4 scénarios et actions pour le climat à horizon 2050
Dans une étude prospective de près de 700 pages, l’Agence de la Transition Écologique (ADEME) détaille quatre scénarios, du plus « sobre » au plus « technologique », et formule des recommandations en matière de consommation, de système productif, d’énergie et de gestion des puits de carbone. Envies de ville synthétise les quatre scénarios et met en lumière les actions pour le climat que peuvent mener les collectivités et acteurs de la Fabrique des territoires.
Si l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050 est connu de tous, les voies pour y parvenir sont encore mal tracées. C’est pourquoi l’ADEME a mené une étude pendant plus de deux ans pour éclairer les décisions incontournables à court terme et illustrer le champ des options possibles à plus long terme. Quatre scénarios se dessinent, avec leur lot d’actions pour le climat : génération frugale, coopérations territoriales, technologies vertes, paris réparateur… Décryptage.
SCÉNARIO 1# Une « génération frugale » qui bouscule ses habitudes, par la sobriété et… sous la contrainte
Dans ce scénario, la transition tient davantage à l’évolution des modes de vie et de consommation qu’aux technologies de captage et stockage de carbone qui jouent un rôle minime. C’est par la sobriété et par un ensemble de mesures coercitives qu’advient le changement avec comme principales évolutions « la réduction volontaire de la demande en énergie, matières et ressources », notamment grâce à une prépondérance du local sur le national et l’international.
Pour réduire drastiquement les émissions de carbone, le patrimoine bâti est largement mis à contribution. Sa rénovation permettant de limiter le nombre de constructions neuves, de réduire ses besoins énergétiques et de mieux utiliser ses espaces.
Autre changement majeur de paradigme, la demande de mobilité est drastiquement freinée avec une réduction de 26 % du nombre de kilomètres parcourus et une substitution des transports polluants par des modes plus doux, notamment dans les villes. En parallèle, de nouveaux modes de déplacement partagés se développent dans les zones rurales comme le covoiturage solidaire et l’autostop. Dans ce scénario « frugal » les innovations de pointe comme la mobilité hydrogène ne sont pas développées mais l’électricité représenterait environ 40 % de la consommation d’énergie finale.
Une hypothèse qui se veut prudente quant à la capacité d’innovation, et privilégie le low-tech. Les collectivités et acteurs de la fabrique des territoires sont amenés à sanctuariser les espaces naturels, véritables puits de carbone, et à capitaliser sur la transformation de l’existant.
En chiffres :
- Les résidences secondaires passent de 9 % à 2,5 % du parc
- 80 % des logements sont rénovés à un niveau Bâtiment Basse Consommation
- La surface des maisons neuves individuelles est réduite de 30%
SCÉNARIO 2# Les « coopérations territoriales » : moins de contraintes et plus de partage
Moins catégorique en matière de restrictions que le premier scénario, celui-ci parie sur « une évolution progressive mais à un rythme soutenu du système économique ». Le rôle de l’échelle locale est prépondérant puisque les régions et structures infrarégionales seraient responsables de la gestion des ressources naturelles. D’ailleurs, les citoyens ne seraient pas en reste puisque le rapport mise sur leur implication dans la végétalisation des espaces privés… et publics.
En termes d’aménagement du territoire, ce scénario comporte plusieurs similitudes avec le premier, et accentue le trait sur la « ville du quart d’heure » avec une généralisation de la densification en hauteur des villes et la forte réduction de la demande de mobilités (- 8 % par rapport à aujourd’hui) et du trafic de marchandise (- 35 % de volume transporté – en tonne-km).
Les coopérations territoriales visent en partie une meilleure répartition du tissu industriel sur le territoire en misant sur leur spécialisation. Cette dernière permettrait notamment d’encourager le développement de l’économie circulaire et de recycler 80 % des matériaux utilisés tout en augmentant leur taux de valorisation à hauteur de 95 %.
Dans cette optique, le captage et le stockage de CO2 suivant des procédés artificiels seraient déployés sur quelques sites critiques seulement comme les cimenteries du Nord-Est dont les émissions seraient stockées en mer du Nord.
En chiffres :
- 150 000 logements sont construits chaque année
- 80 % des logements sont rénovés à un niveau Bâtiment Basse Consommation
- 71 % des surfaces tertiaires suivent la trajectoire prévue par le décret tertiaire
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SCÉNARIO 3# Les « technologies vertes » en renfort de tous les secteurs
Les changements de comportement sont réduits à quelques légères adaptations, sur l’alimentation et les modes de consommation mais la technologie permet de réduire les émissions carbones de nos activités. En particulier, les mobilités individuelles restent prédominantes mais largement moins polluantes grâce à leur électrification. Un scénario ambitieux qui nécessite un calendrier rigide (et à respecter) pour que le numérique et les nouvelles technologies irriguent les secteurs de l’énergie et de l’industrie.
Pour suivre l’adaptation des villes et des territoires aux transformations, des outils numériques de suivi sont mis en place (agriculture de précision, développement du dessalement de l’eau de mer, domotique…) et les équipements de méthanisation, de stockage à l’hydrogène et de captation de biomasse se développent partout en France : une révolution par rapport à la participation encore faible de ces technologies à la production d’énergie.
Sur le plan de la construction et de l’aménagement du territoire, ce scénario ne prévoit pas un avenir frugal. Bien au contraire, il envisage un cycle de « rénovation massive » et de « déconstruction-reconstruction haussmannien ». Les modes constructifs seraient dès lors davantage tournés vers l’industrialisation et la préfabrication de matériaux pour répondre à la demande de logements neufs et collectifs.
En chiffres :
- Le nombre de kilomètres parcourus par les voyageurs augmente de 23 %
- La part des énergies fossiles dans le transport est réduite à 10 %
- Les émissions directes de GES du secteur des mobilités baissent de 94 %
SCÉNARIO 4# Un « pari réparateur » comme dernier recours
Audacieux ou fou, ce scénario mise presque exclusivement sur la capacité des nouvelles technologies à décarboner nos activités tout en sollicitant activement les puits de carbone.
Mais alors comment ce scénario peut-il tout de même tenir la neutralité carbone ? La maîtrise technique de la nature par les hommes devient « un objectif de résilience », et à ce titre, l’agriculture devient intensive et optimisée. Les technologies sont omniprésentes dans tous les secteurs des mobilités à la construction avec une très forte électrification. En soit, ce n’est pas tant la capacité à réduire nos émissions qui est étudiée dans ce scénario que notre capacité à explorer de nouvelles solutions de captation et de stockage du carbone.
En outre, la mer du Nord deviendrait un site de stockage majeur de CO2. Celui-ci serait capté à la fois à la source, notamment dans les industries, mais aussi dans l’air ambiant.
Du plus « sobre » au plus « technologique » ou du « plus désirable » au « moins désirable » selon les points de vue, ces quatre scénarios donnent à voir les perspectives qui s’offrent à nous pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Conscients de ces enjeux, les pouvoirs publics et les collectivités auront des arbitrages cruciaux à faire en particulier sur les enjeux de construction et de mobilités. Plusieurs villes ont déjà affiché leurs ambitions, et n’ont maintenant plus qu’à choisir leur modèle.
En chiffres :
- Le nombre de kilomètres parcourus par les voyageurs augmente de 39 %
- La consommation d’électricité associée à la captation et au stockage de carbone représente plus de 4 % de la consommation d’énergie finale
- Les data centers consomment 15 fois plus d’énergie qu’en 2020