Réchauffement climatique : comment les architectes s’adaptent
Matériaux bas carbone, préservation de la biodiversité… les enjeux de la ville de demain nécessitent d’imaginer de nouvelles esthétiques. Focus sur quelques projets présentés à l’occasion de la biennale d’architecture de Versailles.
A deux pas du Château de Versailles, édifice emblématique au possible, une myriade d’architectes s’est appliquée à réfléchir à de nouvelles approches en matière de construction, dans un style radicalement différent qui se calque sur l’air du temps. Habitat intégrant la faune et la flore, réutilisation de terres extraites dans le cadre des travaux du Grand paris et transformés en matériaux de construction, la thématique de l’économie des ressources et de la prise en compte de l’environnement était plus présente que jamais lors de la deuxième édition de la Biennale d’architecture et de paysage d’Ile de France. Elle se déroule en ce moment même à Versailles (du 14 mai au 13 juillet) autour du thème « Terre et villes ». « La Ville minérale a vécu, la Ville de demain reste à inventer » a déclaré Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France, avec des réflexions multiples sur les matériaux, mais aussi sur la préservation des écosystèmes dans les tissus urbanisés. De quoi motiver des travaux et réalisations qui sortent des sentiers battus.
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Une paroi biodiversitaire, logement des hommes, de la faune et de la flore
Ce pavillon circulaire élaboré par l’agence ChartierDalix est constitué d’un immense mur de pierre habité par la faune et la flore sur sa face extérieure. À la fois mur porteur massif et sol vertical, cet ouvrage, conçu dans le cadre d’une rechercher menée depuis plusieurs années, est présenté par l’agence comme « tellurique, compact et enveloppant », et s’apparente à « une fabrique de jardin qui ponctue la promenade ». Cette hybridation entre nature et ville change également la perception en verticalisant la position de la flore sur ce mur végétal. Sur un plan technique, ce système se différencie par la continuité d’un réseau de substrat à l’intérieur du mur qui autorise la « continuité écologique d’un substrat vivant et la rétention de l’eau afin de permettre aux plantes de s’y développer de manière pérenne grâce à un espace plus grand dédié aux systèmes racinaires » indiquent les architectes, pour qui ce pavillon est également un démonstrateur des ressources cachées de la ville. Alors que les débats sur la raréfaction des ressources et les circuits courts se multiplient, cette paroi biodiversitaire que l’on imagine installée sur de futures constructions a été obtenue en récupérant les matériaux issus de grands chantiers parisiens comme le démantèlement des berges de la Seine, la réfection du palais de Tokyo ou encore le chantier de transformation de Châtelet-Les Halles. Quelquefois, il suffit de se baisser pour trouver les ressources nécessaires…
Crédit : MUE-expériences
DE LA TERRE NAQUIT LA TOUR
L’atelier de recherche, expérimentation et pédagogie MUE-expériences (pour MUtation Écologique) a pour ambition de co-concevoir et co-construire des projets dans le domaine du design, des édifices, de l’aménagement des territoires et des paysages post-carbone. Le projet « La tour des Terres », d’une dizaine d’étages, s’inscrit parfaitement dans cette mouvance, en utilisant plusieurs techniques de construction en terre crue avec des matériaux réutilisables à l’infini car utilisés ordinairement, sans adjuvants artificiels ni cuisson. Pierre, terre et bois, proviennent notamment de l’intarissable gisement de millions de tonnes de déblais excavées chaque année dans le sol de la métropole parisienne. Et donnent naissance à une tour qui s’allège au fur et à mesure de son élévation. De forme carrée, l’artificialisation au sol reste minimale. Le rez-de-chaussée est composé de pierre pour donner une assise solide. Ensuite, les matériaux évoluent. Du premier au 5e étage, c’est une bauge lourde et épaisse (empilement de terre crue et de fibres végétales) qui constitue les murs. Au 6e et 7e étage, le torchis prend le relais, alors que de la terre allégée est utilisée pour les deux derniers étages. Qualifiée d’artefact lowtech, cette « Tour des Terres » « est structuralement organisée par une grammaire architecturale stricte basée sur la répétition et le découpage d’un module de 60 cm ». Et se veut tout sauf massive, avec des murs qui s’affinent en montant : d’une épaisseur de 96 cm au rez-de-chaussée, ils perdent 6 cm à chaque niveau. Soit 36 cm d’épaisseur finale au niveau R+10. « Comme le tas d’argile fait humain », cette tour « apparaît en résurgence de son sol, elle est l’expression d’un cycle de la matière retrouvé » selon MUE-expériences.