Gestion des eaux : vue d'un barrage en ville
Publié le 09.01.25 - Temps de lecture : 4 minutes

Que faire pour préserver l’or bleu ?

Pour protéger l’eau, cette ressource qui se raréfie, des solutions se déploient à l’échelle de bâtiments, de quartiers voire de territoires entiers. Et les initiatives se multiplient.

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À RETENIR

  • En France, 20 % de l’eau potable se perd chaque année à cause de réseaux vétustes. Des initiatives comme l’installation de capteurs à Valence permettent de détecter rapidement les fuites, réduisant le taux de perte à 15 %, bien en dessous de la moyenne nationale.
  • À Marsanne, un guide pédagogique élaboré par des enfants a permis de réduire de 20 % la consommation d’eau en sensibilisant les habitants aux bonnes pratiques, prouvant l’efficacité d’une approche ludique et communautaire.
  • Dans le Gard, des ateliers anticipent les besoins futurs en eau, tandis que l’île de Sein utilise la désalinisation pour produire de l’eau potable, une solution énergivore mais essentielle face aux pénuries.
  • Des projets comme l’ÉcoQuartier à Solliès-Pont et Eden à Annecy exploitent des solutions durables, notamment des canaux traditionnels et la récupération des eaux de pluie, pour assurer une gestion optimisée et écologique de l’eau dans les bâtiments et les quartiers.

L’histoire commence sous nos pieds, de façon aussi invisible que silencieuse. En toute discrétion, un milliard de mètres cubes d’eau potable se perdent chaque année en France, soit 20 % de la production annuelle. Le responsable de ce gâchis ? Un réseau de canalisations souvent ancien et des joints qui perdent leur étanchéité, provoquant des fuites plus ou moins importantes. À l’échelle du pays, l’équivalent de la consommation annuelle de 18 millions d’habitants part donc en fumée – ou plutôt en gouttelettes – après avoir pourtant subi tous les longs, complexes et coûteux traitements pour devenir parfaitement potable.

Face à ce gaspillage écologique, des villes ont pris les devants, sans attendre le plan d’urgence du gouvernement annoncé en 2023. L’agglomération de Valence, par exemple, a mis son réseau sous surveillance, avec l’installation de 650 capteurs qui envoient un signal en cas d’anomalie. Des agents de la régie Eau de Valence Romans Agglo peuvent alors, à distance, écouter ce qui se passe au niveau du capteur. Et détecter, à l’oreille, la présence d’une fuite pour intervenir au plus vite. L’agglomération a ainsi réduit son taux de perte à 15 % – bien inférieur à la moyenne nationale – et vise les 13 % d’ici quelques années. Un réseau 100 % étanche relève de l’utopie, mais des millions de litres d’eau seront ainsi épargnés !

 Mairie de Marsanne

Miser sur la sensibilisation

Au sud de Valence, toujours dans la Drôme, Marsanne est confronté à une autre problématique. Ce village de 1 300 habitants est l’un des derniers de France à gérer seul son approvisionnement, avec des sources venues de la forêt communale, l’une des plus anciennes et vastes (1 100 hectares) de France. La sécheresse de 2022 a provoqué une situation inédite, avec des coupures d’eau dans certaines habitations. « À notre échelle, nous avons activé le levier de la sensibilisation », raconte le maire, Damien Lagier. « Beaucoup d’habitants n’étaient par exemple pas au courant des restrictions imposées par la préfecture. Il fallait trouver une manière ludique et éducative de faire passer les messages. » L’édile s’est appuyé sur les élèves des deux écoles de la commune, réunis au sein du Conseil municipal des écoles, qui ont élaboré un petit guide de six pages, rempli de conseils pratiques pour réduire sa consommation d’eau et distribué dans toutes les boîtes aux lettres. « La sensibilité des enfants à ces questions et le petit personnage de Mars’eau, créé pour porter la démarche, ont porté leurs fruits. En 2023, la consommation a diminué de 20 % ! » L’initiative, présentée au Sénat, pourrait être reproduite ailleurs en France.

C’est bien tout le pays qui est confronté aux enjeux de l’eau potable. Alors, comment préserver ce bien précieux et indispensable, pourtant en cours de raréfaction ?

Dans le Gard, le Conseil départemental mise sur l’anticipation. D’ici 2050, la population va augmenter de 20 %, tout comme les besoins en irrigation agricole. Avant l’été, des ateliers de concertation se sont tenus partout dans le Gard réunissant habitants et professionnels pour recueillir leurs avis et identifier des solutions, avec un objectif : anticiper, pour ne pas subir les impacts futurs.

L’heure n’est plus à la réflexion, mais à l’action. Confrontée aux pénuries d’eau à répétition, l’île de Sein teste la production, sur place, de son eau potable via des usines de désalinisation. Le procédé d’osmose inverse puise l’eau de la mer pour alimenter le dispositif. Cinq litres d’eau salée sont nécessaires pour produire un litre d’eau potable pure. L’osmoseur consomme 8 % de l’électricité de l’île, mais il est devenu indispensable, en plus des économies d’eau que les Sénans réalisent depuis des siècles.


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Penser différemment les quartiers et les bâtiments

En matière de performances énergétiques et thermiques d’ensembles immobiliers, de nombreux labels et certifications existent déjà. Qu’en est-il de la gestion de l’eau ? Et pour l’eau ? Des solutions se déploient à l’échelle des quartiers comme des bâtiments.

À Solliès-Pont, près de Toulon, Nexity a fait le pari d’intégrer cette dimension avec une approche patrimoniale. Proche du centre-ville, l’ÉcoQuartier « Les Laugiers Sud » voit progressivement le jour depuis 2020. Le terrain de plusieurs hectares était à l’origine traversé par des canaux arrosants, système ancestral de distribution de l’eau, devenus un axe structurant de ce nouveau quartier.

« Un symbole du patrimoine local », résume Marie Verrot, responsable de projets pour Nexity. « Dès la phase de conception, nous avons choisi d’intégrer ces canaux au projet, notamment en créant un mail piétonnier central autour du canal, au cœur des constructions. Ces canaux structurent le quartier, composé notamment de logements collectifs, de maisons individuelles et d’équipements publics au milieu de plus de trois hectares d’espaces paysagers. » L’eau servira à l’irrigation des jardins potagers partagés et apportera de la fraîcheur naturelle aux habitants. En amont comme en aval, des bassins de rétention préviendront les risques de crues. La livraison des dernières constructions et des espaces publics est prévue fin 2025.

L’action porte aussi sur les bâtiments. En plus des gestes responsables des occupants, il est possible de mener, dans chaque édifice, des actions vertueuses pour l’eau. À Annecy, le projet Eden construit abrite une serre de 40 m2 sur le toit, à disposition des habitants. « Toute l’eau utilisée pour irriguer les plantations provient des toits de l’immeuble : les eaux de pluie sont acheminées vers un collecteur », décrit Alexandre Chmelewsky, directeur général Nexity Alpes. « En cas de débord, le surplus est dirigé vers les jardins partagés de l’ensemble immobilier. » Une simple étude de conception suffit pour installer ce dispositif et s’assurer de la solidité de la construction. Une solution qui peut même se décliner dans l’ancien !

Gestion-eau-©AirePubliqueDavidMonchanin

Gestion-eau-©AirePubliqueDavidMonchanin

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