Aux Docks de Saint-Ouen, la ville place le renouveau au cœur de son héritage industriel
Si le problème des friches est bien connu par les élus locaux et les acteurs publics en France (2.400 friches industrielles recensées couvrant entre 90.000 et 150.000 hectares du territoire national), les exemples de réhabilitation réussie sont encore assez rares en raison de leur complexité. À Saint-Ouen, la Ville travaille depuis près de 15 ans sur la transformation des Docks en écoquartier moderne, vert et vivant pour les habitants et visiteurs, sans pour autant tourner complètement le dos à la mémoire industrielle du site.
Sur les berges de Seine, l’écoquartier des Docks de Saint-Ouen couvre le quart de la superficie de la ville. Cet ancien site industriel et logistique aux portes de Paris (entrepôt des douanes, pompes hydrauliques, usines de traitement des déchets et de production énergétique…) est en plein renouvellement. Décentralisation des activités industrielles et fermeture des usines qui faisaient la richesse et le rayonnement de la ville avaient mis à mal la dynamique du quartier, laissé à l’abandon jusqu’à la création d’une ZAC en 2007. Dès 2008, une première infrastructure était livrée avec l’école maternelle Nelson Mandela qui accueille aujourd’hui plus de 270 écoliers. Pour autant, reconvertir une friche en quartier habitable, commerçant, accessible par les transports est une opération qui s’inscrit dans le temps long et qui requiert « une volonté politique forte » assure Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen. Entre les prémices du projet en 2007 et la révision du PLU en 2012, cinq années de concertation des acteurs locaux et de réflexion sur la nature des futures infrastructures se sont écoulées, sur fond de fortes contraintes techniques et juridiques.
Certains projets sont d’ailleurs encore en phase de réalisation comme la transformation des anciennes usines Alstom (200 mètres de long et 15 mètres de haut) en Halle Gourmande au cœur de l’écoquartier. Pour Karim Bouamrane, la feuille de route est claire : « faire de la Halle Gourmande un lieu de vie matin, midi et soir, ouvert de 8 heures à minuit » qui va rayonner tant sur la ville, la Région et, à terme devenir un lieu fréquenté par les touristes. Livraison de nouveaux commerces en 2022, de la Halle Gourmande en 2023, les Audoniens sont « positifs » atteste Karim Bouamrane et ont « des attentes fortes en termes de commerces, de tranquillité publique mais aussi d’activités sur les berges de Seine ».
Outre la construction de logements, d’espaces de commerces ou encore de bureaux et de coworking, la Ville et les aménageurs ont donc porté une attention particulière au verdissement du quartier et à l’animation des espaces publics. Une volonté qui sera concrétisée par « un aménagement des berges de Seine qui donne envie de s’y balader, d’y flâner, d’y courir, d’y pédaler » témoigne le maire. En 2013 déjà, l’ouverture du Parc des Docks et ses 12 hectares d’espaces verts a permis de « changer la vie des habitantes et des habitants, des familles, enfants et personnes âgées… ». Le parc est désormais investi par la programmation culturelle de la ville (et le festival Saint-Ouen sur Scène), par les associations, par les sportifs ou par des animations comme Festiv’été. « On peut d’ores et déjà dire que ce parc est organiquement inscrit dans le réel et le cœur des Audoniennes et des Audoniens », confie Karim Bouamrane. À en croire l’édile, ce n’était pourtant pas gagné d’avance puisque « le territoire des Docks à Saint-Ouen est historiquement lié à son passé industriel » et que « les habitants qui ont connu le site avant ont forcément une forme de nostalgie. ».
La renaissance du quartier passe donc nécessairement par la conservation de certains marqueurs du passé et la préservation d’une certaine forme de filiation avec l’histoire industrielle de Saint-Ouen. Toutes les infrastructures des anciens sites pouvant être conservées l’ont été, notamment pour les Halles de Saint-Ouen ou plus simplement encore pour l’emplacement des anciens jardins ouvriers. L’espace de jardinage au sein du parc, nommé « l’île des partages », prend appui sur d’anciens jardins ouvriers hérités du passé industriel et sur des formes plus récentes de jardins partagés confiés à des associations diverses, des établissements publics, et surtout à de nombreux jardiniers sur des parcelles collectives de quelques mètres carrés. Car, malgré leur transformation, les Docks et leur passé demeurent une fierté pour Saint-Ouen et ses habitants, en attestent les palissades des chantiers en cours servant de support au travail d’art urbain réalisé par l’entreprise de production Quai 36.
Karim Bouamrane est le 3ème maire de la ville à porter le projet des Docks, tout sauf une coïncidence pour lui qui affirme avoir deux points communs avec Jean Perrin, un ouvrier forgeron élu maire de Saint-Ouen en 1887 alors que le site industriel était en plein essor : « mes origines ouvrières et mes convictions socialistes ». Pas question de changer de cap donc pour Karim Bouamrane qui entend plutôt « continuer de transformer la ville tout en gardant l’héritage ouvrier et populaire ». Les nouveaux arrivants ont d’ailleurs « pour la plupart dans leurs ascendances des origines populaires, ouvrières » et « cet alliage entre nouveaux habitants et anciens habitants se fond en une seule entité, d’être audonien ». « Tous, nous sommes Saint-Ouen » revendique Karim Bouamrane et il ne fait aucun doute que le projet des Docks participe aussi à forger l’identité de la ville et de ses habitants.
Photo de Une : La Halle Gourmande au cœur des Docks de Saint-Ouen, livraison en 2022 (©Mairie de Saint-Ouen)