Dans les rues de Copenhague, des pavés climatiques pour absorber les pluies torrentielles
À Copenhague, l’architecte et designer Flemming Rafn Thomsen œuvre pour la résilience de la ville face au risque inondation grandissant, en créant des trottoirs en pavés climatiques capables d’absorber les surplus d’eau de pluie et de les redistribuer à la végétation alentour.
Les 30 % de précipitations supplémentaires en moyenne augurés d’ici 2050 et l’intensification des phénomènes de submersion marine prédite par le GIEC ne relèvent déjà plus de la fiction pour certains de nos voisins européens. Au Danemark, cette double menace s’est déjà douloureusement concrétisée en 2011, lorsque des pluies torrentielles, communément surnommées monster rains par les Copenhagois, ont inondé la capitale et laissé plus d’1 Md€ de dégâts d’infrastructures derrière elles.
Les pavés climatiques : l’innovation qui apaise Copenhague
Flemming Rafn Thomsen, architecte co-fondateur de l’agence Tredje Natur, a fait de cette menace une opportunité d’innovation. En 2018, il inaugure son premier trottoir de « Climate Tiles ». Ces larges pavés perforés sont capables d’absorber l’eau de pluie et ses ruissellements. Une petite nappe phréatique artificielle sous les dalles permet de stocker l’eau, qui pourra ensuite être utilisée à destination de la végétation plantée aux alentours.
Pour Thomsen, le problème est clair : « En raison de la nouvelle nature du changement climatique, fortement accéléré par l’homme, les nouveaux volumes d’eau attendus ne pourront être détenus de manière traditionnelle ». La ville devra en effet faire face à des pluies de plus en plus violentes et fréquentes, parfois torrentielles. Le système d’égout actuel est incapable d’absorber ce surplus d’eau, et les sols quasi-intégralement imperméabilisés de la ville aggravent la situation en provoquant d’importants ruissellements.
Les « tuiles climatiques » imaginées par l’architecte sont pensées sur le modèle d’un Tetris : le système générique est modulable et s’adapte aux conditions locales du lieu d’implantation. La profondeur des dalles peut ainsi varier pour absorber plus ou moins d’eau, au besoin. La force de cette invention à micro-échelle réside précisément dans son évolutivité, sa flexibilité et sa robustesse. Un exemple parmi d’autres de solution sobre et efficace : à la fois peu coûteuse à installer, peu – voire pas – consommatrice d’énergie, elle répond à plusieurs problèmes en même temps.
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Une réponse micro-locale à des défis planétaires
Il s’agit « d’optimiser », explique Thomsen : dans un contexte urbain où l’espace est très limité, et où les multiples jeux d’acteurs génèrent d’intenses conflits d’intérêt, chaque mètre carré compte. Les dalles, qui ne privent personne de rien, ont tout à offrir : protection contre les inondations bien sûr, mais aussi végétalisation d’une ville encore très minérale et par extension atténuation de l’îlot de chaleur urbain, mais encore augmentation de l’attractivité du quartier qui revêt soudain un aspect ludique voire un intérêt touristique. Le café situé en face du site pilote a par exemple vu ses recettes augmenter de 20 % au cours de la première année qui a suivi l’installation des tuiles.
L’intérêt d’une solution à micro-échelle, enfin, réside essentiellement dans la possibilité de la répliquer ailleurs. On peut sans difficultés imaginer appliquer la solution à toutes les villes d’Europe, comparables les unes aux autres d’après Flemming Rafn Thomsen dans la mesure où elles sont globalement construites sur un même schéma urbain classique : du bâti organisé autour de grandes avenues et d’un linéaire de trottoirs qui atteint souvent des centaines de kilomètres de long (près d’un millier à Paris ndlr.). Un immense terrain de jeu, encore largement inexploité et pourtant plein de promesses.