Le bail réel solidaire, un outil efficace pour une ville plus inclusive ?
Depuis 2016, le bail réel solidaire a pour objectif de créer des logements neufs accessibles aux ménages les plus modestes, souvent en difficulté pour se loger au cœur des agglomérations. Son principe ? Dissocier le bâti du foncier, en permettant à des foyers à faibles revenus de louer le foncier à un Organisme de Foncier Solidaire pour y bâtir un logement. Mais comment cet outil d’innovation juridique se met concrètement en place dans les projets immobiliers ? Focus sur des projets qui ont fait du bail réel solidaire et de la mixité sociale une réalité.
Permettre aux foyers les plus modestes de devenir propriétaires
Dans un contexte où les villes sont souvent sujettes aux spéculations foncières et au sein desquelles l’achat d’un bien immobilier est inaccessible à beaucoup de foyers français, le bail réel solidaire (BRS) a pour ambition de créer un parc immobilier durable de logements en accession à des prix modérés afin de renforcer la mixité sociale dans les villes. Pour cela, cet outil propose la dissociation de la propriété foncière de celle du bâti : le terrain est acquis par un organisme de foncier solidaire, qui le met en location à prix réduits aux acquéreurs, qui sont eux propriétaires des murs de leur logement. Les organismes de foncier solidaire (OFS) proposent des baux de location de 18 à 99 ans, qui peuvent être reconductibles ou encore rétrocédés à un proche si l’ensemble des parties prenantes est en accord.
Grâce à cette logique, le prix d’achat du logement est bien moins élevé puisque les propriétaires des logements achètent uniquement le bâti, le prix du foncier étant déduit puisque assuré par l’OFS. Le bail réel solidaire n’est pour autant pas accessible à tous : pour favoriser un maximum la mixité sociale des villes, seuls les ménages les plus modestes, sous condition d’un plafond de ressources, peuvent candidater auprès d’un organisme de foncier solidaire. En plus de prôner l’inclusivité, le BRS est un outil efficace pour lutter contre la spéculation foncière : il trouve d’autant plus de sens dans les zones tendues où les prix du marché sont déjà fortement élevés ou dans les zones touristiques où le marché est saturé par l’achat de maisons secondaires.
Un outil de plus ou plus apprécié des municipalités
La première opération qui a permis la mise en place de bail réel solidaire est sortie de terre en 2017 à Lille proposant alors pour la première fois des logements à 2110 euros du m², soit moitié moins cher que le reste du marché. Cette première expérience s’est peu à peu dupliquée au reste du territoire. Un succès qui s’explique par une médiatisation du procédé et une appréciation partagée par les élus locaux permettant de faciliter la construction de logements sociaux dans leur commune.
En novembre 2019, le cabinet Espacité, lors d’une étude menée sur le déploiement du dispositif à l’échelle nationale, avait comptabilisé 19 Organismes de foncier solidaire agréés. Une tendance en consolidation puisqu’une vingtaine d’autres devaient suivre et l’étude avait également prédit la livraison de près de 500 logements reposant sur le bail réel solidaire d’ici la fin 2020 en France (sous réserve de retards liés à la crise sanitaire), avec une projection de près de 10.000 à l’horizon 2024.
Même si les grandes villes n’ont encore que peu expérimenté la mise en place du BRS, elles commencent peu à peu à l’investir. Les villes de Bordeaux, Nantes, Rennes et Lyon accueillent les unes après les autres des projets immobiliers déployant le bail réel solidaire. L’objectif : promouvoir une mixité sociale affirmée dans des marchés immobiliers saturés et où les prix explosent. C’est le cas à côté de Lyon où la livraison de 8 logements à Villeurbanne en bail réel solidaire a permis à des foyers modestes d’accéder à la propriété, dans un contexte où cela aurait été impossible pour eux sans le dispositif. Avec des prix de sorties 45 % moins élevés que le marché immobilier local, cette opération participe activement à l’inclusivité de la ville.
En 2025, ce sera enfin au tour de la ville de Paris d’accueillir ses premiers propriétaires bénéficiant du bail réel solidaire. C’est au cœur de la transformation de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, lieu emblématique du 14ème arrondissement, que 23 logements seront mis en vente par la foncière de la ville de Paris à un prix moyen 5 000 euros du m² alors que dans certains quartiers de la capitale il peut atteindre le double. Une offre qui répond à un besoin réel : la preuve en est qu’en une semaine, plus de 700 dossiers ont été déposés et 35 000 visiteurs se sont connectés au site de la Foncière parisienne.
Le bail réel solidaire, un outil à multiplier ?
Même si la mise en place du bail réel solidaire dans les projets immobiliers reste encore peu courante, elle tend à être de plus en plus automatique. Face à la demande croissante de logements sociaux, notamment dans les villes denses, le BRS se révèle être efficace à la fois dans son système et dans son appropriation par les habitants. Un outil qui dans le futur pourra donc tenir ses promesses pour des villes où la mixité sociale est une réalité.