Fermes et forêts urbaines, logements… Ces villes inventent une nouvelle vie pour leurs parkings
Dans les grandes villes, un nombre toujours plus important de parkings et de places de stationnement restent inoccupés. Alors que le foncier disponible devient rare, ces vastes espaces peuvent être affectés à d’autres usages. Tour d’horizon des possibilités.
À RETENIR
- Dans les grandes villes françaises, le taux d’occupation des parkings diminue, notamment à Paris où il est passé de 56 % en 2014 à 42 % en 2019, en raison de la baisse de la motorisation des ménages et du développement des mobilités alternatives.
- Les villes utilisent les espaces de stationnement inoccupés pour créer des forêts urbaines, des zones de convivialité et des infrastructures pour la mobilité douce, contribuant ainsi à la transition écologique.
- Les parkings sont reconvertis en fermes urbaines et logements sociaux, comme à Sartrouville et Paris, permettant d’optimiser l’utilisation des sols en milieu urbain.
- Les parkings, grâce à leur structure, sont réhabilités pour accueillir des bureaux, des data centers, des salles de sport, et des espaces de stockage, répondant ainsi aux besoins urbains en matière de logistique et de surfaces commerciales.
À Paris, selon un rapport de la Cour des comptes, le taux d’occupation des parcs de stationnement, qu’ils soient situés en sous-sol ou à l’air libre, est passé de 56 % en 2014 à 42 % en 2019, et il ne cesse de baisser. En cause, le fait que les ménages vivant dans la capitale sont de moins en moins motorisés, à peine un tiers actuellement selon l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme) contre 40 % en 2015. Par ailleurs, ces dernières années, la mairie a considérablement développé les réseaux de pistes cyclables, encouragé la marche et rendu les transports en commun gratuits pour les enfants et les seniors, accélérant la transformation des usages. Facteur aggravant, le fort développement de la Mobility as a Service, dont témoigne le succès rencontré par Uber, a massifié l’usage de la voiture au détriment de sa possession, faisant reculer le principe de véhicule-propriétaire.
Il en va de même, et pour les mêmes raisons, dans la plupart des grandes agglomérations françaises. À Bordeaux, le taux d’occupation des parcs de stationnement est de 44 %, à Nantes de 54 %, et seulement de 20 % à Strasbourg. Comment les villes peuvent-elles se saisir de cette opportunité ?
Transformer et réemployer
À l’heure où, avec le ZAN (Zéro artificialisation nette), les métropoles cherchent de l’espace, cette réserve foncière, estimée à 75 millions de mètres carrés – soit les trois quarts de la superficie de Paris – représente un véritable « trésor de guerre » qui peut être mis à contribution pour accélérer la transition écologique. En 2021, à Bordeaux, une mini forêt urbaine de 180 m², constituée d’érables champêtres, de chênes pubescents, de sorbiers domestiques, de merisiers et de cornouillers sanguins, a recouvert 11 places de stationnement inutilisées entre les rues Billaudel, Fieffé et Francin, afin de faire respirer la ville. Même dynamique à Aubervilliers, en région parisienne, où un parking de 50 places a été remplacé par une forêt de 72 arbres, créant ainsi un îlot de fraîcheur verdoyant, un refuge pour les citadins lors des épisodes de fortes chaleurs.
« La place de stationnement en ville peut être mise à profit pour végétaliser, créer des zones de convivialité, installer des bancs… Comme la voiture consomme énormément d’espace, il y a un grand nombre de possibilités. Cela vaut aussi bien pour aménager l’espace urbain que pour réhabiliter des structures souterraines ou aériennes », expliquent Pauline Wolff et Bastien Capon, associés-gérants de l’agence d’architecture Wolff&Capon.
De fait, toujours à Bordeaux, ce sont 32 parkings souterrains gérés par l’opérateur Metpark qui vont héberger, sur les emplacements vides, des modules pour garer vélos et trottinettes, ainsi que des postes de gonflage de pneus, des aires de lavage et des bornes de recharge pour batteries électriques, avec l’objectif de favoriser ce mode de déplacement vertueux.
Ces reconversions accompagnent également l’essor de l’agriculture intra-muros. En janvier 2022, à Sartrouville (Yvelines), un ancien parking vacant est devenu un espace maraîcher de 1 300 m² pour faire pousser fruits et légumes en bioponie. Près de Rouen, à Grand-Couronne, le bailleur social Habitat 76 a lancé un appel à projets pour transformer un parking de 850 m² en ferme urbaine.
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Data centers, salles de sport, locaux sécurisés… une myriade de possibilités
Autre inflexion notable, la réhabilitation permet de répondre efficacement au manque de surface immobilière. Au premier trimestre 2025, rue des Fontaines-du-Temple dans le 3e arrondissement de Paris, un ancien parking aérien exploité par la société Indigo va devenir un immeuble de 39 logements sociaux transformés par Nexity.
Ce qui vaut pour l’habitat vaut également pour le bureau. Dans le quartier de la Bastille, le bâtiment qu’occupait l’ancien garage de la Compagnie Générale des Voitures de la rue Bréguet a été entièrement réaménagé, il y a quelques années, pour loger le siège social d’une entreprise spécialisée dans la transition énergétique. « Comme ce sont des structures déjà existantes, la question de leur réusage se pose inévitablement. L’avantage, c’est que les dalles, la portance et la structure permettent généralement de mettre en place à peu près n’importe quel type de programme », précisent Pauline Wolff et Bastien Capon.
Les parkings souterrains peuvent également être mis à profit pour optimiser la logistique urbaine, et répondre ainsi aux enjeux du dernier kilomètre, car leur maillage très dense est un atout pour faciliter l’acheminement des produits. Rue du Grenier-Saint-Lazare dans le 3e arrondissement, un ancien parking souterrain de six niveaux a été transformé en « immeuble inversé » de 2 000 m² pour accueillir des espaces de stockage destinés aux professionnels.
Avec un stock aussi important de mètres carrés disponibles en sous-sol comme à l’air libre, les parkings pourraient par ailleurs servir à installer des data centers, des salles de sport, des locaux sécurisés ou encore des commerces. « Le parking, de par sa structure rationnelle, permet un grand nombre d’usages autres que celui prévu initialement », concluent Pauline Wolff et Bastien Capon.
76 sites de Carrefour transformés avec Nexity
En 2023, Nexity a signé avec Carrefour un partenariat visant à revaloriser 76 sites du parc immobilier de l’enseigne de distribution sur l’ensemble du territoire. Tous les formats de magasins (hypermarchés, supermarchés, magasins de proximité) sont concernés par cet accord stratégique. Quarante sites, situés en cœur de ville, seront ainsi complètement réhabilités en intégrant une surface commerciale alimentaire. Les 36 autres, avec parking nappe, situés dans des zones commerciales en entrée de villes, seront réalloués à des projets urbains. Au total, ces 76 sites représentent 800 000 m² de foncier dont le développement devrait permettre, en 10 ans, la création de 12 000 logements, 120 000 m² de commerces, y compris la reconstruction de certains magasins, 10 000 m² de bureaux et activités et 17 000 m² d’hôtellerie.
42 %
C’est le taux d’occupation des parcs de stationnement à Paris