L’avenir de la smart city appartient-il à « l’expérience citoyen » ?
Derrière le concept de smart city, il y a bien sûr la technologie mais pas seulement. Dans son rapport « De la Smart City au Territoire d’Intelligence(s) » remis le 18 avril dernier au premier ministre, le député (PS) Luc Belot nous rappelle que la technologie n’est qu’un moyen et qu’il s’agira avant tout de replacer l’usager au centre de la stratégie publique et de construire une méthode d’action et de réflexion au service d’un projet politique du vivre ensemble. En tant qu’acteur engagé du territoire, mobilisé sur les questions de ville durable au service du bien-être individuel et collectif, nous avons souhaité mettre en lumière ce rapport qui pose une réflexion sur les enjeux essentiels de la ville de demain.
“Renforcer le pouvoir de tous les acteurs de la ville, les associer plus étroitement à la décision publique, permettre que la ville profite de toutes les intelligences”, c’est selon Luc Belot la mission que chaque territoire va devoir poursuivre dans sa démarche smart city. Face à la mondialisation d’un grand nombre de produits et services, il rappelle que le rôle des collectivités territoriales repose sur leur capacité à agir comme des tiers de confiance, pour garantir l’égalité et renforcer le lien social des habitants.
Dans son rapport, Luc Belot propose ainsi plusieurs mesures, visant à remettre le citoyen, au coeur de la démarche publique :
- doter les EPCI (Établissement Public de Coopération Intercommunale) d’une compétence sur la donnée, qui sera le socle de la smart city ;
- redonner une compétence économique aux EPCI pour leur permettre d’accompagner les innovations territoriales ;
- réduire le risque juridique de la commande publique ;
- favoriser les mutualisations entre collectivités ;
- multiplier les formations pour que l’ensemble des décisions qui entourent la numérisation des services publics locaux puissent être prises de manière éclairée.
Rendre la ville “citizen-centric”
Luc Belot met en garde devant le risque de penser la smart city comme une ville “industrialisée” faite de capteurs et d’algorithmes, qui s’en tient au déploiement de ces technologies sans que ces dernières ne soient suffisamment liées aux besoins et aux attentes de ses habitants. Selon lui, l’innovation ne doit pas être une finalité et encore moins se développer en silos. Ce sont les transversalités qui pourront la rendre efficace. Or, il rappelle que plusieurs villes, comme Masdar (Emirats Arabes Unis) et Songdo (Corée du Sud) sont justement nées de « l’idée que la technologie pouvait se substituer à un projet urbain […] sans faire la démonstration, à ce jour, de leur modèle”. Des villes où l’utopie « smart city » s’est montrée déceptive faute d’être trop intrusive, trop techno-centrique et de ne pas être assez participative.
L’entrée du numérique dans la vie quotidienne des habitants n’est pas sans risque et sans dérive potentielle. La robotisation est-elle synonyme de déshumanisation ? Les algorithmes et le big data ne posent-ils pas une menace pour notre esprit critique et à notre liberté ? Pour faire face aux potentielles dérives de la ville connectée, il est nécessaire de penser le numérique “comme un outil au service d’une politique publique”, qui entend les besoins et les inquiétudes des citoyens. Assurer que nos villes vont dans le bons sens, c’est donc le rôle des pouvoirs publics, qui doivent passer du « user-centric » au « citizen-centric », estime le député. Pour cela, ils devraient privilégier une plus grande concertation, la co-élaboration et la co-gestion des services publics et privés.
L’importance d’une gouvernance territoriale
Pour sortir des politiques de silos et aboutir sur une réelle transversalité, l’élu préconise que chaque structure intercommunale se dote d’une structure de gouvernance : « engager des discussions et des collaborations avec l’ensemble des acteurs de la ville, et notamment des grands acteurs du numérique, est essentiel pour assurer une meilleure complémentarité entre les offres publique et privée ».
Sans pour autant générer une hausse des finances publiques, la complémentarité entre les solutions publiques et privées peut permettre de coller au plus près des attentes des habitants. Waze par exemple, qui propose un système de navigation qui fournit des données de trafic automobile en temps réel, n’intègre pas les contraintes des collectivités dans son système d’optimisation des trajets. Or en se rapprochant d’un tel acteur, la ville lui permettrait de prendre en compte des zones de circulation à éviter comme certaines rues où se trouvent des hôpitaux ou des écoles. Pour Luc Belot, “nier la complémentarité des offres privées et publiques conduirait à une dégradation des services offerts aux habitants”. Les négociations entre opérateurs privés et collectivités territoriales pourraient « amener à des innovations véritablement prospectives et proches des besoins ». Cette collaboration se révèle pertinente dans les deux sens : d’un côté les collectivités peuvent délivrer des données qui vont enrichir l’offre des prestataires privés, de l’autre côté les prestataires privés peuvent fournir aux collectivités leurs datas pour améliorer la gestion de services publics locaux.
Si les smart cities constituent une chance, pour les territoires, leurs habitants ainsi que pour les entreprises françaises, Luc Belot insiste sur l’importance des réflexions autour de la civic tech et soumet même l’idée d’un indicateur de bonheur, peut-être indispensable pour une expérience plus riche, positive et inclusive de la ville de demain ?