Comment une fondation d’entreprise peut-elle accompagner les collectivités, notamment dans la prise en charge des plus fragiles ?

En se dotant en 2017 d’une fondation alignée avec l’ambition de l’entreprise de s’inscrire durablement dans l’action solidaire au cœur de la ville, là où se décide et s’organise le vivre-ensemble, Nexity a choisi de renforcer « sur le terrain » son engagement citoyen et sociétal. Interview avec Julie Montfraix, Déléguée générale de la Fondation Nexity

Créatrice de liens humains, la Fondation œuvre depuis sept ans pour une ville plus inclusive qui donne à des personnes fragilisées les moyens de (re)trouver sa place et d’envisager l’avenir avec les moyens de s’accomplir. Au-delà de la distribution de financement, elle a fait le choix d’un modèle opérant qui permet de co-construire des actions d’utilité sociale avec les associations, les acteurs économiques et sociaux locaux et les collectivités locales.

Explications sur les modalités d’intervention de la Fondation Nexity avec Julie Montfraix, sa Déléguée générale.

Quelles sont la philosophie et les missions de la Fondation Nexity ?

Julie Montfraix : La Fondation a pour mission de soutenir et de co-construire des actions d’utilité sociale œuvrant à l’insertion sociale selon 3 axes prioritaires que sont l’égalité des chances, la lutte contre la précarité et l’insertion par le sport.

Au fond, la Fondation est à l’image de Nexity : ancrer dans le réel, sur le terrain. Nous allons voir toutes les actions que nous finançons, nous partageons les réussites mais aussi les déceptions avec les porteurs de projets, nous rencontrons les bénéficiaires. Par ailleurs, nous agissons également comme opérateur, en coconstruisant des programmes spécifiques sur mesure et en mettant à disposition des associations nos compétences en termes de d’ingénierie et de gestion de projets.

Enfin, nous sommes toujours très attentifs à l’écosystème au sein duquel nous intervenons, afin de comprendre où sont les besoins et les manques, ce qui mérite d’être amplifié, etc. Après seulement, nous coconstruisons ou choisissons un projet permettant de répondre au diagnostic.

Comment travaillez-vous concrètement avec les territoires et les collectivités ?

JM : depuis notre création en 2017, nous avons interrogé à plusieurs reprises les collectivités pour comprendre les besoins et réfléchir à des solutions d’accompagnement des publics fragiles. Ainsi nous intervenons essentiellement sur l’accompagnement des femmes en situation de grande précarité et autour de l’orientation, la formation et l’entrée dans le monde du travail des jeunes les plus fragiles.

Face aux baisses des subventions et des budgets, les dotations que nous distribuons permettent d’amplifier des actions mises en œuvre par les collectivités et les associations ou d’apporter un programme d’accompagnement complémentaire. Notre conviction repose sur la nécessité d’un accompagnement social renforcé des publics les plus fragiles, c’est pourquoi nous privilégions les financements de frais de fonctionnement : c’est sans doute moins visible que d’acheter des tables ou des ordinateurs, mais c’est essentiel et absolument nécessaire.

Sur les projets que nous coconstruisons, notre démarche est également de mettre autour de la table plusieurs acteurs de l’intérêt général afin que chacun donne le meilleur de ces compétences au service du projet et de l’accompagnement des publics fragiles.

C’est de cette façon par exemple que nous avons travaillé avec le fonds de dotation Ambition Saint Denis, avec son Directeur général, Joachim Pflieger. Sa connaissance du territoire, des acteurs alliée à notre gestion de projet a permis de de monter le projet « Femmes et bien être au Musée » avec le musée d’art et d’histoire Paul Eluard et l’aide de sa Directrice adjointe Cécile Jovanovic, des associations du territoire. Tous ensemble, nous avons monté ce superbe programme qui a permis de faire du Musée un lieu refuge et de bien être pour plus de 130 femmes en très grande précarité.

À lire aussi

• Embellissement, vivre ensemble, sécurité… Tout ce que l’art urbain peut apporter à la ville
• « Le logement est un droit fondamental, les maires doivent le garantir à tous »

En quoi consiste cette opération menée en 2023 ?

JM : Les femmes en situation de grande précarité sont accompagnées par des structures associatives et publiques qui permettent de répondre à des besoins primaires : hébergement ou logement, hygiène, aide alimentaire, accès aux droits, formation, … Notre programme souhaitait avant tout leur offrir un moment de bien être, permettant de renforcer la confiance en soi et l’estime de soi, dans un lieu culturel prestigieux.

Nous avons retenu le musée Paul Eluard pour son histoire et la symbolique associée : c’est un ancien couvent de carmélites et les religieuses y menaient une activité autour des plantes médicinales et de soins pour les populations de Saint-Denis. Le lieu faisait donc écho à la démarche en devenant un lieu de femmes pour des femmes, un lieu de répit, un lieu où l’on soigne et où l’on répare. Beaucoup de femmes nous ont dit qu’elles s’étaient identifiées aux femmes ayant vécu dans ce lieu et s’y étaient tout de suite senties très bien.

Au total, 131 femmes ont été accueillies au musée à travers 16 visites réalisées pour 5 associations différentes entre le 1^er avril et le 31 juillet 2023, autour de quatre ateliers

• sophrologie, avec une instructrice en méditation et coach en sophrologie,
• yoga, avec une doctorante en histoire de l’art et professeur de Yoga,
• découverte du jardin de plantes médicinales et des huiles essentielles, cueillette et fabrication d’un soin avec une médiatrice culturelle,
• découverte de la vie des carmélites dans ce monastère, des anciens soins de carmélites à partir des plantes et fabrication d’un soin avec une médiatrice culturelle.

À l’issue de projet, nous avons mené des entretiens et questionnaires de satisfaction auprès de l’ensemble des parties prenantes. L’avis est unanime : le projet a été une très grande réussite

Quel est le rôle de la Fondation Nexity dans ce type de montage ?

JM : La complexité des projets réside essentiellement dans le nombre des parties prenantes, dont certaines n’ont pas l’habitude de se parler ou de travailler ensemble. Notre rôle consiste à organiser les projets pour que chacun trouve sa juste place, que chacun puisse mettre à profit ses idées et ses compétences au service de l’intérêt général et des bénéficiaires les plus fragiles. En nous appuyant sur notre expertise opérationnelle de gestion de projets complexes, nous rendons possible des programmes qui apportent un plus, comme ici pour remobiliser des femmes, leur apporter un peu de confiance en elles, du bien-être et ainsi leur permettre de progresser positivement dans leur vie de femme.

Cette expérience que nous avons menée à Saint-Denis, nous l’avons partagée afin de pouvoir développer ce type de programmes sur d’autres territoires.… C’est ainsi qu’avec la Ville de Lyon, nous avons monté un programme inspirée de celui de Saint-Denis. Chaque projet est différent, c’est du sur-mesure en fonction des publics, des associations mobilisées et des lieux culturels retenus.

En quoi consiste ce « plus » que vous évoquez ?

JM : Pour accompagner les personnes en situation de précarité, il faut bien sûr répondre aux besoins primaires (logement, hygiène, alimentation, …) mais il faut également accompagner les personnes dans l’estime de soi, la confiance. Avec la Fondation, c’est cet accompagnement que nous nous efforçons de financer.

Sur ce programme « Femmes et bien-être au Musée », je souhaiterais que toutes les villes puissent mener ce type de programme : cela change tellement le point de vue d’une femme sur elle-même, sur ses capacités à agir, sur l’estime de soi et la confiance ; cela leur permet de se mettre dans des dynamiques positives. Ce sont ces petits « plus » qui peuvent changer des vies.