Végétalisation : les “leçons vertes” d’Amsterdam
Alors que les métropoles subissent l’impact du changement climatique, la question de la résilience des villes face aux phénomènes extrêmes devient urgente, et une partie de la réponse pour sauver l’habitabilité des villes pourrait bien être la végétalisation. Avec son approche Green by default (Vert par défaut), Amsterdam apparait au niveau européen comme un exemple à suivre.
En 2020, lors de la crise du Covid-19, la fragilité du modèle métropolitain et le manque de nature en ville ont été particulièrement visibles et ressentis. La municipalité d’Amsterdam a alors publié sa Vision pour une Infrastructure Verte en 2050, qui répond à quatre besoins sur lesquels la végétalisation a un impact positif. La municipalité a décidé de se doter d’une véritable politique publique dédiée à la végétalisation, axée sur quatre piliers : santé, bien-être social, adaptation au changement climatique et biodiversité, formalisée dans la Vision 2050 pour une Infrastructure Verte.
Les quatre pistes retenues :
- Les voies vertes (rues, avenues, boulevards…) encouragent l’activité physique en rendant les trajets à pied et à vélo plus agréables. Les parcs réduisent le stress thermique en été et le stress sonore tout au long de l’année : ils sont un lieu de détente et de jeux pour les jeunes et les moins jeunes. La nature en ville a ainsi un impact positif sur la santé physique et mentale des citadins, faisant de la végétalisation un enjeu de santé publique.
- Les jardins partagés sont entretenus collectivement et permettent ainsi de nouer et de cultiver du lien social à l’échelle de l’îlot et du quartier, rompant ainsi l’isolement des citadins et contribuant au bien-être social des villes.
- Les arbres, par l’ombre qu’ils portent et le phénomène d’évapotranspiration, minimisent le phénomène d’îlots de chaleur urbains, et contribuent ainsi à la résilience des villes face au changement climatique.
- Les trames vertes et bleues permettent de relier les parcs et jardins urbains entre eux, défragmentant l’habitat de la biodiversité et luttant contre son érosion. La diversification des écosystèmes (prairies fleuries, forêts, mares…) permet d’augmenter le nombre d’espèces végétales et animales en ville, tout en luttant contre les nuisibles par la restauration d’un équilibre naturel.
Mais la végétalisation des bâtiments est une action techniquement compliquée par la portance des toits, la détérioration des surfaces par les racines, et la difficile accessibilité au site pour l’entretien. En France, Stéphane Boudrandi, co-fondateur de Greenskin, a par exemple développé une solution légère, modulaire, et peu consommatrice d’eau pour faciliter la végétalisation du bâti, et confirme son efficacité écologique. Une étude réalisée par l’université de la Réunion a conclu à une différence de 8 °C entre le bâtiment isolé par le panneau végétal de cette entreprise et le bâtiment témoin. C’est à peu près équivalent à l’efficacité d’une climatisation électrique… qui justement, contribue aux îlots de chaleur urbains.
Greenskin a d’ailleurs suivi la même évolution dans son approche de la végétalisation que la mairie d’Amsterdam : « Nos clients nous disaient « avec votre installation, j’ai pu couper la clim ». Et en 2015, avec les Accords de Paris, ça a été le déclic, et on s’est demandé ce qu’on pouvait faire contre le réchauffement climatique avec notre expertise » explique Stéphane Boudrandi. Pour convaincre les maitres d’œuvre et d’ouvrage de massifier le recours à la végétalisation des bâtiments commence alors une série de défis technique à résoudre : réduire le poids des structures pour ne plus réserver le végétal aux bâtiments à forte portance, proposer des plantes à faible entretien pour réduire les coûts de maintenance, isoler les racines de la façade pour éviter les dégradations, et développer un système d’alimentation en eau sobre et autonome. Le panneau breveté qui en résulte, quoique connecté pour optimiser la consommation d’eau, est donc conçu selon les principes de la low-tech : facile d’entretien, robuste, et sobre en consommation d’énergie et de matériaux (recyclés à 85 %).
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L’espace public considéré comme un espace végétalisé
Retour à Amsterdam. Conçu entre autres pour une raison de santé publique, le plan de la capitale néerlandaise est l’occasion d’encourager les mobilités actives : chaque Amstellodamois doit disposer d’un parc à moins de 10 minutes à pied de chez lui, et pouvoir se rendre dans un grand espace naturel en ceinture de ville en moins d’un quart d’heure à vélo, via des voies elles-mêmes végétalisées.
La Vision 2050 pour une Infrastructure Verte assimile justement la ville et tout son réseau viaire à un immense réseau végétal. L’espace public est considéré par défaut comme un espace végétalisé, ou qui a vocation à l’être, à moins que cette action soit rendue impossible par un conflit d’usage avec un autre service urbain : piste cyclable, trottoir ou ligne de transport en commun par exemple. En plus de planter massivement, comme elle l’a fait tout au long de son histoire, Amsterdam formalise dans cette vision son intention de planter avec discernement, pour une ou plusieurs des quatre raisons à son origine, et non plus pour des questions d’esthétique, qui conduisait à des choix écologiquement aberrants comme la plantation massive d’une seule essence d’arbre, réduisant par-là la biodiversité végétale de la ville.
La végétalisation, un sport collectif
Ainsi, les rues amstellodamoises ont quasiment toutes vocation à devenir des trames vertes et bleues de continuité écologique, faisant de la capitale des Pays-Bas une ville accueillante pour les humains, mais aussi pour une variété de plantes et d’animaux, qui voit se former une continuité verte autour d’eux, et leur petite surface d’habitat initiale reliée à d’autres surfaces, leur offrant ainsi une plus grande résilience. Amsterdam veut que la végétalisation soit un effort collectif de la part des acteurs publics, privés, et des habitants. Commencé sur les parcelles possédées par la ville, ces initiatives doivent avoir un effet d’entrainement sur les terrains privés.
Sur ses propres parcelles et dans toute la métropole, Amsterdam a identifié des actions concrètes à mettre en œuvre pour s’assurer du bon développement de l’infrastructure verte. Le choix des essences végétales notamment, est particulièrement important : elles doivent être résistantes aux nuisibles. Originaires des Pays-Bas, les arbres doivent avoir un branchage large pour maximiser l’ombre portée, et les essences aussi nombreuses que possible pour cultiver la biodiversité végétale. Les parcs doivent être restructurés pour être divisés en plusieurs zones selon des usages correspondant aux quatre raisons-piliers de la Vision : des espaces humides comme des mares doivent être créés pour donner à la faune de ces milieux un habitat urbain, des voies piétonnes et cyclables doivent être tracées pour pouvoir les traverser, et des terrains de sport doivent être construits à proximité pour encourager les loisirs actifs.