Estonta Urbo : deux étudiants à la découverte de la ville résiliente
Abel Gaugry et Audric Mirlicourtois, sont deux étudiants ingénieurs passionnés par les enjeux de la ville résiliente. Ensemble, ils ont décidé d’entreprendre un tour d’Europe à travers 18 villes réparties dans 10 pays* pour découvrir des initiatives urbaines novatrices et durables. Rencontre avec les porteurs du projet Estonta Urbo.
Estonta Urbo est le projet de deux étudiants ingénieurs passionnés par les enjeux démocratiques et écologiques. Leur objectif est de découvrir et de comprendre toutes les initiatives pour rendre la ville durable et résiliente. En partageant leurs découvertes, ils espèrent remettre le citoyen au cœur de l’urbanisme de demain. Ils organisent pour cela un voyage à travers l’Europe pour rencontrer des porteurs de projets innovants dans des villes comme Zurich, Stuttgart, Helsinki ou encore Dublin.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Abel : Je suis étudiant en géo-ingénierie à l’École des Mines de Nancy. Je me focalise sur le génie civil, la gestion des risques et des territoires. Étant particulièrement intéressés par les enjeux environnementaux et sociaux des territoires urbains, nous avons décidé avec Audric d’entreprendre un tour d’Europe des initiatives durables dans la ville, à travers un projet que nous avons baptisé Estonta Urbo. Notre objectif est de fournir une approche factuelle des initiatives durables menées un peu partout en Europe.
Audric : Je suis étudiant à l’École Centrale Supélec en région parisienne et je suis très intéressé, comme Abel, par le lien social et l’impact environnemental que peut avoir la conception des quartiers urbains. Je veux rendre visibles les projets urbains qui répondent à ces problématiques. L’idée est de comprendre comment nous pouvons répondre aujourd’hui aux problèmes que nous devrons nécessairement affronter demain. Nous cherchons donc des solutions résilientes et adaptables à différents cas de figures.
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous intéresser à l’urbanisme et à l’aménagement durable du territoire ?
Abel : Depuis longtemps, je suis très sensible aux clivages sociaux présents dans nos villes et aux enjeux environnementaux. Le prisme de l’urbanisme est selon moi un bon moyen d’agir, et c’est aussi un moyen naturel pour nous qui avons grandi en région parisienne. On voulait concilier nos sensibilités aux enjeux sociaux et environnementaux avec le milieu dans lequel nous évoluons. Concevoir un projet urbain, c’est faire émerger la vie autour de nous et tenter d’arranger notre environnement : c’est donc tenter d’améliorer nos conditions de vie.
Audric : Nous partons aussi du constat que, d’ici 2050, 80% de la population mondiale vivra en zone urbaine. Et pourtant, nous avons encore de nombreux défis à relever comme la densification, l’impact écologique des métropoles de plus en plus polluantes et, comme nous l’avons vu durant le confinement, un manque de végétation pour les citadins les plus coupés de la nature.
En quoi consiste votre projet Estonta Urbo ?
Abel : Nous voulons rencontrer ceux qui ont déjà des pistes voire des solutions à proposer à l’échelle de leur quartier, de leur association ou de leur entreprise par exemple. Le cœur de notre démarche est d’aller à la rencontre de tous ceux qui innovent pour rendre la ville meilleure. Nous voulons nous confronter à de nouvelles méthodes d’aménagement, de renouvellement de la ville et de création de nouveaux espaces publics. En tant que futurs ingénieurs, nous voulons aussi nous inspirer de ce qui est fait partout dans le monde pour construire la ville de demain. L’idée, c’est aussi de mieux comprendre comment exporter ces projets dans les environnements auxquels nous serons confrontés. L’approche terrain est donc très importante pour nous puisqu’elle nous permet de savoir pourquoi certains projets marchent et d’autres non. Nous saurons concrètement comment les projets d’aménagements ont été reçus par les habitants et quels ont été les freins durant leur réalisation. C’est le sens de notre démarche.
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Audric : Oui, on veut découvrir et faire découvrir. Dans le sens où nous apportons un regard d’ingénieur sur les questions d’urbanisme durable. À travers ce regard, nous voulons partager nos découvertes auprès du grand public mais surtout auprès des acteurs de la conception urbaine. Nous voulons recueillir le maximum de projets différents pour ensuite étudier la question de leur transposition dans d’autres villes.
Avez-vous déjà identifié des tendances ou des bonnes pratiques à adopter pour une ville résiliente ?
