La méthode de Lyon pour enrayer le non-recours aux aides sociales
La Ville de Lyon vient de se doter d’un nouvel outil : le baromètre du non-recours aux droits. Cette initiative devra permettre d’analyser les raisons du non-recours à certaines aides sociales, de façon à mieux accompagner les publics ciblés en suivant l’exemple de Grenoble. Explications.
Chaque année en France, environ une personne sur trois ayant droit à des prestations sociales n’en bénéficie pas, soit parce qu’elle n’en fait pas la demande, soit parce qu’elle ne va pas au bout des démarches nécessaires pour pouvoir en bénéficier. Dans un contexte marqué par la crise sanitaire, qui aggravé les difficultés à se loger, se nourrir, se soigner ou trouver un emploi, la ville de Lyon, en lien avec le CCAS et la Métropole de Lyon, a décidé de se doter d’un outil permettant de mieux comprendre le phénomène : le baromètre du non-recours aux droits.
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L’identification des causes du non-recours aux aides sociales
Le baromètre du non-recours aux droits est le fruit d’une démarche partenariale associant les collectivités, la Fondation Nexity, plusieurs acteurs associatifs, et un collectif de chercheurs réunis au sein de l’ODENORE (Observatoire des non-recours aux droits et aux services). Il devra notamment permettre de mieux comprendre le parcours des personnes ciblées, recenser les demandes d’aides les plus sollicitées et celles qui sont les moins connues, relever les freins à l’accès aux droits, et enfin identifier les causes du non-recours (non-connaissance, non-réception, non-proposition, non-demande, etc).
Les données seront recueillies sur la base d’un questionnaire diffusé dans un premier temps dans les septième et huitième arrondissement de Lyon. Un déploiement à plus large échelle pourra par la suite être envisagé.
Le Baromètre du non-recours aux droits couvrira l’ensemble des aides légales et facultatives, qu’elles concernent le logement, l’accès aux soins, l’aide alimentaire, les déplacements, ou encore l’insertion sociale au travers des activités culturelles, sportives et de loisirs. Il devra également contribuer à l’évaluation des effets de la dématérialisation des démarches, et mesurer l’impact de la crise sanitaire sur le phénomène du non-recours. Un travail nécessaire pour accompagner de la manière la plus fine possible les publics éligibles aux aides, tout en permettant aux collectivités d’être plus efficaces économiquement : le non-recours coûte en effet souvent plus cher que l’activation des droits, tant elles permettent des économies sur le long terme.
Grenoble, ville pionnière dans la lutte contre le non-recours
Lyon n’est pas la première ville à déployer ce type de dispositif. Il y a quelques années, Grenoble a créé le premier baromètre du non-recours aux droits. L’initiative a notamment montré que la Couverture maladie universelle complémentaire était la prestation pour laquelle les cas de non-recours étaient les plus fréquents. Le baromètre a également mis en évidence que le non-recours était majoritairement le fait de personnes seules, et que celles susceptibles de ne pas recourir à une aide renonçaient souvent également à d’autres dispositifs gérés pourtant par des institutions différentes : on a donc pu déceler une tendance au non-recours systématique de la part des mêmes individus. La lassitude face à des démarches jugées trop complexes a de plus été identifiée comme la raison principale du renoncement aux aides sociales de la part de nombreux ayants droit.
Sur la base de ce diagnostic, la ville a par la suite défini des axes de réflexion (le numérique, les jeunes, la santé…) sur lesquels ont travaillé plusieurs groupes composés d’élus, d’acteurs institutionnels et associatifs. Il a par ailleurs été décidé, pour faciliter l’accès aux droits par le numérique, de créer une nouvelle plateforme, Solidarités Grenoble, qui centralise toutes les informations pertinentes sur le sujet. A Lyon, la suite à donner au baromètre se dessine déjà. Une étape cruciale pour les territoires qui s’engagent dans cette démarche afin de s’adapter aux spécificités des caractéristiques du public visé. Ainsi, l’ODENORE a mené des études avec des CPAM qui ont permis de développer des services de médiation complémentaire mais différents sur certaines régions.
Des actions correctives dès 2022
Dans la capitale des Gaules, le baromètre du non-recours a vocation à nourrir et à perfectionner l’action publique : les enseignements tirés des données recueillies devront servir, dès le second semestre 2022, à définir des actions correctives destinées à améliorer la connaissance et le recours aux aides sociales de la part des publics concernés. Comme l’indique Grégory Doucet, maire de Lyon, ce baromètre préfigure « le bouclier social » que l’équipe municipale souhaite mettre en place, qui aura pour objectif « d’articuler plus efficacement les aides publiques à destination des publics les plus fragiles, pour améliorer l’efficacité du service public et passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats ». Rendez-vous est pris.