Décarbonation des villes : où en sont les communes françaises ?
Alors que partout dans le monde, les métropoles commencent à être impactées par le réchauffement climatique, produire un modèle urbain sobre en émissions, résilient face à l’augmentation des températures et respectueux de l’environnement est devenu une nécessité. Qu’en est-il de la trajectoire de décarbonation des villes françaises ?
En 2022, Sciences Po estimait que les villes françaises étaient responsables de 67% des émissions nationales de gaz à effet de serre. Quelques années plus tôt, en 2018, le rapport Le défi climatique des villes réalisé par WWF France révélait qu’elles avaient près de quinze ans de retard pour respecter les engagements pris lors de l’Accord de Paris, limiter l’augmentation des températures à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels, et atteindre la neutralité carbone en 2050. L’heure est donc à une nécessaire accélération, d’autant que le remède est connu. Selon l’étude The future of urban consumption in a 1.5°C world du réseau mondial des grandes villes C40, la transition énergétique et la « baisse de consommation à technologie constante » permettrait de réduire de 90% les émissions urbaines d’ici le mi-temps du siècle.
En matière de décarbonation des villes, ou se situent les métropoles tricolores dans cette course au moindre impact ?
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Vers la décarbonation des villes françaises
Depuis 2015, plusieurs dizaines de grandes agglomérations ont élaboré un Plan Climat aligné avec l’Accord de Paris. C’est notamment le cas de Tours, Angers, Dijon, Grenoble, Lille, Bordeaux, Strasbourg, Dunkerque, Nantes, Lyon, Marseille et Paris. À noter que la capitale fait figure de pionnière en ayant pris ce type d’initiative dès 2007. Cela passe par un inventaire précis des émissions et par la mise au point d’une feuille de route qui liste les actions à mener pour décarboner.
Hélène Chartier, Director of Urban Planning & Design au C40 note que beaucoup de « villes en France et à l’étranger en sont maintenant à l’étape de la mise en œuvre. Cela passe notamment par des investissements dans les transports en commun, une transformation des espaces publics pour favoriser les mobilités actives, notamment la marche et le vélo, et pour accroître les sols perméables et accélérer la végétalisation, ainsi que des mesures pour décarboner les bâtiments qui représentent à eux seuls près de la moitié des émissions de gaz a effets de serre en milieu urbain. Les villes cherchent aussi à généraliser les objectifs de leur Plan Climat, par exemple à travers leur PLU (Plan local d’urbanisme), en leur donnant un caractère obligatoire et juridiquement contraignant et en amenant ainsi l’ensemble des acteurs du territoires à agir aussi sur leurs terrains ».
De fait, à Paris, le PLU bioclimatique, dont le projet a été adopté en juin 2023, est un outil important pour adapter la capitale au changement climatique en ménageant plus d’espace pour la nature, ce qui permet de lutter contre les îlots de chaleur. Il favorise également un développement urbain plus sobre en limitant les démolitions et promouvant des matériaux et procédés de construction avec un impact carbone réduit. Hélène Chartier explique qu' »à l’échelle de la France, il y a eu des avancées pour la décarbonation des bâtiments. La Règlementation Environnementale 2020 demande à présent d’évaluer l’empreinte carbone d’un bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie, en intégrant non seulement la phase d’exploitation mais aussi la phase de construction et la fin de vie. Il y a aussi un effort combiné de l’État et des collectivités territoriales pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments existants ».
Réglementer la décarbonation des villes
En posant un cadre réglementaire contraignant à l’échelle nationale, la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire pousse les municipalités dans une trajectoire vertueuse. De plus en plus de villes prennent désormais en compte les émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation de biens manufacturés, qui représentent le scope 3 des bilans carbones. Pour corriger le tir, elles mettent en place une série d’actions avec les habitants, des formations, des services de proximité, des partages d’objets. Elles cherchent à développer l’économie de la fonctionnalité. C’est notamment le cas à Paris et à Tours.
En parallèle, le ZAN (Zéro Artificialisation Nette), prévu par la loi Climat et Résilience, va dans cette même direction en obligeant les villes à la sobriété foncière. « Simplement avec un meilleur modèle d’urbanisme, en arrêtant de construire là où les gens vont être dépendants de la voiture, les villes pourraient réduire leurs émissions de 25% d’ici 2050. » explique Hélène Chartier.
Aujourd’hui, pour aller plus loin, il faudrait que chaque agglomération puisse avoir un Plan Climat, ce qui constitue une étape indispensable pour mettre en place une stratégie de décarbonation. Il faudrait par ailleurs soutenir les petites villes et les villes moyennes, moins armées pour faire face à ces enjeux, en formant les élus et les agents et en leur fournissant les outils nécessaires à la baisse des émissions.
“Pour gagner en efficacité, les villes doivent mettre en place des systèmes de gouvernance transversaux pour aligner l’ensemble de leurs services sur les enjeux climatiques. Enfin, à terme, les villes françaises, pourraient s’inspirer de la municipalité d’Oslo qui a adopté depuis 2017 un outil d’évaluation climatique de son budget, intégrant les objectifs de décarbonation dans ses arbitrages politiques et financiers. Il sert de boussole à la capitale norvégienne pour tenir ses engagements en matière de réduction d’émissions.” conclut Hélène Chartier.
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