En 2049, quels seront les liens entre villes et campagnes ?
2049, c’est loin mais c’est déjà demain. La rédaction Envies de ville s’est rendue à la conférence « 2049 des villes et des campagnes » organisée par L’Obs au Pavillon de l’Arsenal pour suivre les échanges entre le maire de Clermont-Ferrand, Olivier Bianchi, le sociologue Jean Viard, la journaliste Florence Besson, l’architecte Simon Teyssou et le chercheur Guillaume Faburel. Extraits choisis.
Dès l’introduction, Julie Joly, directrice générale de L’Obs, a souligné la volonté de sa rédaction de « traiter de sujets ancrés dans la réalité, de donner à voir le pays et ses enjeux de manière concrète en proposant des solutions » au travers d’un cycle de conférences prospectives pour imaginer le monde en 2049. Le sujet interpelle. Pour preuve, les petits carnets noircis de notes dans l’auditoire ! Si nous sommes bel et bien au cœur du 4e arrondissement pour suivre cette conférence, le désir de ruralité se fait sentir. « Je travaillais et vivais à Paris, où j’étais rédactrice en chef chez ELLE, et puis j’ai eu un déclic, une envie de campagne, pour moi, pour mes enfants » confie Florence Besson. « J’ai l’impression d’avoir redécouvert ma France, celle où j’ai grandi, et d’avoir retrouvé l’essentiel. » Depuis son départ de la capitale, Florence Besson est devenue agricultrice et organise des séminaires « au vert », dans sa ferme.
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Ce besoin de nature, Florence Besson n’est pas seule à l’avoir éprouvé. « C’est une tendance de fond qui s’accentue depuis le début de la crise sanitaire » analyse le sociologue Jean Viard. « 5 millions de Français ont changé de métier, de maison ou de situation maritale. On a l’impression de tous avoir eu le cancer et d’interroger le sens et les modèles de nos vies ». La France métropolitaine compte plus de 16 millions de maisons sur les 29 millions de résidences principales d’après les chiffres de l’INSEE. C’est dire si les Français aiment le vert au quotidien mais pour beaucoup, c’est l’alternance entre ville et campagne qui prime, avec près de 2 millions de maisons secondaires. « Si les métropoles sont le croisement du numérique et des cerveaux qui décident, on se rend bien compte que nous ne sommes pas obligés d’y habiter car la connectivité a pris le pas sur la mobilité. Ne pas habiter la métropole ne veut pas dire la quitter complètement. Demain, il y a fort à parier que de nouveaux modèles d’habitats partagés se développeront dans les métropoles, dans les quartiers d’affaires comme la Défense, pour que des cadres viennent y passer quelques jours par semaine ou par mois, tout en habitant et en travaillant depuis leur maison à la campagne. L’essentiel de l’écologie et de l’économie des territoires viendra des 80 % du territoire non-métropolitain d’ici peu » détaille le sociologue.
« Avoir sa maison à Tours ou à Saint-Dizier tout en ayant son entreprise dans une métropole va devenir quelque chose de tout à fait commun ». Le temps où Jean Ferrat chantait « ils quittent un à un le pays pour s’en aller gagner leur vie loin de la terre où ils sont nés, depuis longtemps ils en rêvaient de la ville et de ses secrets, du formica et du ciné… » n’est plus. Pour Jean Viard, « la modernité ne veut plus dire grande métropole ni bétonisation, la modernité est dans nos téléphones d’une part et dans la recherche d’une vie au vert d’autre part ». Nous assistons là à une « rupture civilisationnelle et anthropologique » pour Guillaume Faburel, auteur de l’ouvrage Pour en finir avec les grandes villes : Manifeste pour une société écologique post-urbaine. « 70 % de la population mondiale vivra dans les villes en 2100 alors même qu’il y a un désamour croissant pour la densité urbaine source de stress, d’étouffement sans parler de la crise écologique dramatique qu’elle entraine ».
L’opposition ville-campagne est trop souvent instrumentalisée
Attention toutefois à ne pas stigmatiser les oppositions alerte Jean Viard, pour qui il s’agit avant tout de « coopérations et de frontières ». Et ce n’est pas le maire de Clermont-Ferrand, Olivier Bianchi, qui soutiendrait le contraire. « Clermont-Ferrand est une métropole rurale de 300 000 habitants » affirme l’élu. « Avec des communes de 2 500 habitants et des agriculteurs dans la métropole, le sujet pour nous n’est pas tant de vivre une opposition qu’un continuum pour forger une alliance des territoires. N’oublions pas que ce sont des paysans qui ont construit notre ville avec l’industrialisation au XIXe siècle et l’émergence du géant Michelin ». « L’opposition ville-campagne est trop souvent instrumentalisée » martèle l’élu. « Ce n’est pas un défaut d’être rural et je vous assure que les citoyens de notre métropole, en ville comme dans les zones plus rurales veulent montrer à la France, à l’Europe, et au monde qu’ils ne sont pas enfermés dans leur ruralité. Nous sommes la capitale du Massif central et nous serons peut-être capitale européenne de la culture en 2028. C’est un exemple parmi d’autres mais pour ce concours, nous sommes en train d’interroger les habitants des villages, ce sont eux qui vont dessiner leur capitale de la culture. ».
Clermont-Ferrand montre la voie avec un modèle de coopération et d’échanges ancré dans son histoire. Force est de constater qu’entre Orléans, Bordeaux et Lyon il n’y a pas d’autres métropoles. « Être une métropole, c’est aussi se dire qu’on peut accueillir les étudiants de la Creuse, de la Lozère, du Nivernais par exemple. On veut embarquer tout un territoire avec nous. ». Cette volonté de l’élu, l’architecte Simon Teyssou y travaille depuis des années. Ce natif du Cantal, diplômé de l’école d’architecture de Clermont-Ferrand, a installé ses ateliers dans la région. « Il y a une véritable opportunité de redonner vie à nos villages en accueillant de nouveaux habitants en quête de ruralité mais il y a aussi un paradoxe entre décroissance démographique, liée à un solde naturel négatif et à un fort vieillissement de la population, et artificialisation croissante des sols. Pour que l’accueil de nouvelles populations venues des métropoles ne se fasse pas au détriment de la qualité du cadre de vie à la campagne, nous travaillons sur des opérations de réhabilitation des bâtiments de centre-bourg tout en venant densifier les dents creuses en cœur de village. ». S’il est encore difficile de dessiner la carte de France de 2049, la ruralité ne compte pas rester à la marge et les métropoles auront bien du mal à s’en passer au vu des aspirations de leurs habitants.