La ville de Parme la nuit
Publié le 05.11.24 - Temps de lecture : 5 minutes

Comment la ville de Parme réduit ses déchets

La ville de Parme montre l’exemple en matière de réduction des déchets, avec des mesures de tarification incitative et un contrôle strict des dépôts sauvages. Grâce à ce modèle, elle atteint un taux de collecte de plus de 80 % et inspire d’autres villes du monde. Bien que l’objectif du zéro déchet reste un défi, Parme prouve que des politiques audacieuses peuvent faire la différence.

À RETENIR

  • La ville de Parme, en Italie, est un modèle en matière de gestion des déchets avec une politique de réduction et de tri stricts, incluant tarification incitative et collecte en porte-à-porte, ayant permis d’atteindre un taux de collecte de plus de 80 %, bien au-delà de l’objectif européen de 55 % pour 2025.
  • Un dispositif de surveillance, avec des caméras et une équipe d’agents spécialisés, traque les contrevenants pour dissuader les dépôts sauvages, avec des amendes pouvant atteindre 10.000 euros ; ce système est soutenu par la société publique Iren.
  • La tarification incitative repose sur des bacs à puce RFID et encourage les habitants à trier plus pour réduire leurs coûts, récompensant les pratiques vertueuses comme le compostage ou le recyclage en déchetterie, avec des points réduisant la facture jusqu’à 30 %.
  • D’autres villes comme Ljubljana, Besançon, et Sǎlacea suivent des modèles similaires de gestion des déchets, prônant l’économie circulaire et le tri à la source, avec des résultats impressionnants en matière de réduction des déchets résiduels.
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La pollution plastique liée à la mauvaise gestion de nos déchets est la troisième grande crise environnementale à laquelle est confrontée l’humanité, après le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Chaque minute, l’équivalent d’un camion poubelle rempli de déchets plastiques se déverse dans l’océan, moins de 10 % des déchets sont recyclés à l’échelle de la planète, autant de statistiques que la communauté internationale veut inverser en élaborant un traité international sur le modèle de l’accord de Paris sur le climat.

Au nord de l’Italie, dans la région d’Emilie-Romagne, la ville de Parme fait figure de modèle pour d’autres métropoles avec sa politique drastique de réduction des déchets.

Contrôle des ordures, tarification incitative, vastes unités de tri et de traitement, la ville italienne de 200.000 habitants a déployé tout un arsenal de mesures pour réduire efficacement ses déchets. Même si l’idéal du zéro déchet est quasiment impossible à atteindre, les Parmesans sont devenus les spécialistes du tri dans une région championne d’Italie de la production d’ordures ménagères.

Les poubelles de rue de Parme arborent un message clair : « E vietato abbandonare rifiuti domestici dentro e intorno ai cestini. » Traduction : « Il est interdit d’abandonner les ordures ménagères dans et autour des poubelles. » Un rappel à l’ordre doublé d’un avertissement à l’attention des pollueurs. Les comportements inconvenants seront durement sanctionnés puisque les amendes pourront atteindre 10.000 euros avant des poursuites pénales pour des déchets dangereux.

Une équipe de 7 agents enquêteurs traque sans relâche les « serial pollueurs »

La commune de Parme a confié la gestion de ses déchets à Iren, une entreprise publique spécialisée, forte d’une équipe de sept agents enquêteurs traquant sans relâche les « serial pollueurs ». Ces véritables « détectives des ordures » comme ils aiment se définir, sont assistés d’une dizaine de caméras de surveillance pour repérer les comportements inconvenants. Sept caméras sont ostensiblement fixées sur des lampadaires pour sensibiliser les habitants et trois autres sont dissimulées dans des sortes d’armoires électriques pour déjouer la vigilance des contrevenants.

Les images sont passées au crible par une société spécialisée et, en cas de suspicion d’infraction, sont transmises aux « agents enquêteurs ». Les affaires sont cependant souvent complexes à élucider, les pollueurs prenant de plus en plus de précautions pour ne laisser aucune trace qui pourrait les identifier, comme le code-barre d’un emballage provenant d’une commande en ligne, gratté ou brûlé au briquet.

Collecte en porte-à-porte et tarification incitative, les deux axes du système de gestion des déchets

Sur les 4.000 contrôles par an, entre 10 % et 15 % débouchent sur des contraventions, souvent pour des déchets abandonnés de façon sauvage dans la rue par des personnes souhaitant éviter les contraintes de la collecte en porte-à-porte et de la tarification incitative, qui forment les deux axes principaux du système de gestion des déchets de Parme.

Mise en place en 2013, cette stratégie dite « zéro déchet », attire des délégations du monde entier désireuses de s’inspirer d’un modèle qui a fait ses preuves. Ainsi, des élus, des chercheurs ou des responsables d’association de New York, Barcelone, Bruxelles, Bordeaux sont déjà venus étudier la politique parmesane qui a permis au taux de collecte de la ville d’augmenter de façon spectaculaire, passant de moins de 50 % au début des années 2010 à plus de 80 % aujourd’hui. Des résultats qui sont très en avance sur l’objectif européen fixé à 55 % en 2025 et bien au-dessus de la moyenne en Île-de-France (24 %). De son côté, la collecte séparée a quasiment doublé, passant de 270 kg à 450 kg par habitant, alors qu’elle plafonne à 60 kg par habitant en région parisienne. Dans le même temps, les déchets résiduels ont été quasiment divisés par trois, passant de 305 kg à 105 kg par habitant, quand ils représentent 268 kg par habitant en Île-de-France.


