Les élus locaux face aux risques de coupures électriques
La France va aborder le cœur de l’hiver avec quelques craintes quant aux risques de coupures électriques, en particulier en cas de conditions météorologiques plus défavorables. En cas de consommation supérieure à la production, une solution de « délestage » sera activée à la demande de RTE et mise en place par Enedis. Comment les élus locaux appréhendent-ils cette situation et que vont-ils mettre en place ?
« C’est quelque chose que l’on pensait appartenir au passé ». Le constat est dressé par Grégoire de Lasteyrie, maire de Palaiseau (33 000 habitants en Essonne). Rien n’aurait pu laisser présager une telle situation où les Français, les entreprises, les administrations publiques, devraient faire bloc pour « passer l’hiver ». Et pourtant, le conflit ukrainien a bel et bien révélé les fragilités de la France, et celles de l’Europe, sur la question énergétique. Dans l’Hexagone, près de la moitié du parc nucléaire est en cours de maintenance ou présente quelques problèmes de corrosion, quand bien même la filière demeure l’un des grands atouts compétitifs du pays.
Les élus locaux auront leur rôle à jouer dans la gestion des coupures électriques
Depuis plusieurs mois, tous les Français ont été appelés à participer à l’effort national pour réduire leur consommation en électricité. Une mobilisation qui a commencé à payer avec une baisse de 9% de la consommation en décembre par rapport à la moyenne de 2014-2019 rapporte RTE. Néanmoins, les risques de coupure restent élevés et les préfectures ont pris l’attache des élus locaux pour préparer d’éventuels « délestages sur le réseau électrique ». « Nous avons d’ores et déjà eu des réunions spécifiques avec la préfecture de l’Essonne pour avoir des précisions sur les procédures d’alerte et sur le rôle de chaque acteur » témoigne Grégoire de Lasteyrie. « Ce qui est fondamental, c’est que chacun reste dans son rôle. En tant que mairie, nous devrons répondre aux sollicitations de nos habitants, veiller aux plus fragiles… Mais en aucun cas nous ne devons jouer le rôle de RTE ou encore de l’ARS – Agence Régionale de Santé. »
Les maires engagent leur responsabilité en matière de police et de prévention sur un risque « connu, prévisible et annoncé » conformément à leur rôle. Les coupures éventuelles, sur des plages horaires définies entre 8h et 13h et entre 18h et 20h (soit aux heures de pic de consommation) auront des conséquences en cascades : énergie, télécommunication, eau potable… et pourront se succéder dans le temps, en fonction de la durée de l’interruption et des caractéristiques des réseaux locaux. Concrètement, les communications mobiles, voire fixes, pourraient être impactées et rendraient ainsi impossible toutes communications avec des services d’urgence (Sapeurs – Pompiers, Samu, Police ou Gendarmerie) avec un risque accru en matière de sécurité.
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Des outils et actions à déployer
Les alertes Ecowatt seront envoyées en prévision des délestages environ une semaine en amont et les informations réelles détaillées la veille, ce qui laisse peu de temps pour réagir. « Les services de RTE ont bien préparé le terrain en communiquant massivement sur les perturbations à anticiper pour les Français, confie l’élu. Néanmoins les habitants nous en parlent, posent des questions spécifiques sur ce qu’ils auront réellement à subir. Ils ont des questions très simples sur leur quotidien : comment continuer à télétravailler, comment se déplacer, comment se chauffer, comment appeler en cas d’urgence… » . Des questions et des éléments de réponse qui restent incertains car la cartographie fine des équipements impactés n’est pas définie.
« Nous disposons d’outils maîtrisés pour faire face à cette situation comme le plan communal de sauvegarde (PCS), notre mode d’emploi de la crise. Dès lors que nous l’activons, nous installons une cellule en mairie avec les responsables techniques et les adjoints auxquels on associe nos partenaires (pompiers, police, services sociaux) et éventuellement RTE. Depuis que je suis maire de Palaiseau, nous l’avons déclenché à plusieurs reprises pour des inondations, des ruissèlements importants ou encore des enneigements. Ce dispositif fonctionne bien. » Différence majeure cette fois-ci, les télécommunications seront coupées. « Nous utiliserons un réseau de talkies-walkies dont les polices municipales sont déjà équipées, de même que certains grands sites d’accueil périscolaire. »
Autre source de préoccupation, les personnes fragiles, entendu les personnes isolées, âgées, avec des problèmes de santé… Les patients à hauts risques vitaux (PHRV) ont déjà été prévenus au cours des dernières semaines et ils seront informés des coupures deux jours avant par téléphone, sms et mail par Enedis. Dans le cas où ils ne donneraient pas de réponse, un déplacement physique est prévu. « En mairie, nous disposons d’un fichier des personnes isolées, essentiellement des séniors, que nous activons en période de canicule. Nous les contacterons en porte à porte pour savoir si elles vont bien le jour des coupures », rassure Grégoire de Lasteyrie.
Un effort d’économies d’énergie déjà bien lancé
Les municipalités ont pris des décisions fortes ces dernières semaines pour réduire leur consommation électrique et faire baisser la consommation sur les réseaux. D’autres ont coupé les éclairages publics la nuit. Ce que la ville de Palaiseau n’a pas manqué de faire entre le dernier RER le soir et le premier le lendemain matin.
« À Palaiseau, nous avons commencé à réduire notre empreinte énergétique en 2017 avec les contrats de performances énergétiques pour réduire d’au moins 30 % notre consommation d’énergie : isolation, LED, systèmes de chauffage plus efficaces, régulation en matière de gestion des bâtiments. » Dans la crise comme pour préparer l’avenir, les élus locaux sont le relai de proximité avec leurs habitants pour réduire efficacement la consommation d’énergie, pour « passer l’hiver » sans oublier de « passer au vert ».