Décarbonation : et si les solutions étaient sous terre ?
Compétitivité et maîtrise de la facture énergétique, exemplarité environnementale, promotion des ressources locales et adaptabilité, les atouts de la géothermie sont nombreux pour répondre aux enjeux environnementaux et plus précisément à tous les besoins de régulation thermique des bâtiments.
Le terme géothermie recouvre à la fois l’énergie thermique de la Terre, la science qui l’étudie et les technologies qui l’exploitent. Elle est l’un des principaux leviers de la révolution énergétique qui doit conduire à la décarbonation des bâtiments. Plébiscitée par les experts pour son efficacité, la géothermie n’en reste pas moins méconnue du grand public, mais également des collectivités. Quelles sont les performances de cette énergie renouvelable ? Comment l’utiliser et l’exploiter dans un bâtiment ? Tour d’horizon, et de sous-sol, de l’énergie géothermique.
Trois types de géothermie
La géothermie de surface pour les bâtiments, également appelée « très basse énergie », explore les sols peu profonds, jusqu’à 200 m. À cette distance, la température moyenne des roches et des aquifères (un aquifère est une formation géologique contenant de l’eau, constituée de roches perméables, capable de la restituer naturellement ou par exploitation) se stabilise entre 12 et 18 °C. L’énergie extraite nécessite donc d’être chauffée ou rafraîchie pour servir les besoins de régulation thermique du bâti mais présente l’avantage d’être disponible partout et adaptable à toutes les constructions.
La géothermie basse température (ou basse énergie) nécessite des forages de 200 à 1 500 mètres afin de pomper la chaleur des nappes phréatiques à une température comprise entre 30 et 90 °C. Au-delà de 1 500 mètres, la température des fluides de certains réservoirs géothermiques peut grimper jusqu’à 350 °C.
À quantité et débit suffisants, ils peuvent alimenter une centrale pour produire de l’électricité, c’est le principe de la géothermie profonde pour l’électricité.
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Une source d’énergie renouvelable, propre et de proximité
Deux raisons principales expliquent pourquoi la géothermie est une source d’énergie véritablement renouvelable : d’une part, elle est abondante, d’autre part, son exploitation est encadrée par une réglementation conçue pour permettre aux ressources de se régénérer naturellement et de préserver l’équilibre thermique des sous-sols. Elle génère une énergie propre dans la mesure où elle ne nécessite ni combustion ni transport (principal émetteur de gaz à effet de serre). Aujourd’hui, les calories issues des sols français permettent d’économiser chaque année près de 400.000 tonnes de gaz à effet de serre tout en ne représentant que 5 % de la production de chaleur renouvelable.
Par définition, la géothermie alimente le bâti de proximité : les constructions sur site, du quartier ou de la ville. Ses qualités « vertes » sont nombreuses : elle n’occasionne aucune nuisance liée à son déplacement vers les points de livraison, une installation géothermique n’entraînant aucune pollution visuelle, olfactive ou sonore, elle ne dépend pas des conditions climatiques puisque, dès 10 mètres de profondeur, nos sous-sols sont hermétiques aux variations saisonnières, et elle peut être stockée à certains moments de l’année puis utilisée à d’autres. D’un point de vue géologique, l’ensemble du territoire français est adapté à une des techniques existantes. Enfin, elle reste souveraine face aux contextes géopolitiques et aux fluctuations de prix sur les énergies fossiles.
Des modes de captage avec des usages et des performances différents
Concernant les systèmes de captage de l’énergie géothermique, il existe trois types de captage :
Le captage horizontal (énergie géosolaire) est le système le plus utilisé en France par les particuliers. Il consiste à installer un circuit fermé à plat, dans lequel s’écoule le fluide caloporteur composé d’eau et d’antigel. La tuyauterie en polyéthylène est enterrée à 1,20 mètre de profondeur maximum, juste en dessous du point de gelée propre à chaque zone d’habitation. Pour accueillir cette installation, le terrain doit présenter une surface de sol 1 à 2 fois supérieure à celle de l’habitation, c’est pourquoi elle est rarement aménagée pour les usages collectifs.
