
Pour faire face à la crise du logement, les maires européens se tournent vers l’UE
Alors que les citoyens de l’Union ont de plus en plus de mal à se loger, les maires de dix grandes villes européennes se mobilisent et demandent à l’UE d’agir, tout en proposant des solutions.
À RETENIR
- Les maires de dix grandes villes, représentant plus de 13 millions d’habitants, interpellent la Commission européenne sur la crise du logement, demandant une action rapide et efficace face à la flambée des prix et à la pénurie de logements.
- Depuis 2010, les prix immobiliers ont bondi de 47 % en moyenne dans l’UE, et les loyers connaissent des hausses record, avec un cinquième des ménages consacrant plus de 40 % de leurs revenus au logement.
- De plus en plus de ménages, y compris la classe moyenne, peinent à se loger, tandis que le nombre de sans-abri en Europe a augmenté de 70 % en quinze ans, atteignant 895.000 personnes.
- Les maires appellent à un programme de travail commun et à des financements européens accélérés, tandis que Dan Jørgensen propose de doubler les investissements de la politique de cohésion et de mobiliser des fonds publics et privés.
Suite à la nomination de Dan Jørgensen comme premier commissaire européen au logement, les maires de Paris, de Lyon, d’Amsterdam, de Leipzig, de Budapest, de Milan, de Bologne, de Rome, de Barcelone et de Lisbonne, représentant plus de 13 millions d’habitants, ont adressé une lettre à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, pour demander à l’UE de « se montrer à la hauteur » de la crise du logement qui sévit actuellement en Europe. Les 27 pays membres sont en effet confrontés à une dynamique haussière particulièrement marquée du marché de l’immobilier qui rend l’accès au logement de plus en plus difficile pour de nombreux européens.
Dans cette lettre, les maires rappellent que le temps presse et que les citoyens ont besoin de solutions rapidement. Ils rappellent aussi qu’ils ont essayé de faire ce qu’ils pouvaient dans les limites de leurs ressources, mais sans parvenir à redresser la situation, alors que les villes ont été en première ligne de cette crise, avec des manifestations pour le logement qui ont éclaté de Madrid à Milan.
Une crise historique du logement en Europe
Depuis 2010, les prix du mètre carré ont augmenté en moyenne de 47 % dans les pays de l’Union, selon les données d’Eurostat. En Irlande, l’acquisition d’un appartement ou d’une maison représente désormais jusqu’à dix fois le salaire médian annuel. Aux Pays-Bas, le prix moyen d’achat d’un bien a atteint 430 000 euros. A Paris, le mètre carré a franchi la barre des 10.000 euros.
En parallèle, les loyers ont eux aussi flambé. A Berlin, ils ont augmenté de 40% entre 2018 et 2023. A Dublin, ils ont été multipliés par deux, dépassant désormais 2 000 euros par mois. Ramenée à l’ensemble des pays européens, la hausse est de 18% en moyenne, ce qui est considérable. Plus d’un cinquième des ménages consacre dorénavant 40 % ou plus de leurs revenus au logement.
La crise actuelle du logement en Europe trouve son origine dans le déficit en nouvelles constructions, le manque de logements sociaux, le durcissement des conditions d’accès au crédit, les freins réglementaires, la fragmentation des ménages, autant d’éléments qui accentuent le déséquilibre entre l’offre et la demande.
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Un risque accru d’exclusion
Cette forte augmentation des prix pénalise un nombre croissant de groupes sociaux. Les jeunes, les familles monoparentales, les travailleurs essentiels et même les ménages de la classe moyenne, ont de plus en plus de mal à trouver un toit ou à le conserver.
En Grèce, 17,7% des locataires ont des difficultés à payer leur loyer. En France, c’est le cas pour 16,7% de nos compatriotes. Ces chiffres sont inédits et concernent les 27 pays membres. En parallèle, le nombre de sans-abri a atteint un niveau record, avec 895 000 européens qui dorment dans la rue, l’équivalent de la population de Marseille, selon les données de la Fondation Abbé Pierre. Cela représente une augmentation de 70% du nombre de sans domicile fixe en quinze ans.
De par son ampleur, cette crise risque « d’éroder les fondements sociaux du projet européen et de saper la capacité des villes à attirer et à retenir les talents, menaçant ainsi leur compétitivité » alertent les maires dans la lettre envoyée à Ursula von der Leyen.
Des solutions à l’échelle de l’UE
Avec la récente nomination de Dan Jørgensen, les maires pensent que le contexte européen est favorable pour trouver des solutions, car la création d’un poste de commissaire européen au logement, l’élaboration d’un plan européen pour le logement abordable et la mise en place d’un groupe de travail de l’UE sur cet enjeu, ouvrent de nouvelles perspectives.
Afin d’obtenir des résultats tangibles à court terme, les maires proposent de développer un programme de travail commun, ce qui leur permettrait de jouer un rôle dans les politiques structurelles de la Commission européenne en matière de logement.
Ils plaident également pour la mise en place d’une procédure accélérée permettant aux villes d’accéder au financement de l’UE pour qu’ils puissent combler plus efficacement le manque de logements abordables. A ces propositions, qui se heurtent au principe de subsidiarité puisque la responsabilité du logement incombe principalement aux États membres, Dan Jørgensen suggère notamment de « doubler les investissements de la politique de cohésion dans le logement abordable et de mobiliser les investissements publics et privés via la plateforme paneuropéenne d’investissement ». Affaire à suivre.