Comment animer l’espace public en hiver ?

Est-il possible de vivre intensément la ville en hiver comme en été ? Le Canada nous apporte une réponse avec de nombreuses initiatives de « design actif » appliqué à l’urbanisme. Fini le cocooning, place au grand air !

On a longtemps guetté le raccourcissement des jours… et on s’est enfermés. Saurons-nous renouer avec l’hiver avant qu’il ne s’échappe ? La réponse se trouve peut-être en Amérique du Nord et dans les pays scandinaves, où les urbanistes cherchent à animer l’espace public au cours des (longs) hivers.

Révéler toute la qualité de vie qu’une ville peut offrir, cultiver l’identité d’une région et la poésie qui la caractérise… Ce qui semble une évidence se heurte à la réalité : tout au long du XX^e siècle, l’urbanisme a tourné le dos au froid et à la nuit. La transition environnementale des grandes villes passe par la multiplication des bâtiments basse consommation et, au dehors, des ombrières, jeux d’eau et brumisateurs. Fort de ces réussites, l’urbanisme bioclimatique doit-il uniquement relever le défi de la chaleur ?

« On ne sait plus comment jouer en hiver », note Olivier Legault, urbaniste québécois. C’est pourquoi les espaces publics des villes nord-américaines doivent être repensés pour les rendre fréquentables toute l’année. Pour le co-fondateur du Laboratoire de l’hiver, nos retrouvailles avec les frimas reposent sur 5 piliers : reconnaître ou créer des microclimats urbains, réinventer les activités hivernales sans se limiter aux sports, concevoir des aménagements adaptables aux autres saisons, favoriser la mobilité active et, enfin, redécouvrir la beauté de la saison froide.

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Ces villes qui animent l’espace public en hiver

Dès 2012, la ville d’Edmonton au Canada s’est dotée d’un « Bureau de l’hiver ». Ateliers sur la santé mentale, mise en lumière des espaces publics et monuments, tournois de pétanque sur neige, activités de snowboard… embrassant l’hiver, la capitale de l’Alberta multiplie les initiatives. Ses nouveaux espaces publics captent le soleil, bloquent les vents et réduisent les ombres. Pionnière de l’Urbanisme du froid, la ville travaille aussi sur les hauteurs et la disposition des bâtiments, facilite les circulations douces et, entre deux batailles de boules de neige, installe des patios hivernaux. Vitrine de l’art technologique, Montréal installe un mobilier urbain lumineux et interactif dans l’espace public. À Québec, sur le parvis de l’Église Saint-Jean-Baptiste, trois murs géants couverts de branches de pin créent une halte aussi appréciable que dépaysante…

©Laboratoire de l’hiver

L’Europe aussi

Les villes scandinaves ne sont pas en reste. On circule en traîneau dans les rues commerciales de la ville suédoise de Luleå. Le centre-ville comprend un parcours illuminé, une forêt et un sentier patinoire de 14 kilomètres. La nouvelle ceinture verte d’Oslo conjugue transport collectif, mise en valeur des milieux naturels, activités récréatives et limitation de l’étalement urbain. À Londres et à Lugano, en Suisse, la luminothérapie développée à Montréal fait des émules…

Et la France, dans tout ça ? Alors que les stations de ski sont en proie au doute, la magie des marchés de Noël, partagée autour d’un vin chaud, peut sembler suffisante. Pourtant, les normales hivernales se maintiendront encore longtemps entre 10 et 0 degrés. Au moment où le télétravail gagne du terrain pour une partie des salariés, bien des pistes sont à suivre pour que l’hiver nous rassemble davantage.

Pour Olivier Legault, l’exercice est toujours le même : il faut d’abord bien connaître la ville et son rythme. Jusqu’à 0 degrés, il est possible de rompre l’isolement et participer à la vie hivernale sans efforts particuliers ni chauffage d’appoint. La nuit est quant à elle un canevas pour des œuvres lumineuses et des parcours nocturnes. Pourquoi ne pas s’arrêter à la buvette et s’initier au curling sur une piste en matériaux recyclés ? Entre espaces extérieurs et intérieurs, les cafés et restaurants peuvent remplacer les chauffe-terrasses énergivores par des tables japonaises chauffées dont on profite en tirant une couverture à soi.

Les opérateurs immobiliers ont leur rôle à jouer. Doucement, l’architecture bioclimatique passe de l’habitat aux espaces publics. Bien étudiés, le volume, l’exposition et la répartition spatiale des programmes retiennent le soleil et la chaleur. Avec ou sans neige, jusqu’à 90 jours de saison agréable peuvent être ainsi gagnés. De jardins en parvis partagés avec les habitants du quartier, de vues aménagées en façades délicatement éclairées, la frontière entre la propriété immobilière et la vie collective s’estompe… la vocation de la ville n’est-elle pas de nous réunir en toutes saisons ?

©Laboratoire de l’hiver