Publié le 04.02.21 - Temps de lecture : 4 minutes

Ville et Millenials : une histoire de désamour ?

44%

C’est le pourcentage de jeunes de 20 à 35 ans qui s’affirment être dérangés par le bruit et les nuisances sonores en milieu urbain. Ce chiffre, tiré d’un récent sondage publié par l’institut BVA, pourrait presque paraître anecdotique s’il n’était le reflet d’un mécontentement plus large et plus profond des Millenials à l’égard des conditions de vie que leur offre la ville.

Retour sur les raisons et les enjeux d’un désamour croissant entre les Millenials et la ville.

©️Shutterstock

Ce que les Millenials reprochent à la ville

On les croyait, à tort ou à raison, tantôt positifs, autonomes, connectés ou responsables : les Millenials, cette génération de jeunes de 20 à 35 ans socialisés avec les réseaux sociaux, semble en réalité receler d’autres facettes insoupçonnées.

En particulier, son rapport à la ville s’éloigne radicalement des images d’Epinal qui voudrait que la grande ville soit le lieu de la réalisation de soi par excellence. En réalité, lorsqu’on les interroge, les Millenials témoignent avant toute chose d’un rapport frustré à la ville, lourd d’exaspérations, voire de rancœurs, qui contribuent à détricoter l’évidence du lien entre jeunesse et grande ville.

Ainsi, les réponses des Millenials à la question « selon vous, quels sont les critères qui rendent aujourd’hui la ville parfois difficile à vivre ? » sont sans appel.

Tancée à 54% pour un coût de la vie élevé ne trouvant de meilleure incarnation que dans les difficultés à accéder au logement, la ville est également aux yeux des jeunes synonyme d’insécurité (47%) et de pollution (47%).

S’ils sont nombreux à s’entendre sur les torts de la ville actuelle, les Millenials se distinguent toutefois par l’intensité et la nature des reproches. C’est, par exemple, chez les 25-30 ans que se situe le plus fort degré de mécontentement à l’égard du coût de la vie en ville (61%). Un résultat qui se comprend aisément compte tenu de l’aspiration de cette tranche d’âge à profiter de ses premiers émoluments sans en sacrifier une trop grande part dans l’immobilier, désir de moins en moins compatible avec la réalité des opportunités offertes par la vie en ville.

Si l’insécurité et la pollution constituent deux préoccupations largement partagées au sein de la jeunesse, quels que soient le genre, l’âge, le lieu de vie ou encore le niveau de diplôme, les nuisances sonores sont, quant à elles incriminées en premier lieu par les 31-35 ans. Si les résultats du sondage ne permettent pas d’en être sûr, la vivacité du reproche adressé par cette tranche d’âge aux nuisances sonores est certainement à mettre en perspective des nombreux projets de parentalité fleurissant à cette étape du cycle de vie, et auxquels la ville ne semble plus offrir de cadre de vie approprié.

Fait marquant, l’intensité des reproches nourris par la jeunesse à l’endroit de la ville s’accroît lorsque l’on interroge les Millenials d’Île-de-France : ceux-ci décrient davantage que la moyenne l’engorgement des transports en commun (27%) et la distance entre le lieu de travail, le logement, les loisirs et les commerces (31% contre 21%) de ceux habitant dans une commune de province).

Des inconvénients suffisants pour entériner le désamour des jeunes à l’égard de la ville ?

©️Shutterstock

Si l’on donnait une baguette magique aux Millenials

En réalité, le rapport que les jeunes entretiennent avec la ville se conçoit mieux sur le mode de la lassitude face à certain nombre de désagréments chroniques rencontrés au quotidien que d’un véritable désamour face auquel les villes devraient rester désemparées.

Rassurons-nous : le divorce entre les Millenials et la ville est encore loin d’être entièrement consommé. Mais c’est, en creux, la raison pour laquelle les villes ont tout intérêt à se pencher sur les motivations profondes de cette lassitude.

Les jeunes interrogés se font quant à eux les hérauts d’une vision idéale de la ville en phase avec le changement profond des valeurs parcourant la société dans son ensemble.

Pour 44% d’entre eux, la ville de demain devrait davantage favoriser le respect de l’environnement qu’elle ne le fait aujourd’hui. Des valeurs écologistes fortes, certes, mais pas seulement, puisque les Millenials sont, peut-être de manière moins intuitive, en attente d’une ville de demain assurant davantage de sécurité pour 36% d’entre eux. C’est logiquement la possibilité d’accéder plus facilement au marché du logement qui complète le podium des caractéristiques de la ville idéale aux yeux des Millenials, témoignant par là d’un enjeu crucial d’inclusivité, auquel la ville de demain devra immanquablement apporter des réponses concrètes pour demeurer attractive.

Mais même concernant le visage de la ville idéale, les réponses des Millenials divergent parfois et confirment l’idée selon laquelle les jeunes sont loin de nourrir des aspirations homogènes à l’égard de la vie en ville.

Parmi les lignes de faille les plus clivantes, on retrouve notamment l’aspiration à une mobilité douce, collective ou partagée, enthousiasmant davantage les CSP+ que les CSP- (25% contre 14%), a fortiori lorsque l’on interroge des Franciliens, plus nombreux de 7 points que les habitants de province (22% contre 15%) à plébisciter ce type de mobilité.

Sur le rapport à la technologie en ville, les Millenials se plaisent à déjouer les pronostics. Présentés comme des digital natives hyperconnectés et friands d’innovations en tous genres, ils se distinguent en réalité par un rejet très net de la smart-city. Ainsi, s’ils disposaient du pouvoir de transformer la ville, seulement 13% d’entre eux feraient de la « ville technologique et connectée » leur priorité.

Dis-moi qui tu es, je te dirai où tu veux habiter ?

Animés par une volonté profonde d’inscrire leurs valeurs environnementales et de bien-être au cœur de leur cadre de vie, les Millenials seront-ils, à terme, en mesure d’influer par la tectonique des villes les plus attractives ?

Si ces dernières ont encore toutes les cartes en main pour proposer à leurs jeunes les conditions de leur épanouissement, une tendance profonde émerge : Paris ne les fait plus rêver. Jusqu’à il y a peu graal et lieu de convergence de la jeunesse, la ville Lumière semble s’être parée des oripeaux de la ville repoussoir, jugée polluée, bruyante et peu sûre par bon nombre d’entre eux.

En conséquence, le cœur des Millenials interrogées chavire davantage vers de grandes villes intermédiaires comme Bordeaux (18%), Aix-en-Provence (15%) ou encore Lyon (13%), paraissant incarner un équilibre entre la ville des opportunités et la ville du bien-vivre.

En comparaison, Paris, classée 7ème au classement des destinations convoitées par les Millenials, ne recueille que 8% des suffrages exprimés. Ses propres Millenials sont, d’ailleurs, en moyenne plus nombreux que leurs homologues provinciaux à se déclarer attirés par le cadre de vie bordelais.

Vogue ou tendance profonde ? La ville Lumière est, quoi qu’il en soit, confrontée à une sérieuse problématique d’attractivité pour ses populations les plus jeunes. Les réponses qu’elle saura apporter, ou non, aux contraintes pesant sur l’accès au marché du logement seront déterminantes pour sa capacité à rester attractive aux yeux des jeunes.

Cliquez ici pour en savoir plus le lien du sondage BVA pour NGE publié le 26 janvier,

 

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

✉️ Je m’inscris à la newsletter