La ville intelligente peut-elle faire avancer la transition écologique tout en respectant les libertés individuelles ?
Et si les équipements urbains pouvaient faciliter le quotidien des citoyens et du personnel public ? À Dijon, cette idée a priori simple a soulevé de nombreuses questions. Comment construire une smart city qui s’adresse à tous, même aux citoyens les moins connectés ? La ville intelligente peut-elle être respectueuse de l’environnement et des libertés de chacun ? Réponse avec Denis Hameau, responsable du projet OnDijon.
Quelle est l’origine de ce nouveau modèle de smart city ?
Tout est parti d’une réflexion que nous avons eue il y a 4 ans avec le Directeur Général des Services Techniques : et si une lampe, présente dans l’espace public, était plus qu’un simple éclairage ? Que se passerait-il si on l’associait à des capteurs et des objets connectés ? Cette lampe pourrait alors nous transmettre des informations pour mieux comprendre et organiser l’espace public.
Nous nous sommes aperçus que la technologie pouvait contribuer à améliorer les fonctions urbaines de la ville de Dijon : la communication et la relation avec les habitants, la mobilité, la supervision urbaine (notamment les caméras de sécurité) ou encore la gestion de crise.
Nous avons voulu mettre en place une gestion connectée de l’espace public, à l’échelle de la métropole, qui soit moderne et contemporaine. À nos yeux, il était important que ce projet s’inscrive dans une vision à la fois respectueuse de l’écologie, sociale en luttant contre l’exclusion numérique, et durable économiquement.
Comment est née l’idée d’hyperviseur urbain ?
L’hyperviseur urbain a été conçu pour proposer une vision globale de l’équipement urbain des 23 communes de la métropole. Avant, nous avions 6 postes de pilotage différents qui travaillaient en silo. Depuis le mois d’avril 2019, nous n’avons plus qu’un seul poste de pilotage connecté, capable de gérer toutes les fonctions urbaines. L’hyperviseur permet une meilleure transversalité et une meilleure coordination pour une gestion plus efficace de l’espace public.
Quel bilan peut-on tirer d’OnDijon, quelques mois après son inauguration ?
Neuf mois après l’inauguration de l’hyperviseur urbain, on constate que les services publics interviennent plus rapidement sur les situations qui leur sont remontées. Cela a nécessité un audit des meilleures pratiques mondiales. L’ensemble du personnel – 600 personnes – s’est approprié le projet et a coécrit plus de 500 procédures que nous testons et itérons au quotidien. Nous avons aussi opéré une conduite du changement, car ce projet fait évoluer les pratiques de certains métiers : si un opérateur utilisait auparavant une caisse à outils et qu’on lui demande aujourd’hui d’utiliser une tablette, il faut le former.
Quels sont les bénéfices attendus pour le territoire dijonnais et ses habitants, à long terme ?
Concrètement, le projet OnDijon porte plusieurs objectifs. Le premier est de faciliter la vie des citoyens : la technologie doit se mettre au service de la métropole et de ses habitants, et non l’inverse. Le second objectif consiste à assurer une meilleure gestion de crise grâce à une coordination unique entre les différents acteurs (police, CHU, mairie, préfecture…). Nous voulons également réaliser des économies financières. Prenons pour exemple l’éclairage public : il est possible de réaliser jusqu’à 65% d’économies en modulant son intensité aux différentes heures du jour et de la nuit !
Enfin, il existe un objectif d’attractivité du territoire et de rayonnement à l’international. En 2018, nous avons été récompensés à l’occasion des World Smart City Awards de Barcelone, qui ont placé Dijon en 2ème place juste derrière Singapour. Et depuis avril 2019, nous avons reçu plus de 30 délégations venant du monde entier : Brésil, Australie, Japon…
Comment les habitants perçoivent le projet et les services rendus possibles par les nouvelles technologies ?
Nous n’avons pas encore eu de retour car ce projet est d’abord un projet d’infrastructure. Faire travailler ensemble toutes les fonctions urbaines à l’échelle de la ville pour bâtir un système commun est un travail interne gigantesque. Nous faisons donc les choses par étape, avant de déployer l’ensemble du projet à l’échelle de la métropole, soit 260 000 personnes.
La ville intelligente est-elle compatible avec le respect des libertés individuelles ?
Dès la création du projet OnDijon, nous avons pris en compte et intégré la RGPD. Nous avons également créé un Comité d’Éthique qui a défini les grands principes à suivre et à respecter. Nous recrutons par ailleurs un responsable de la data qui sera rattaché directement au DGS et pas aux services, afin de lui donner plus d’indépendance dans ses analyses. Nous veillons à ce que les lois de la République et les libertés individuelles soient respectées.
Pouvez-vous nous citer des solutions innovantes qui viennent en aide aux habitants de Dijon aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’elles leur apportent au quotidien ?
Dans les trams, nous avons installé des terminaux qui permettent aux usagers de payer avec leur carte bleue sans contact. Si vous n’avez pas eu le temps d’acheter votre billet avant de monter, ce service vous facilite la vie tout en éradiquant les files d’attente.
Concernant l’éclairage public, nous avons pour projet de rénover 34 000 points lumineux de la métropole. Plutôt que d’éclairer toute la ville à 3h du matin, il sera possible de créer un halo de lumière qui vous accompagnera sur votre itinéraire, jusqu’à chez vous. La technologie ouvre le champ des possibles.
Quels sont les freins à lever pour que d’autres villes françaises s’engagent sur la voie de la smart city ?
Pour créer et porter un projet de smart city, il est nécessaire de suivre plusieurs principes, le premier étant une vision politique forte : il faut que la technologie soit un outil au service du territoire, et non une fin en soi. Par ailleurs, il faut incorporer le meilleur de l’innovation du secteur privé et s’appuyer sur la capacité d’innovation des entreprises. Le modèle économique est un autre aspect important : il faut se montrer soucieux des deniers publics. Mais il y a des économies à tirer de ces innovations !