Transformer des bureaux en habitation : solution durable à la crise du logement ?
2,9 millions de m2. Ce chiffre correspond à la surface de bureaux vacants en Île-de-France. Face à un tel constat, l’idée de rénover ces espaces pour les transformer en logements semble séduisante. Simple sur le papier, elle est pourtant bien plus difficile dans la pratique. Comment procède-t-on pour créer une habitation à partir d’un bureau ? Quelles sont les contraintes ? Plein phare sur l’un des grands projets du gouvernement.
Bureaux vacants : un état des lieux alarmant
Le territoire regorge de bureaux totalement vides, principalement concentrés en Île de France. Les raisons de cette désertion ? Cette dernière s’explique en partie par l’évolution des façons de travailler, qui rendent au fil des années les bureaux totalement inadaptés. Mais il faut aussi prendre en compte que le processus de location dans ce domaine est bien plus long et compliqué que pour les particuliers. Dans l’immobilier d’entreprise, un délai de vingt-cinq mois en moyenne est constaté entre le départ d’un locataire et l’arrivée d’une nouvelle société.
Un processus long et cher pour transformer des locaux professionnels
Autant de bureaux vides lorsque de nombreuses familles sont mal logées : une réalité qui atterre et qui donne des idées aux promoteurs. En 2018, sous la houlette de Julien Denormandie, secrétaire d’Etat auprès du ministère de la Cohésion des territoires, plusieurs grands groupes signent une charte et s’engagent à transformer 500 000 m2 de bureaux en plusieurs milliers de logements. Mais tout n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît et attirer les investisseurs n’est pas une mince affaire sur des projets aussi lourds.
La transformation de bureaux en habitation implique des démarches longues et fastidieuses, mais aussi un investissement conséquent. Avant d’envisager un tel chantier, il s’agit d’abord de vérifier les règles d’urbanisme fixées par la Mairie mais aussi celles de la copropriété de l’immeuble. Ensuite, le futur logement doit bien être raccordé aux différents réseaux (eau, électricité…). Le cas échéant, les travaux peuvent se révéler très onéreux. Le passage par la case permis de construire est aussi inévitable si le projet intervient sur les structures porteuses ou la façade du bâtiment. Et une autre ombre au tableau subsiste toujours ! Les entreprises préfèrent garder leurs bureaux vides : ils ont une valeur plus importante dans leur bilan que pourrait l’avoir un logement.
Un cas concret : les bureaux de l’Eau de Paris
Quelques semaines en arrière, les anciens locaux de l’Eau de Paris, rachetés par la Régie immobilière de la Ville de Paris, ont été transformés en logements sociaux. 3833m2 rénovés pour devenir 54 appartements indépendants. Le principal défi lorsque l’on transforme des bureaux en habitation est d’adapter la structure du bâtiment à un nouvel usage : un immeuble d’habitation n’obéit pas aux mêmes règles et contraintes qu’un local professionnel. Le challenge a été brillamment relevé par l’architecte Alain Sarfati, déjà expert sur le sujet puisque trente années auparavant, il avait été chargé de transformer cet immeuble d’habitation en bureaux. Retour aux sources pour ce bâtiment atypique des années 30.
20 mois de travaux pour un budget de 2000€ au mètre carré ont permis de donner un nouveau souffle à des locaux vacants en plein cœur de Paris. Mais on reste encore bien loin de l’immense potentiel de logements que les bureaux vides représentent en Île de France !
La loi Elan du côté des investisseurs
Plus que jamais, la mutation des bureaux en logements est une priorité pour la Mairie de Paris. Pour inciter les propriétaires à transformer leurs locaux, de nouvelles mesures ont été évoquées, dans le cadre de la loi Elan promulguée en Novembre 2018. Deux points clés sont à souligner. Le « bonus de constructibilité » fait partie des propositions phares et permettra aux investisseurs d’augmenter leur rentabilité. De plus, les nouveaux immeubles ne seront pas soumis aux obligations de mixité sociale des plans locaux d’urbanisme, si la commune atteint déjà les 25% de logements sociaux.
Mais ce projet de loi est-il vraiment une solution pour répondre à la crise du logement ? Pour Alain Dinin, PDG du groupe Nexity, la réponse est non. Selon lui, il ne s’agit pas uniquement de créer de nouvelles habitations pour solutionner le problème, mais plutôt de s’interroger sur l’évolution des mœurs et sur le « vivre ensemble ». L’habitat doit être totalement revu pour répondre aux besoins actuels de la population. Transformer des bureaux en logements ne serait qu’un miroir aux alouettes, surtout si l’on considère que la plupart des bâtiments vides en question sont impossibles à muter d’un point de vue technique et que la meilleure solution est encore de les démolir.