Publié le 21.01.20 - Temps de lecture : 4 minutes

Qualité de vie : est-on heureux dans le Grand Paris ?

Si sept franciliens sur dix déclarent vouloir quitter la capitale et sa région*, la situation de la qualité de vie francilienne n’est pas si sombre. Quels sont les enjeux et les questions que posent ces envies d’ailleurs ? L’Institut Paris Régions, à travers sa série de séminaires organisées avec l’ENS (École Normale Supérieure), a tenté de répondre à cette question. Alors, peut-on vivre heureux dans le Grand Paris ?

L’ambition d’un départ concerne sept franciliens sur dix. Parmi ceux là, près d’un sur trois se dit prêt à passer à l’acte dans les 5 ans qui suivent*. Pour justifier ce désir, ils évoquent en priorité trois critères. Premièrement, un temps de transport largement supérieur aux métropoles régionales (1h32 de temps passé dans les transports par jour en moyenne, contre 1h08 pour Marseille et Lyon, deuxièmes du classement) et un réseau souvent congestionné. Deuxièmement, un coût de la vie en général (et du logement en particulier) de plus en plus élevé. Les 4 départements affichant le prix au m2 le plus cher de France sont en Ile-de-France (Paris, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne et Yvelines) tandis que le département francilien le « moins cher » – l’Essonne – est le 16ème département le plus cher de France. Troisièmement, la pollution et le manque d’accès à la nature. Près d’un parisien sur 8 vit dans un point noir environnemental, et l’air francilien est pollué dans une proportion supérieure à la limite pour 5 polluants. Les candidats au départ se plaignent donc d’une qualité de vie moins bonne qu’ailleurs. Et pourtant…

Paris pollué, Paris bouché, mais Paris… soigné ?

La pollution est un enjeu phare de l’agglomération francilienne. Les politiques publiques se sont saisies du sujet et nombreuses sont les manœuvres correctrices mises en place récemment. La tendance serait d’ailleurs à la baisse sur les niveaux de pollution. Certes, la circulation routière dans le Grand Paris est toujours congestionnée, mais elle est de moins en moins nécessaire. Le développement des réseaux de transport urbains collectifs (Grand Paris Express, covoiturage…) ou individuels (trottinettes et scooters électriques, vélos en libre service) tendent à maximiser les options disponibles et à diminuer l’engorgement des routes et des réseaux plus traditionnels de transport. 

Les nouveaux modes de travail apportent aussi une partie de réponse à cet enjeu. Le télétravail, le nomadisme ou encore les horaires flexibles sont autant de tendances qui ont un impact indirect positif sur la congestion des mobilités urbaines. 

Certains voyants semblent donc au vert, pour la qualité de vie en Ile-de-France. En regardant de plus près les indicateurs économiques, l’Ile-de-France est de loin la région la plus prospère et la plus attractive de France. Moins de chômage, plus d’opportunités de carrières (notamment chez les cadres), plus de mobilité sociale ascendante, une concentration très forte des emplois (22% des emplois en France, pour 19% de la population). La région parisienne concentre en outre une activité culturelle incomparable avec le reste du territoire français avec plus de 300 cinémas et 350 théâtres, 90 concerts par jour en moyenne, plus de 4000 sites classés… Les arguments quant à l’attractivité francilienne ne manquent donc pas non plus. 

Partir, oui, mais pour aller où ? 

Cette envie d’ailleurs n’est pas uniquement le fruit d’un raz-le-bol local. Il est aussi la conséquence d’une plus forte attractivité des métropoles régionales. Les nouvelles mobilités ont fait de Bordeaux, Lyon, Nantes ou encore Lille des villes accessibles en deux heures de TGV ou moins depuis Paris. Ce constat est d’ailleurs extensible aux villes proches des grandes métropoles régionales, comme Saint Étienne par exemple. À cela s’ajoute le développement du télétravail et des carrières de plus en plus mobiles. Les pôles d’attractivité dont certaines métropoles se dotent, tous secteurs confondus, créent également un dynamisme moteur des économies régionales. Avec des logements plus accessibles, des espaces de vie plus grands, des routes moins engorgée, les bénéfices sont semblent donc nombreux. 

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Entre désir et réalité

En comparant les données des études récentes sur le désir de quitter l’Ile-de-France aux chiffres de migrations des populations, le constat est clair : les candidats sont peut être nombreux, mais l’exode n’en est pas un. Si le solde migratoire francilien est négatif de 76000 personnes en 2015, seuls environ 15% de ceux-ci sont des actifs occupés. Le déficit est ainsi majoritairement porté par les retraités, ou les foyers vivant avec un seul revenu. Un constat du reste cohérent au regard des populations qui affirment être satisfaites de leur qualité de vie en Île de France. 

Les cadres sont ainsi les plus satisfaits de l’environnement direct de leur logement. Généralement moins assujettis à la rigueur des horaires, plus épargnés par les conditions de transport ou l’accessibilité des lieux de soins, des écoles, des activités de loisirs, ils souffrent moins des facteurs de stress précédemment décrits. De la même manière, et peu ou proue pour les mêmes raisons, les habitants de Paris sont moins nombreux à envisager un départ que l’ensemble de la population francilienne.  

Demain, ce n’est pas si loin

Les populations franciliennes les plus tentées par un départ sont logiquement celles qui souffrent le plus de cette disparité territoriale. La carte du chômage correspond à celle de la fracture sociale, et les populations vivant en grande périphérie de Paris, comme pour l’ensemble du territoire périurbain français, subissent de manière générale des facteurs impactant négativement leur qualité de vie. Des territoires moins bien desservis par les transports en commun, des conditions de travail moins flexibles, des espaces plus pollués… Ce sont vraisemblablement ces territoires qu’il sera nécessaire de penser autrement, en y développant des projets urbains plus inclusifs et plus attractifs.

La conscience environnementale progresse, pour preuve le nombre de foyers étant prêts à mutualiser certains services (84%) ou à réduire leur consommation énergétique (90%). Près d’un français sur deux déclare avoir envie de plus de moments de convivialité avec ses voisins, tandis que 10% se disent attirés par les nouvelles tendances comme le coliving

C’est à ces nouvelles aspirations tant individuelles que collectives, tant environnementales que sociales, que doivent répondre le Grand Paris comme l’ensemble des grandes agglomérations françaises. En remettant la qualité de vie au coeur des projets urbains de demain, la volonté de changer d’air serait vraisemblablement beaucoup moins diffuse. 

 

*Observatoire de l’Habitat 2019, Obsoco Nexity, CDC Habitat, et Somfy 

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