Le captage par sondes géothermiques verticales ou par champ de sondes permet de se soustraire à l’obligation d’accéder à une nappe phréatique. Son rendement pour les grands bâtiments est particulièrement intéressant grâce aux avancées technologiques réalisées ces dernières années. Le foreur agréé fixe alors les sondes géothermiques à une profondeur de 30 à 200 mètres, en fonction de la nature du sous-sol.
Enfin, le système à circuit ouvert, le plus efficace, le captage sur aquifère ou puisage sur nappe phréatique dépend de la présence d’un aquifère avec un débit suffisamment important. Dans ce cas, 2 ensembles de forages sont nécessaires (doublet géothermique), l’un pour pomper l’eau et l’autre pour la reverser dans la nappe. L’eau fait alors office de fluide caloporteur. Ce système a été choisi sur le campus Engie réalisé avec Nexity : c’est la première grande opération de géothermie sur nappe que Nexity développe avec son partenaire après avoir réalisé plusieurs opérations de géothermie sur sonde (cf. encadré ci-dessous).
En offrant une solution énergétique locale inépuisable et performante pour le chauffage et la climatisation des bâtiments, la géothermie devient un véritable levier de décarbonation. Un procédé qui se présente comme une alternative stratégique dans le cadre de l’adaptation au changement climatique, en permettant notamment une réduction très importante des consommations électriques et des émissions de gaz à effet de serre et en apportant une vraie réponse à la question de notre dépendance aux énergies fossiles carbonées.
Zoom sur le futur campus Engie, vu à travers le prisme de la géothermie et des EnR
Le projet : créer un pôle énergétique qui répond aux besoins en chaud et en froid des immeubles grâce à des énergies 100% renouvelables avec géothermie profonde de type ATES, panneaux photovoltaïques installés en toiture et chaudières à biogaz.
Etienne Billier, directeur opérationnel de Nexity Immobilier d’Entreprise, explique le choix de la géothermie pour le campus Engie à la Garenne-Colombes : « Engie a logiquement choisi de privilégier les énergies renouvelables pour son nouveau siège et de préférence les énergies disponibles localement. La phase d’esquisse et le premier forage exploratoire réalisé fin 2018, ont confirmé le potentiel géothermique du site qui accueille le projet Campus Engie, développé par Nexity. Nous avons fait appel à Strategéo, un bureau d’études spécialisé dans la géothermie, pour ce premier forage à 95 mètres de profondeur et les essais de pompage et de réinjection ont été concluants ».
Si la difficulté de la géothermie peut résider dans le pompage de l’eau, c’est surtout la réinjection de l’eau de la nappe qui est complexe comme le précise Etienne Billier : « Une fois que nous avons pompé l’eau de la nappe, on ne la rejette pas au réseau d’assainissement public, on la réinjecte dans la nappe, c’est une obligation réglementaire, c’est là toute la complexité de l’opération en effet le sol doit être en capacité d’absorber l’eau que nous devons réinjecter, ce qui limite le débit.
Afin d’optimiser l’énergie de la nappe, nous utilisons le système ATES (Aquifer Thermal Energy Storage), qui permet de stocker l’énergie thermique dans la nappe pour la réutiliser au changement de saison. C’est un système de captage d’eau réversible qui requiert l’installation de 2 ensembles de puits (2 fois 5 puits pour le Campus Engie) : l’un pour le puisage, l’autre pour le rejet de l’eau (et vice versa). Ces deux ensembles ont été suffisamment espacés pour éviter les interférences thermiques, ainsi deux bulles thermiques (chaude et froide) distinctes se forment et constituent des capacités de stockage d’énergie (chaude et froide). En effet, en saison froide, l’eau pompée dans la bulle chaude alimente en calories des pompes à chaleur que l’on appelle Thermo-Frigo-Pompes (TFP) et est rejetée refroidie dans la bulle froide. Inversement en saison chaude, l’eau pompée dans la bulle froide alimente en frigories les TFP et est rejetée réchauffée dans la bulle chaude. A l’issue de quelques cycles les bulles se stabilisent et produisent une énergie optimale ». Ce procédé permettra ainsi d’assurer 80% des besoins en chaud du Campus ENGIE et 65 % de ses besoins en froid.