Vue aérienne d'une zone pavillonnaire dense
Publié le 10.06.24 - Temps de lecture : 4 minutes

Densifier les zones pavillonnaires, une solution face à la crise du logement ?

Face à une crise du logement sans précédent, la densification des zones pavillonnaires apparaît comme une solution prometteuse pour créer de nouvelles habitations, tout en respectant les objectifs de non-artificialisation des sols. Explications.

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  • Selon la FPI, la France doit construire ou réhabiliter 449 000 logements par an pendant dix ans pour répondre à la demande, mais les mises en chantier diminuent, principalement à cause du manque de foncier et de contraintes économiques et réglementaires.
  • Le tissu pavillonnaire offre de vastes surfaces inexploitées autour des maisons. La densification douce propose d’utiliser ces espaces pour créer de nouveaux logements à moindre coût, en rendant les propriétaires maîtres d’ouvrage de ces projets.
  • La densification douce permet aux propriétaires d’adapter leur logement à leurs besoins changeants, de percevoir des revenus locatifs, et de contribuer à la cohésion sociale locale sans étendre l’urbanisation.
  • Pour optimiser la densification des zones pavillonnaires, des simplifications des démarches administratives et des ajustements des PLU sont nécessaires. Des initiatives comme celles de la start-up Villes Vivantes montrent que ce modèle peut significativement augmenter le parc de logements disponibles.

 

449 000

C’est le nombre de logements qu’il faudrait construire chaque année, selon la FPI

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le compte n’y est pas. Selon la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers), il faudrait bâtir ou réhabiliter a minima 449 000 logements tous les ans en France pendant une décennie pour couvrir les besoins en logement actuels et à venir. Or, le nombre de mises en chantier ne cesse de baisser. En 2023, seulement 373 100 permis de construire ont été délivrés, soit 115 900 de moins par rapport à l’année précédente, ce qui représente un recul de 23,7 %. Et l’année 2024 ne s’annonce pas meilleure. En cause, le manque de foncier disponible, l’impératif de stopper l’expansion urbaine fixé par le ZAN, la réticence de certains élus, la difficulté d’accès au crédit, mais aussi la hausse des prix de l’énergie et des matières premières. Pourtant, il existe des solutions.

Le tissu pavillonnaire regorge de vastes surfaces inexploitées

Longtemps sous-estimé, le tissu pavillonnaire regorge de vastes surfaces inexploitées, situées autour des maisons, qui pourraient être mises à contribution pour créer de nouveaux logements à moindre coût. Un sondage réalisé en mars 2024 par l’Ifop pour la Fédération française des constructeurs indique d’ailleurs que 80 % des Français plébiscitent la maison individuelle, déclarant souhaiter vivre dans ce type d’habitation plutôt qu’en appartement. De fait, le pavillon, régulièrement décrié, constitue un gisement à exploiter afin de résoudre, au moins en partie, la crise actuelle. C’est le but de la densification douce, qui prône le réaménagement des espaces existants. De quoi parle-t-on ?

Cette méthode vise à étendre la surface habitable de manière organique et progressive grâce à la construction d’un bâtiment supplémentaire sur un terrain, ou la surélévation de celui qui est déjà présent, en faisant du propriétaire le maître d’ouvrage de ces transformations. Celui-ci devient l’auto-promoteur de son propre bien. Tout part de lui et de son projet.


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Un modèle à même de convaincre ? 

« C’est un modèle économique et technique qui fonctionne. Selon ce que les habitants veulent faire, nous leur proposons un accompagnement sur-mesure qui étudie l’ensemble des possibilités. Nous prenons en compte les contraintes architecturales et nous y ajoutons une dimension sociale, une analyse financière qui intègre les aides dans leurs évolutions récentes, ainsi que la mise en conformité avec les réglementations en vigueur afin de trouver des solutions de création de nouvelles surfaces habitables sans produire d’étalement urbain », explique Lily Munson, secrétaire générale de la start-up d’urbanisme Villes Vivantes, spécialiste de la densification douce.

À ce jour, cette entreprise, qui a déjà 10 opérations à son actif, poursuit le déploiement des solutions de densification douce BIMBY, BUNTI, BAMBA et BRAMBLE qu’elle a mises au point, grâce à une équipe de spécialistes qui valorisent le gisement foncier dans toute sa complexité. À Périgueux, ce sont 250 logements qui sont sortis de terre de cette manière, grâce à des initiatives portées par les habitants, et sans devoir mobiliser des moyens financiers importants puisqu’il n’y a ni le coût de la maîtrise d’ouvrage, ni celui du foncier.

Alors qu’en France 9 millions de maisons sont situées dans des communes de plus de 10 000 habitants, le réservoir constructible est plus que conséquent. Rien qu’en région parisienne, ce sont 60 000 logements par an qui pourraient être produits de la sorte. « Selon nos projections, la filière de création de logements en densification douce pourrait occuper entre un tiers et la moitié du marché. Si 1 % des Français propriétaires d’une maison se lançaient dans une opération de ce type, cela produirait 200 000 logements supplémentaires chaque année, ce qui représente plus de la moitié des mises en chantier en 2023 », décompte Lily Munson.

Conserver son logement, percevoir des revenus locatifs

Ce format a comme autre atout de prendre en compte la recomposition des ménages et le vieillissement des populations, et de répondre ainsi au phénomène de décohabitation. Comme les particuliers sont les parties prenantes de la transformation de leurs biens, ils peuvent les adapter en fonction de l’évolution de leurs besoins.

« Il faut considérer le logement comme un flux, et non pas comme un stock. Les aléas de la vie font qu’une habitation peut se dégrader ou ne plus être adaptée aux gens qui y vivent, par exemple quand les enfants grandissent et quittent le domicile. En faisant construire une seconde maison dans son jardin ou en transformant son garage en logement, la densification douce permet à un particulier de rester chez lui dans de bonnes conditions, tout en percevant des revenus locatifs », détaille Lily Munson.

Mais pour mener à bien des projets de densification douce, encore faut-il lever certains freins… La multiplication des règles d’urbanisme peut être un obstacle pour construire dans des lieux qui cochent pourtant toutes les cases, et il faut également pouvoir compter sur la bonne volonté des élus. « Il faudrait une loi qui simplifie les démarches pour ce type de projet, avec des dérogations spécifiques pour les projets de création d’un seul logement supplémentaire », commente Lily Munson.

Indéniablement, la densification douce entraîne un nombre incalculable d’externalités positives en étendant le parc de logements disponibles, en générant localement du lien social et culturel, en facilitant l’accès d’un plus grand nombre de citadins aux écoles, aux commerces, aux transports, ce qui en fait une solution d’avenir. « En adaptant légèrement les PLU actuels, on aurait déjà de quoi quasiment répondre à la crise actuelle. Il existe des solutions innovantes pour loger ceux qui en ont besoin », conclut Lily Munson.

 

Visuel : ©wirestock sur Freepik

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