Abel : Plusieurs pratiques nous intéressent effectivement. Comme l’a rappelé Audric d’ailleurs, ce qui a manqué aux citadins durant le confinement, c’est la proximité avec la nature. Ce sera sûrement un point central de notre étude puisque la nature améliore également le confort thermique de nos villes grâce aux puits de fraîcheur. L’investissement des citoyens pour s’emparer des enjeux environnementaux nous intéresse grandement. Nous souhaitons étudier ensuite la place des ressources énergétiques dans leur consommation et dans leur approvisionnement. L’idée est de déterminer les moyens de réduire les factures énergétiques de nos villes en optimisant par exemple les réseaux de chaleur.
Audric : Il y a une autre notion centrale qui nous intéresse beaucoup : celle du confort urbain, avec par exemple le développement des mobilités douces (pistes cyclables, micro-mobilités et systèmes de transports ferroviaires). Nous nous intéressons aussi aux systèmes d’isolation pour les bâtiments qui permettent de limiter le gaspillage énergétique. Nous cherchons à améliorer le confort des habitants tout en réduisant l’empreinte écologique des villes. Comme le rappelait Abel, beaucoup de villes placent la création d’espaces verts au centre de leurs préoccupations, avec souvent l’objectif de végétaliser 50% de la ville d’ici 2050. L’intérêt est double : rapprocher le citadin de la nature et accroître le confort énergétique de la ville.
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Quels sont les objectifs de votre périple à travers l’Europe ?
Abel : La crise sanitaire nous a contraint à réduire la voilure de notre projet, qui devait initialement se dérouler partout dans le monde. Nous avons choisi 18 villes qui renforcent le réseau européen que nous avions précédemment ciblé. Nous nous sommes appuyés sur des réseaux de villes en transition comme le “transition network” ou le “C40” qui regroupent des villes s’investissant dans la lutte contre le changement climatique.
Audric : Nous avons systématiquement cherché à savoir pourquoi ces villes sont présentes dans ces réseaux et si les projets qu’elles portent sont réellement durables et résilients. Ensuite, nous avons établi notre itinéraire en fonction des contraintes logistiques et sanitaires.
Abel : L’intérêt de se recentrer sur l’Europe est également de limiter les transports par avion. En effet, la question environnementale est au centre de notre projet, donc effectuer l’intégralité de notre boucle européenne en train ou en ferry était important pour nous.
Audric : Effectivement, il serait hypocrite et contradictoire de présenter l’urbanisme durable à travers un voyage et des transports polluants.
Quels sont les indicateurs que vous avez développés pour analyser le caractère durable des villes ? Sur quoi portera votre analyse ?
Abel : Nos indicateurs sont classés par thématiques : mobilité, gestion des ressources, des déchets, de la pollution et des notions de gouvernances et d’économies pour étudier l’impact social des politiques publiques. Nous avons développé ces indicateurs en prenant en référence d’autres grilles d’analyses produites par des centres de recherche. Nous les avons modifiés pour apporter notre regard d’apprentis ingénieurs sur l’urbanisme durable.
Audric : Notre plus-value est d’apporter un regard extérieur tout en questionnant de l’intérieur les porteurs de projets. C’est un double regard intéressant qui nous permettra de savoir quels sont les critères que choisiront les porteurs de projets pour défendre leurs idées.
À quoi ressemblera, selon vous, la ville de demain ? Et comment peut-on l’amener à se transformer durablement ?
Abel : L’un des premiers enjeux consiste à remettre le citoyen et ses usages au centre de la ville, dès la conception des infrastructures qui sont à sa disposition. Le citoyen doit se sentir investi par les enjeux auxquels il est confronté dans son environnement propre. Cela pourrait passer par une refonte démocratique à l’échelle des quartiers, grâce au soutien des associations de citoyens, qui s’organisent pour monter des initiatives servant à améliorer leur cadre de vie.
Audric : La ville de demain, c’est aussi une ville à taille humaine. Avec l’étalement urbain, nous avons tendance à rallonger les distances au lieu de les réduire. En ce sens, nous voyons d’un très bon œil l’essor de l’agriculture urbaine et périurbaine qui permet aux habitants de consommer des produits locaux.
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Abel : La notion de ville du quart d’heure est pour cela très importante, puisqu’elle replace implicitement le citadin au cœur de la ville. Il y a dans l’urbanisme un aspect participatif central que nous voulons développer dans les années à venir.
Audric : La ville se développe finalement à la croisée des regards techniques, sociaux et démocratiques et ceux-ci se matérialisent tout simplement dans l’objet urbain. C’est donc en repensant l’objet urbain que l’on peut rendre nos villes meilleures.
*France, Allemagne, Suisse, Danemark, Suède, Finlande, Norvège, Royaume-Uni, Pays-Bas et Autriche.