la mission est de pousser l’innovation urbaine, par la recherche et l’expérimentation.

Mes plus grandes fiertés sont celles qui concernent des petites et moyennes villes où nous avons su insuffler un vent de créativité (Réinventons nos cœurs de ville), et accompagné des territoires et projets pionniers (sobriété foncière, réhabilitation lourde de logements). Avec les métropoles, je garde surtout le souvenir des travaux sur le lien entre formes urbaines et biodiversité, qui ont permis de casser les silos entre des mondes scientifiques qui ne savaient pas se parler.    


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Pour vous, pour concevoir la « ville durable de demain », de quelles innovations les collectivités locales devraient-elles prioritairement s’emparer

Hélène Peskine : Face aux défis contemporains, nous sommes tous dans le même bateau. Nous devons tous mener de concert 4 grands combats : la décarbonation de nos activités, leur adaptation aux effets du changement climatique, la sobriété en ressources, et la protection du vivant.

Si l’on se fixe ces 4 priorités dans toutes nos actions, en pensant aussi aux autres questions d’adaptation qui vont se poser d’ici à 2050, notamment celles liées au vieillissement ou au numérique, on fait le constat que les secteurs publics et privés doivent nécessairement coopérer, à l’échelle locale comme globale. Un territoire qui hérite d’un patrimoine industriel ou architectural d’envergure nationale ne prendra pas le même chemin qu’un territoire qui abrite une réserve forestière, des captages d’eau ou une biodiversité remarquable. Mais chacun devra se mettre en mouvement, élus, citoyens, entreprises, pour préserver ce qui doit l’être dans un objectif partagé de neutralité carbone, de production locale, ou de sobriété foncière, immobilière, matière.

Si l’on prend l’exemple de la ressource en eau par exemple, qui va s’amenuiser rapidement, les usages agricoles, industriels, et domestiques doivent tous être interrogés. Certaines collectivités locales ont ainsi mis en place une tarification progressive qui rend l’eau de plus en plus chère quand elle est superflue, pour préserver à la fois la ressource, et le modèle économique du délégataire. Si l’on s’intéresse à la ville sobre, le recyclage immobilier sera la principale manière de produire la ville face au double phénomène d’apparition et de disparition de foncier. Concernant la notion d’apparition, je veux parler de l’enfrichement des entrées de villes, des logements vacants, des demande de bureaux en forte baisse, et du côté de la disparition, des zones de protection agricoles et naturelles, des ZAN, du repli littoral et des vallées rendues inaccessibles par les mouvements de terrains en montagne.

C’est un enjeu de transformation majeur pour la promotion immobilière.


Biographie express

Hélène Peskine est depuis le 1er octobre 2024, la nouvelle directrice des programmes et directrice générale adjointe en charge de la coordination du réseau territorial du Cerema.

Architecte urbaniste générale de l’État, Hélène Peskine occupait précédemment la fonction de secrétaire permanente du Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA) depuis mai 2017.

Diplômée de l’École nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg et formée à l’École nationale des ponts et chaussées, Hélène Peskine dispose d’une vaste expérience dans le secteur public et dans le secteur privé.

Nommée en 2004 architecte et urbaniste de l’État, elle fut adjointe au responsable du groupe d’études et de prospective, chargée du pôle études et politiques urbaines (2004-2005), puis responsable du GEP à la direction départementale de l’équipement de Seine-Saint-Denis (2005-2007), avant d’être cheffe de projet Schéma directeur de la région Île-de-France à la direction régionale de l’équipement d’Île-de-France de 2007 à 2008. Directrice-adjointe de la division de l’urbanisme et du schéma directeur, chargée du groupe stratégies territoriales à la direction régionale de l’équipement d’Île-de-France de septembre 2008 à septembre 2010, puis responsable du service de la connaissance, études, prospective à la direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement d’Île-de-France (2010-2012).
Hélène Peskine a été membre du conseil stratégique du Cerema en tant que représentante de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) du ministère en charge de l’Ecologie et membre de son conseil d’administration de 2019 à 2024.


 

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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