Qualité de vie : comment répondre aux nouvelles aspirations des habitants ?
Comment entendre et analyser les attentes des populations pour répondre à leurs aspirations en termes d’aménagement ? Quelles sont les nouvelles méthodes et tendances dans le domaine de la mesure de la qualité de vie, et quelle est sa prise en compte effective par les décideurs locaux ? La pertinence de l’implantation d’un nouveau quartier est ainsi analysée aujourd’hui à la lumière de quantité d’indicateurs allant de l’efficience économique à la durabilité du projet en passant par le bien-être de ses principaux usagers. C’est sur ce dernier point que le séminaire ENS-Institut Paris Région sur les questions urbaines s’est notamment penché.
L’analyse de l’opinion
Big Data, laboratoires de recherches, observatoires, sondages en tous genres… Les moyens de s’enquérir de l’opinion d’une population donnée n’ont jamais paru aussi vastes. Acteurs publics et privés redoublent de méthodes et de calculs pour prendre en compte les aspirations des habitants quant à leur lieu de vie. La densité urbaine, la pollution, le stress, le coût du logement, tous ces critères ont également participé à l’émergence de la qualité de vie comme préoccupation centrale des citoyens.
Par extension, celle-ci est également devenue un argument électoral de poids. Or la prise en compte réelle des aspirations des ménages au moment de choisir leur habitat n’est pas chose aisée. Il faut faire la distinction entre les préoccupations générales des foyers quant au quartier dans lequel ils souhaitent vivre d’une part et le contexte pragmatique d’achat, parfois incompatible et souvent prioritaire. Ici s’opposent donc les désirs idéalistes et les considérations matérielles.
Si la maison individuelle reste un idéal pour la grande majorité des français (80%)*, elle est par exemple loin de représenter la même majorité dans la part des achats immobiliers. Selon l’ObSoCo*, sept Franciliens sur dix déclarent souhaiter quitter l’Île-de-France pour vivre dans une autre région. La réalité des départs effectifs est évidemment bien loin de ce pourcentage. C’est donc aux décideurs des territoires de s’interroger sur les aspirations de leurs concitoyens, tout en les mettant en regard des contextes structurels (accès à l’emploi, aux transports, superficie des logements envisagés…).
Qualité de vie : est-on heureux dans le Grand Paris ?
Comment (vraiment) mesurer la qualité de vie ?
Une fois les projets lancés, les acteurs économiques qui en sont partie prenante (promoteurs, régie de transports, entreprises implantées etc.) doivent obéir aux mêmes problématiques de compréhension des attentes, à ceci près qu’ils sont aussi tributaires de celles des décideurs via notamment les cahiers des charges des appels à projets. C’est ainsi que les études de cabinets indépendants se succèdent avant même de dessiner les plans des aménagements urbains. La décision pourrait donc reposer sur ces trois questions : Quelle population est visée par ces nouveaux programmes ? Quelles sont ses aspirations ? Comment les mettre en adéquation avec l’emplacement concerné ?
Lors du séminaire ENS-Institut Paris Région du 14 juin 2019 sur les questions urbaines, s’est tenue une table ronde sur le thème « comment mieux comprendre et mieux répondre à ces aspirations ? ». Jean-Luc Porcedo, Président de Nexity Villes & Projets, y résumait la nécessité de bien analyser ces attentes « Notre deuxième impératif est de satisfaire notre client acquéreur. Après la collectivité, qui fixe les règles, nous avons nos clients qui vont acheter nos logements, qui vont utiliser nos services dans la gestion locative, qui vont s’installer dans nos résidences étudiantes ou séniors. (…) Où est-ce que l’on construit ? À proximité d’une gare ou d’un réseau de transport collectif ? Quels sont les services que nous apportons, aussi bien dans le logement (c’est notre métier) que dans son environnement, dans son territoire ? ».
De l’analyse à l’action
La récolte de données et leur analyse permet donc d’intégrer totalement l’usager au processus de décision de la conception des nouveaux espaces urbains. Elle ne s’arrête d’ailleurs pas aux balbutiements d’un projet, mais, pour être véritablement efficace l’accompagne tout au long de sa vie. Le cas de Sénart, en Essonne, est en ce point un parfait exemple. Déclarée Opération d’Intérêt National, la ville nouvelle était déjà imaginée, dans les années 60, comme une réponse à l’attrait des entreprises sur du foncier disponible, tout en désengorgeant le territoire de l’agglomération parisienne.
Puis tout au long de l’Histoire, les concertations publiques se sont multipliées, jusqu’à être un prérequis pour, par exemple, établir un Contrat de Développement Territorial après une consultation publique de grande ampleur. Là encore, les nouvelles technologies apportent leur lot de progrès dans l’analyse au long cours. C’est d’ailleurs prévu dans ce même contrat de développement territorial.
Parmi ses objectifs, le CDT prévoit notamment de « Promouvoir une urbanisation durable » (TI.2.3). Dans ce sens, il établit par exemple que « les nouvelles opérations doivent obligatoirement se réaliser sous forme d’éco-quartiers dont l’impact sur la qualité environnementale, la cohésion sociale et le développement économique devra être préalablement évalué et régulièrement suivi. » Dans le détail, la consommation énergétique doit donc notamment inclure « un suivi des consommations sera effectué en liaison avec les bailleurs et les occupants sur la base du volontariat permettant de disposer d’un utile retour d’expériences sur la performance réelle des nouveaux procédés constructifs ».
Les chiffres clés dévoilés par l’Institut Paris Région à propos de la communauté d’agglomérations Grand Paris Seine-Essonne-Sénart, dont l’EPA Sénart est l’un des deux aménageurs désignés, révèlent en outre un suivi constant de l’économie, l’attractivité, la population, la consommation énergétique, l’impact territorial et social … sur le territoire.
Enquête – analyse – actions, le schéma n’est donc pas une ligne directrice, mais un cercle vertueux. Et constant. La mesure de l’action, une autre forme d’analyse de données, est au moins autant nécessaire pour les décideurs que l’étude préalable des aspirations des citoyens. Parmi les nombreux souhaits exprimés par les français, celui d’être partie prenante des décisions impactant leur territoire est l’une des plus souvent formulée. Le début d’une nouvelle ère toujours plus collégiale ?
*Observatoire de l’Habitat 2019, ObSoCo Nexity, CDC Habitat, et Somfy