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Encourager les pratiques vertueuses

La collecte des déchets, organisée en porte-à-porte, exception faite du verre, répond à un calendrier hebdomadaire et à des horaires très précis selon le type de déchet et la zone de résidence (quatre secteurs du centre à la périphérie). Le lundi (entre 9 heures et 14 heures), poubelle bleue pour le papier, le carton et les emballages de type Tetra Pak. Le mercredi (entre 21 heures et 3 heures du matin), sac jaune avec un code-barres identifiant son propriétaire pour les plastiques recyclables et les boîtes de conserve. Les lundis, mercredis et vendredis soir, bac marron pour les déchets organiques. Les lundis et vendredis soir, bac noir pour les déchets résiduels (mégots de cigarette, stylos, brosses à dents, rasoirs jetables, couches…).

Le bac noir est la pierre angulaire du système de tarification incitative. Chaque foyer en possède un, d’une capacité standard de 40 litres. Equipé d’une puce RFID (radio-identification), c’est le « mouchard » des poubelles des Parmesans, lu par le lecteur optique présent sur chaque camion-poubelle. La facture des ordures ménagères se compose d’une part fixe qui dépend de la superficie du logement et d’une part variable en fonction du nombre de ramassages du bac noir. Plus on le vide, plus on paie. Si l’on rate le jour de la collecte, une vingtaine d’« écostations » permettent d’apporter ses déchets vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.

La tarification incitative encourage les pratiques vertueuses puisque les « bons gestes » permettent de cumuler des points et d’alléger sa facture jusqu’à 30 %. Les habitants qui se mettent au compost bénéficient ainsi d’un rabais de 12 %, même si à peine 1 000 foyers ont installé un composteur. L’effort de ramener à la déchetterie des déchets non pris en charge par la collecte en porte-à-porte est récompensé et permet de faire des économies. Chaque objet trié rapporte des points : 36 pour un réfrigérateur, 5 pour une lampe à néon. Chaque point correspond à 15 centimes d’euro.

« Nos modes de vie génèrent ces déchets »

Trois poubelles marron sont bourrées de capsules Nespresso. « Si on ne les collectait pas pour pouvoir recycler l’aluminium, elles finiraient à l’incinérateur, explique Andrea Peri, responsable de la gestion des déchets à la mairie de Parme. Il y a vingt ans, ce type de déchets n’existait pas, le marc de café, on le versait directement dans les jardinières. C’est difficile de réduire nos déchets quand l’industrie ne cesse d’en mettre de nouveaux sur le marché. Même problème avec l’explosion du commerce en ligne et l’hérésie Amazon, nos poubelles débordent de cartons. Nos modes de vie génèrent ces déchets. »

Malgré ces efforts, Parme n’a pas encore atteint le zéro déchet. Entre 2018 et 2023, la quantité d’ordures ménagères a seulement baissé de 20 kg par habitant. Cependant, la ville continue d’innover et de chercher des moyens de réduire encore plus ses déchets, tout en inspirant d’autres villes à suivre son exemple.

Comme Parme, d’autres villes se sont engagées dans un modèle vertueux d’économie circulaire :


Ljubljana

En 2007 en Slovénie où seules 22% des ordures étaient recyclées, la société publique (Snaga) qui gère les ordures à Ljubljana commence à ramasser les déchets organiques en faisant du porte-à-porte. En 2012, ce système s’étend au papier et au carton, les conteneurs de rue sont retirés puis, pour encourager le tri, Snaga diminue la fréquence de ramassage des déchets résiduels, tout en maintenant la fréquence pour les autres déchets. Ljubljana est à présent la meilleure capitale d’Europe pour le tri des déchets, et fut capitale verte européenne en 2016.

Besançon

En Bourgogne-Franche-Comté, c’est un incinérateur qui est à l’origine d’un changement. Après avoir décidé de ne pas rénover le plus vieux de ses deux fours, la ville de Besançon opte pour la réduction des déchets à la source. Développement du compostage de proximité et une tarification incitative, utilisation de gobelets consignés, prêt gratuit de kits de couches lavables aux parents, autant d’initiatives payantes puisque les ordures ménagères résiduelles sont passées de 217 kg par habitant en 2009 à moins de 150 kg en 2016.

Sǎlacea

En 2016, la Roumanie recyclait 13% de ses déchets. Un an plus tard, EcoBihor, société de gestion des déchets, persuade le maire de Sǎlacea, commune de 3000 habitants, de convaincre la population de trier à la source. En quelque mois, après l’achat de poubelles pour environ 1.500 euros, une collecte sélective est mise en place jusque dans les écoles. Dès le premier mois, 66% des déchets sont recyclés, contre 3% seulement en 2017. Les déchets non recyclables passent de 109 à 19 kilos par an par habitant.

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