À Sèvres, des étudiants font leur rentrée dans une résidence qu’ils ont dessinée
120 000 étudiants ont regagné leur résidence étudiants en septembre. Plus qu’un lieu de résidence, c’est aussi leur lieu de révision et de sociabilisation avec les autres alors pourquoi ne pas leur demander de l’imaginer. À Sèvres, les équipes de Nexity Studéa ont fait ce pari en demandant aux étudiants, qui plus est, inscrits à Strate École de Design, d’appliquer leurs connaissances et de repenser de A à Z leurs espaces. Première « rentrée » en matière.
À quelques minutes de marche de la station de métro Sèvres rive gauche, de Strate École de Design, de l’École Supérieure de Fonderie et de Forge, de l’école Ducasse, la résidence Studéa Sèvres (92) se situe dans une rue calme et ombragée par les arbres. En venant à pied depuis la station de Transilien, on croise quelques jeunes gens avec leur sac à dos qui viennent de la résidence et sont peut-être ceux qui ont contribué à la rénovation de ces espaces communs. « Réinventer les lieux où nous vivons en mettant l’accent avant tout sur les usages des occupants plutôt que sur des considérations ‘techniques’ ou centrées sur le ‘bâti’ est une nécessité impérieuse » insistait Jean-Claude Bassien, Directeur général délégué de Nexity, lors d’une visite organisée en juin dernier.
Avec près de 3 millions d’étudiants dans l’enseignement supérieur1, le défi est de taille en matière de logement, notamment en termes de prix et de qualité des espaces. L’Île-de-France étant la région avec le plus de demandes, elle demeure particulièrement chère par rapport aux autres régions (compter 856 euros à Paris, 771 en région parisienne et 560 en province) pour des surfaces plus petites.
Offrir du confort à des jeunes en situation d’inconfort
Deux années de crise sanitaire, un hiver difficile à venir en raison de la crise énergétique sur fond de hausse significative du coût de la vie. Pas simple d’être un jeune en cette rentrée ! Pour Pascal Pedoux, PDG de Nexity Studéa : « les étudiants ont beaucoup souffert ces dernières années en raison des confinements. C’est pourquoi il est plus que jamais vital de leur offrir un cadre convivial, ouvert sur les autres, avec des services d’accompagnement ». En effet, déjà éloignés les uns des autres pendant deux ans, certains étudiants pourraient à nouveau être privés de vie de campus cet hiver pour contenir les dépenses énergétiques des établissements d’enseignement supérieur. Dès lors, les communs des résidences étudiants retrouvent leur fonction première : permettre les interactions entre les étudiants. Espaces de travail, cuisines, salons partagés rencontrent un succès fou.
Une résidence étudiants pensée comme un quartier
À Sèvres, lorsque le projet de rénovation a été lancé fin 2019, les étudiants de l’école de design ont très rapidement été impliqués afin qu’ils puissent, dès le mois de février 2020, travailler en groupes sur des projets de réaménagement. Pour Pierre-Alain, ancien étudiant qui avait porté un projet, « cela a été une expérience très marquante du cursus. Au début on ne pensait pas que nos projets seraient vraiment suivis… et puis on a été très surpris de voir l’attention qui avait été portée à nos travaux et voir nos idées aujourd’hui mises en œuvre est une grande fierté ». Aujourd’hui, pas moins de 170 étudiants logent dans les appartements de cette résidence, dont la moitié environ suivent les programmes de Strate École de Design. Pas vraiment étonnant donc de voir sur les grands tableaux blancs de l’espace de coworking quelques formules de mathématiques, croquis et concepts se jouxter.
« En réalité c’était comme imaginer un quartier miniature » se rappelle Pierre-Alain. « Nous connaissions tous très bien la résidence, certains y habitaient et d’autres comme moi y passaient énormément de temps avec leurs camarades de classe. En revanche nous ne connaissions pas ou peu les étudiants des autres écoles – l’école de cuisine Ducasse et l’école de fonderie et de forge. Il fallait absolument remédier à ce problème pour créer une sorte de quartier avec des allées et des espaces ou tout le monde se croise ou partage des moments de convivialité ».
À lire aussi
- Crise sanitaire : que peut la ville pour les étudiants ?
- Estonta Urbo : deux étudiants à la découverte de la ville résiliente
Les usages au centre de tout
« Pour que ça marche, les usages doivent être au centre de tout » martèle Saran Diakité Kaba, Directrice de Strate Ecole de Design, elle-même designeuse. « Ce projet restera mémorable pour l’école car il a été réalisé en plein confinement et a montré aux étudiants toute l’importance du design dans la transformation des habitudes et des modes de vie, et surtout c’est un projet construit par et pour les étudiants » ajoute-t-elle. Replacer les étudiants locataires au cœur de la démarche a permis de cerner leurs besoins et leurs habitudes. Par exemple, l’ancienne salle de sport a été transformée en espace de détente car « très peu l’utilisaient, elle n’était pas adaptée et la plupart ont des abonnements dans des salles de la ville » témoigne Pierre-Alain.
Parmi les grandes nouveautés de la résidence, la création d’un fab lab ouvert à tous pour bricoler, créer… Une idée qui peut sembler originale sur le papier mais « indispensable pour des étudiants en école de design » assure l’ancien élève. « Avant, les étudiants entassaient leurs création, outils, matériel dans leurs chambres… C’était encombrant et pas très agréable ». Cet espace, ouvert sur la partie coworking, elle-même prolongée par la cuisine ouverte permet de favoriser les échanges entre les locataires. Grégoire de la Roncière, maire de Sèvres en visite sur le site se rappelle ses années étudiantes, « j’ai été étudiant, j’ai habité en résidence et ce sont d’excellents souvenirs, je suis heureux qu’à Sèvres nous puissions avoir des espaces où la jeune génération se forme et se sente bien. Nous allons d’ailleurs dès novembre ouvrir un foyer pour les jeunes travailleurs ». Cette démarche innovante de conception des espaces partagés pourrait faire école et contribuer à imposer le « pour » et « par » les habitants. Car on n’est jamais mieux logés que par soi-même…
1. Chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation