
Pourquoi l’Île-de-France reste la région la plus attractive d’Europe ?

Première région économique d’Europe, l’Île-de-France affiche ses ambitions pour rester leader dans la compétition mondiale. Quelles sont ses forces ? Quels défis reste-t-il à relever ? Éléments de réponse avec Alexandra Dublanche, vice-présidente chargée du développement économique, de l’attractivité économique et de l’innovation en Europe à la région Île-de-France.
À RETENIR
- L’Île-de-France demeure la région la plus attractive d’Europe grâce à son statut de première puissance économique européenne, sa place de leader en recherche et innovation, et un écosystème complet alliant talents, universités, start-ups et infrastructures.
- En 2024, elle a attiré 370 projets d’investissements directs étrangers, malgré un recul mondial des flux, confirmant son attractivité supérieure à celle du Grand Londres.
- Les principaux défis restent le manque de véhicules d’investissement à grande échelle, la sur-réglementation européenne et la faiblesse budgétaire nationale affectant la compétitivité et l’essor des entreprises.
- La région développe une stratégie numérique ambitieuse fondée sur l’IA, avec plus de 160 data centers, des mesures écologiques strictes, et l’appui à des projets d’infrastructure comme AI Infrastructure Factory pour renforcer l’autonomie technologique.
Quelles sont les principales forces de l’Île-de-France en matière d’attractivité économique par rapport aux autres grandes métropoles européennes ?
Alexandra Dublanche : Depuis juin 2016, la Région Île-de-France s’est affirmée comme la seule métropole globale de l’Union européenne car elle représente à la fois un centre économique et financier, un pôle d’innovation et de recherche, un phare patrimonial et culturel ainsi qu’une capitale du pouvoir politique. L’Ile-de-France est la 1ère région économique d’Europe, avec un PIB supérieur à celui de la Pologne, de la Suède ou encore de la Belgique. Si nous étions un État, nous serions la 6e économie de l’Union européenne. Paris est aujourd’hui la 1ère place financière de l’UE après avoir remporté la « bataille » des relocalisations liées au Brexit, devant Dublin, le Luxembourg et Amsterdam. L’Ile-de-France est aussi le plus grand bassin de compétences de l’UE dans les services financiers (350 000 emplois dans le secteur finance/assurance contre moitié moins à Francfort). Nous sommes également la 1ere Région d’Europe pour la recherche et l’innovation, avec 40 % de la recherche française, 130 000 chercheurs et trois universités régionales dans les 50 premières du classement de Shanghai. Des secteurs dans lesquels notre recherche excelle comme l’IA, l’informatique quantique, la biomédecine ou encore le New Space, alimentant un puissant écosystème de start-ups qui représente près de 80% des levées de fonds en France. L’Ile-de-France bénéficie par ailleurs d’infrastructures uniques : un réseau de transport public dense, qui ne cesse de se développer grâce à la révolution des transports entamée par Valérie Pécresse dès 2016. Avec le développement du Grand Paris Express et le vote de son schéma directeur, le SDRIFE, la Région prépare l’Ile-de-France de 2040 qui sera la « région des 20 minutes » soit la promesse d’un accès à proximité de chaque francilien à l’éducation, la santé, la culture, aux commerces et services, et aux sports. Pour résumer, nous avons les talents, nous avons les universités, nous avons les start-ups, nous avons les infrastructures. Nous avons aussi un climat des affaires au niveau national qui s’est très nettement amélioré grâce une politique offensive sur le rayonnement et d’attractivité de la France. Celle-ci a permis, ces dernières années, d’attirer massivement de nouveaux projets faisant par exemple de l’Île-de-France la région d’Europe la plus attractive en 2022 devant le Grand Londres. En 2024, la région a attiré 370 nouveaux projets d’investissements directs internationaux (IDI), créant 8 170 emplois malgré une contraction mondiale des flux d’IDI de 8 %.
Quels sont les principaux défis que la région doit encore surmonter pour renforcer son attractivité ?
