Les pensions de famille : un toit… et toute une vie qui va avec
Les pensions de famille constituent une solution de logement originale, aux multiples atouts : de petite taille, conçues en partenariat avec le monde associatif, l’État et les collectivités locales, elles s’adressent aux personnes seules et à faible niveau de ressources, en situation d’isolement et d’exclusion sociale.
Derrière ce concept de « Pension de famille » se trouve le docteur Xavier Emmanuelli, fondateur du SAMU social, ancien secrétaire d’État chargé de l’Action humanitaire d’urgence et président du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées entre 1997 et 2015. C’est lui qui est à l’origine des premières pensions de famille, élaborées dans les années 2000 avant d’être suivi par les pouvoirs publics. « Il manquait quelque chose en matière de logement pour les personnes en grande difficulté. Quand la vie vous a cassé, il faut du temps pour réparer le psychisme et le corps. Il fallait aller plus loin et proposer plus que du logement », confiera le médecin à la Fondation Abbé Pierre1.
Vingt ans après leur création, les pensions de famille, soutenues par l’État qui leur a consacré un guide spécifique en 2019 2, rencontrent un succès grandissant auprès des nombreux acteurs de l’hébergement et du logement social. On en compte plus de mille partout en France, qui accueillent près de vingt mille résidents ayant connu un parcours d’exclusion, marqué par de longs passages à la rue. Nombreux sont les atouts de ces hébergements particuliers destinés à « l’accueil de personnes dont la situation rend difficile l’accès à un logement ordinaire », comme le décrit le Code de la construction et de l’habitation.
À lire aussi
Une solution durable plébiscitée par tous les acteurs
Ces petites résidences collectives de moins de 1 000 m2, combinent généralement 20 à 25 studios autonomes et des espaces communs. Des hôtes y animent la vie collective et soutiennent les occupants dans leurs démarches. « Les pensions de famille permettent aux gens de la rue de retrouver un chez-soi, de se reconstruire grâce à l’accompagnement des travailleurs sociaux et des bénévoles et de participer à nouveau à la vie collective en donnant de leur temps aux autres. C’est un vrai gage de succès pour la réinsertion sociale, dont la force se caractérise par un chiffre : en moyenne, au bout de quatre à cinq ans de résidence, les personnes accueillies se considèrent comme suffisamment rétablies et insérées pour habiter un logement ordinaire », estime Philippe Pelletier, président du directoire d’Habitat & Humanisme et du Conseil de développement de la Métropole du Grand Paris.
« C’est la meilleure réponse à apporter à ce public », abonde Julien Damon, spécialiste des politiques sociales et auteur de nombreuses études sur la pauvreté et le logement3. En effet, « la grande différence entre les pensions et les autres hébergements, c’est qu’on peut y résider sans limite de temps. Dans les stratégies contemporaines d’accueil, les pensions de famille occupent donc une place particulière. Elles ont fait la démonstration de leur bienfait. C’est pourquoi le plan quinquennal pour le Logement d’abord a fait de ce type de logement accompagné un outil essentiel pour favoriser le parcours résidentiel des personnes », analyse le chercheur.
« Il est rare de voir une politique publique d’inclusion sociale être ainsi plébiscitée par tous les acteurs, renchérit de son côté Philippe Pelletier. Elle fait l’unanimité, aussi bien chez les personnes accueillies que chez les élus qui les accueillent sur leur territoire et qui voient ainsi disparaître les campements sauvages et les quêteurs de rue, également chez les associations qui accompagnent les résidents au quotidien, les voisins qui ont vite fait d’apprivoiser ce lieu nouveau et qui l’intègrent dans la vie du quartier ». Mais aussi chez les opérateurs immobiliers, les promoteurs et les architectes qui savent à coût maîtrisé produire des lieux de vie conviviaux et fonctionnels. Chez l’État, enfin, qui, en finançant le fonctionnement de ces lieux d’accueil4, y voit une réponse efficace à un sujet que l’on traitait mal auparavant.
À lire aussi
- Coliving, intergénérationnel : La crise sanitaire va-t-elle révolutionner nos modes d’habiter ?
- Au centre d’hébergement d’urgence de Périgueux, tout est pensé pour un accueil plus digne
Les pensions de famille, utiles pour tout le quartier
Considérées comme du logement social au regard de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), les pensions de famille ont pour objectif de proposer un logement à un public particulièrement marginalisé, que les élus ont souvent du mal à appréhender. Rompant avec la logique à court terme des solutions d’urgence, les pensions de famille permettent au contraire de répondre en profondeur à une problématique complexe. « C’est plus qu’un toit. C’est toute une vie qui va avec », soutient Christian Dubois, président de Nexity Non-Profit & Habitat inclusif.
« Les résidents y sont chez eux. Ils ont leur propre clé et une boîte aux lettres à leur nom et bénéficient d’une atmosphère familiale grâce à l’accompagnement des associations qui gèrent la pension au quotidien et paient le loyer au bailleur. Ce cadre de vie paisible est fondamental pour un public qui demeure très fragile. Il participe aussi au fait que les pensions de famille forment un bon voisinage. Avec leurs nombreux ateliers, leurs jardins partagés, les pensions de famille deviennent même utiles au quartier ! » En partenariat avec Habitat & Humanisme, « Nexity Non-Profit a mis toute son expertise au service de ceux qui sont engagés sur le terrain. Nous travaillons avec les associations, que l’on aide à créer des lieux neufs ou réhabilités », développe Christian Dubois.
« Nous travaillons avec des acteurs locaux qui ont déjà fait leurs preuves et qui ont la confiance des élus, comme à La Ciotat où l’association locale avait déjà un accueil de jour, se réjouit Christian Dubois. Nous mettons à profit toute notre expertise pour construire des résidences qui sont belles et confortables. Les architectes, très engagés sur la question, se donnent du mal ». À Montpellier par exemple, la pension de famille des Frères Grimm offrira de nombreuses commodités : local à vélos, buanderie, halle et jardin, balcons individuels, bureau pour les 2 hôtes salariés… mais aussi un salon collectif et une tisanerie. Finalement, les pensions de famille mettent tout le monde d’accord.
1. https://www.fondation-abbe-pierre.fr/nos-actions/accueillir-et-loger/le-pari-des-pensions-de-famille
2. Ministère de la Cohésion des territoires, Le guide la pension de famille : accompagner et faciliter les projets, 2019
3. Voir la dernière en date : Julien Damon, Aux frontières du logement ordinaire, éd. L’Aube, 2022
4. 18 € par jour et par place, soit 164 000 € par an pour une résidence de 25 places.