Modélisation 3D d'un projet de construction bas carbone public privé.
Publié le 10.09.24 - Temps de lecture : 4 minutes

« L’interaction entre le public et le privé est essentielle pour co-financer et réaliser des aménagements de qualité »

Comment concilier densité urbaine et qualité de vie ? Jean-Luc Porcedo décrypte l’évolution vers des espaces publics multifonctionnels et durables. Interview.

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À RETENIR

  • Jean-Luc Porcedo souligne l’importance de concilier densité urbaine et qualité de vie, en se basant sur la sécurité, la présence de commerces, la diversité des mobilités et l’intégration des fonctionnalités pour rendre les espaces publics attractifs.
  • L’aménagement urbain a évolué vers des espaces multifonctionnels et inclusifs, intégrant la biodiversité et répondant aux défis climatiques, en opposition à l’ancien modèle monofonctionnel et minéral.
  • Les transformations urbaines nécessitent une vision à long terme souvent au-delà d’un mandat électoral, avec une attention particulière à la mobilité et à la réduction de la dépendance à la voiture individuelle.
  • Cette interaction est cruciale pour co-financer et réaliser des aménagements de qualité, bien que la crise actuelle complique la réalisation de ces projets en raison des difficultés de vente pour les opérateurs privés.

Quels sont, selon vous, les grands défis de l’aménagement de l’espace public auxquels font face les élus ?

Jean-Luc Porcedo : Le grand défi est de concilier densité urbaine et qualité de vie, en s’appuyant sur quatre piliers fondamentaux : la sécurité, la présence de commerces, la diversité des mobilités et l’intégration des fonctionnalités. Le succès d’un espace public que l’on apprécie, que l’on considère comme sécurisé, se mesure par la perception qu’en ont les piétons, quel que soit leur genre, leur âge, qu’il s’agisse de personnes seules, accompagnées, avec une poussette ou de personnes plus âgées. Sa qualité se manifeste lorsque la sécurité est assurée, les commerces sont accessibles, les différentes mobilités cohabitent sans conflit et les besoins des piétons sont pleinement satisfaits. C’est l’espace public qui fait accepter la densité ! Le grand axe central du Village olympique, le mail Finot, est une très bonne illustration de cette acceptabilité. Pour les élus, le défi est de faire cohabiter harmonieusement ces quatre fondamentaux.

Est-ce que l’espace public tel qu’on le pense aujourd’hui est différent de celui d’hier ?

Jean-Luc Porcedo : Absolument. On est passé d’un modèle monofonctionnel à un concept multifonctionnel et inclusif. Avant, la vision urbaine de l’espace public était catégorielle : une zone pour les voitures, une pour les piétons… et rarement pour autre chose. C’était un urbanisme de superposition de couches, avec comme degré ultime l’urbanisme de dalle. Deuxième évolution, le passage de la ville minérale à la ville végétalisée : les espaces publics sont désormais pensés pour encourager la biodiversité et répondre aux défis climatiques. La troisième transformation reflète les changements dans nos modes de vie et de déplacement, avec un accent sur la mobilité durable et l’accès à des espaces publics de qualité : on voit se développer des hubs de mobilité, des équipements pour les mobilités douces, qui impactent l’organisation de l’espace public.


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Comment les élus peuvent-ils planifier efficacement les transformations urbaines dans le temps de leur mandat ?

Jean-Luc Porcedo : La ville se transforme d’abord par les infrastructures de mobilité, parce qu’elles redistribuent tout l’aménagement public autour d’elle et modifient durablement le paysage urbain. Prenez Grenoble, Toulouse, Paris : toutes ces villes ont entamé leur mue avec l’arrivée du tramway. Le temps de cette transformation nécessite une vision à long terme, et se conçoit souvent sur deux mandats, quelle que soit l’impatience des citoyens. La transformation des entrées de villes à laquelle nous travaillons actuellement, ce sont des projets qui prennent dix ans… C’est donc vraiment peu ! Et ces opérations de régénération urbaine ne sont possibles que parce que ces zones intègrent déjà des éléments de mobilité. Il faut que nous soyons vigilants en pensant l’accessibilité de ces nouveaux espaces pour un monde post-voiture individuelle, sans reproduire le modèle du « tout-voiture ».

Pouvez-vous donner des exemples de projets urbains qui illustrent votre vision ?

Jean-Luc Porcedo : À Solliès-Pont, l’accent est mis sur la mobilité douce avec, à l’entrée du projet que nous venons de livrer, un parking silo qui fait que les voitures ne rentrent pas. À Montreuil, dans la ZAC des Acacias, la mise en place d’équipements publics a marqué le paysage, soulignant leur importance cruciale pour la communauté. À Pantin, le réaménagement du canal de l’Ourcq illustre parfaitement l’intégration de la mobilité douce dans l’espace urbain. Cette démarche a mis en avant l’importance de l’eau et la valorisation de l’espace piétonnier, devenus le cœur du projet de revitalisation du quartier, augmentant ainsi sa qualité et son attractivité. À Lyon Confluence, une démarche similaire a été adoptée concernant la rue principale, en se concentrant sur les différentes formes de mobilité. Sur la ZAC des Docks à Saint-Ouen, la diversité des aménagements, incluant des logements, des équipements institutionnels tels que le siège de la Région, la plus grande halle gourmande d’Europe, un vaste parc et l’accès à la ligne 14 du métro, sont autant d’éléments clés d’une transformation urbaine réussie.

Comment voyez-vous ces mutations évoluer ?

Jean-Luc Porcedo : Aujourd’hui, il y a un autre phénomène, c’est la place du vélo, dont l’usage a été accéléré par la crise de la Covid-19, et qui a participé à remodeler l’espace public. Après la voiture, et le transport individuel – et surtout le vélo –, il y aura un troisième temps, qui sera celui du piéton. L’espace public va se réorganiser autour de lui : Barcelone, Paris, les pays scandinaves… Il y a beaucoup d’exemples qui montrent que cela fonctionne. Et encore une fois, autour de ces espaces conçus pour les piétons, on voit les commerces revenir, une meilleure qualité de l’éclairage public, des îlots de fraîcheur, etc. La question des prochaines années, c’est comment transposer cette vision dans des lieux où l’on a encore besoin de la voiture ?

Quel est le rôle de la collaboration entre les secteurs public et privé dans ces aménagements ?

Jean-Luc Porcedo : L’interaction entre le public et le privé est essentielle pour co-financer et réaliser des aménagements de qualité. Les projets d’espace public exigent souvent un investissement public significatif, complété par l’implication des opérateurs privés dans le développement d’espaces résidentiels et de services de qualité. Lorsque l’on réfléchit à la restructuration ou à l’aménagement d’un quartier, on pense aux espaces publics en premier. Ce n’est qu’ensuite que l’on travaille l’immobilier qui remplira l’espace privé dégagé. La collaboration public-privé a tout son sens puisque le privé apporte une partie de la réponse, en co-finançant les projets. C’est difficile aujourd’hui, car la crise rebat toutes ces cartes : les opérateurs privés arrivent plus difficilement à vendre leurs projets, donc l’on construit moins, et les aménagements d’espace public sont interrogés.

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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