Alexandra Dublanche : En France, nous nous accommodons depuis trop longtemps – plus de 35 ans – d’une situation budgétaire et financière qui nous voit cumuler déficit public et déficit commercial. Cette situation dite des « déficits jumeaux » érode progressivement l’influence de la France car elle amoindrit la puissance de notre voix, de notre signature en Europe et à l’international mais aussi notre crédibilité auprès des investisseurs. Nous souffrons également de notre manque de capacités de financement pour accompagner nos entreprises au passage à l’échelle qu’il s’agisse de pépites technologiques ou d’entreprises développant des activités stratégiques dans des secteurs d’avenir. Pour le dire simplement, nous n’avons pas de véhicule d’investissement capable de flécher l’épargne des Français (ou des Européens) vers nos entreprises : ni fonds de pension ou fonds de dotation comme en Amérique du Nord, ni fonds souverain comme à Singapour ou au Moyen-Orient. Avec Valérie Pécresse, la Région a pris ses responsabilités en lançant trois fonds souverains régionaux intervenant sur la réindustrialisation, la décarbonation ou encore l’économie sociale et solidaire en mobilisant près de 250M€. Des premiers investissements sont en cours avec des premiers tickets de plusieurs millions sur des champions européens sde l’informatique quantique ou du New Space (Ion-x) installés en Ile-de-France. Enfin et surtout, nous subissons une sur-régulation et une réglementation européennes oppressantes. Le constat est clair : la lourdeur et la complexité de certaines réglementations européennes freinent l’innovation et entravent la compétitivité de nos entreprises face à des concurrents internationaux qui se posent moins de questions et prennent de l’avance dans des secteurs clés comme l’IA. Il faut encourager les expérimentations, les fast-tracks administratifs pour ne pas décourager es entrepreneurs européens. On peut s’interroger sur l’AI Act européen, dont certains articles qui posent des règles avant même que les problèmes ne se posent…
Quelle place occupent les data centers dans la stratégie numérique et l’attractivité de la région ? Quels bénéfices apportent-ils en termes d’emplois et d’investissements ?
Alexandra Dublanche : La Région Île-de-France est un territoire attractif pour l’hébergement de data centers en France et l’un des plus attractifs en Europe. Au cours des deux dernières décennies, le développement des data centers s’est accéléré dans la région pour atteindre un nombre total de plus de 160 en 2023. SOURCE Institut Paris Region. Être compétitif dans la course mondiale à l’IA exige des moyens à la hauteur de nos ambitions. C’est pourquoi la Région soutient activement des projets comme AI Infrastructure Factory d’Eclairion, pour offrir aux startups un accès à des capacités de calcul indispensables à leurs développements. Nous soutenons donc l’implantation de datas centers puissants sur le territoire.
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Face aux défis énergétiques et écologiques, quelles initiatives sont mises en place pour rendre ces infrastructures plus durables ?
Alexandra Dublanche : Nous imposons des normes strictes sur la consommation d’eau, les émissions carbone et l’intégration urbaine des datacenters afin de limiter leur impact environnemental. La Région encourage aussi des technologies innovantes pour améliorer leur rendement énergétique, notamment par l’adoption de systèmes de refroidissement plus performants (free cooling, immersion cooling) et l’optimisation des infrastructures IT pour limiter la consommation énergétique. De plus en plus de data centers utilisent de l’électricité verte ou intègrent des sources renouvelables sur site. Nous favorisons également le recyclage de la chaleur produite pour alimenter des réseaux de chauffage urbain. Plusieurs projets sont en cours en ce sens. Enfin, nous finançons l’innovation pour faire émerger un écosystème numérique responsable. Grâce à nos experts en IA, à nos 42 laboratoires spécialisés et à 110 start-ups actives dans le secteur, l’Île-de-France travaille chaque jour à rendre ces infrastructures plus efficaces et durables.
Quels sont les projets en cours ou à venir pour renforcer l’infrastructure numérique francilienne ? Comment anticipez-vous l’évolution des data centers avec l’essor de l’IA ?
Alexandra Dublanche : Nous venons de voter une stratégie ambitieuse pour un usage responsable du numérique et de l’intelligence artificielle. L’enjeu, c’est d’accompagner cette révolution tout en respectant notre objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Depuis 2018, l’Île-de-France s’est positionnée comme la première région européenne pour l’IA, avec plus de la moitié des entreprises françaises du secteur, un réseau de chercheurs reconnu mondialement, et des pôles d’excellence comme Paris-Saclay. Nous soutenons des laboratoires de pointe comme PRAIRIE, et des programmes structurants comme le DIM IA4IDF. Cette dynamique attire les plus grands acteurs mondiaux : Google, Microsoft, Amazon, ou des licornes comme Mistral.ai, qui viennent chercher ici la proximité avec nos chercheurs dont l’expertise est reconnue à l’international.