Grand Angoulême : Le TGV change-t-il la donne pour les villes moyennes ?
Longtemps réservé aux grandes métropoles françaises, le déploiement des lignes ferroviaires grandes vitesses gagne désormais de plus en plus les moyennes et petites villes. L’arrivée du TGV pour ces villes a-t-elle un impact sur leur attractivité ? Entre développement touristique, économique, et arrivée de nouvelles populations, quelles sont les retombées pour ces villes moyennes qui cherchent à se démarquer les unes des autres ? Réponses à Angoulême avec Xavier Bonnefont, président de l’agglomération.
D’un point de vue de l’attractivité économique du territoire, la Ligne Grande Vitesse (LGV) a-t-elle permis à certaines entreprises de s’implanter sur le territoire ? Ou de positionner le Grand Angoulême dans une logique concurrentielle d’attractivité face aux autres villes de la région ? Quelles ont été les évolutions immédiates ?
L’emplacement d’Angoulême a toujours été propice au développement de nombreux échanges et coopérations avec Paris et la Région Nouvelle-Aquitaine. L’arrivée de la LGV a amplifié ce phénomène grâce à la rapidité des déplacements.
De nouveaux entrepreneurs parisiens ont fait le choix de venir s’implanter à Angoulême pour sa qualité de vie, confortés et rassurés par cette desserte ferroviaire efficace, facilitant leurs échanges économiques. Vous parlez de concurrence… oui, elle existe, mais elle est saine et repose sur l’ADN même des territoires. À titre d’exemple, des entreprises comme Archel play, Alantaya ou encore Vegaia, sont allées visiter le territoire bordelais en premier et ont finalement choisi de s’installer en Charente pour plusieurs autres raisons : l’offre immobilière attractive, l’écosystème local, l’accompagnement sur-mesure des entreprises et la qualité de vie nettement supérieure. Les nouveaux arrivants sont séduits par ce territoire à la fois apaisé, bercé par le fleuve Charente, où la mobilité est simple et ce bouillonnement culturel, créatif et entrepreneurial. Par ailleurs, avec la fusion des régions en 2016, GrandAngoulême se retrouve positionné au cœur de la Nouvelle-Aquitaine, emplacement stratégique, renforcé par l’arrivée de la LGV qui lui confère ainsi une très grande attractivité.
L’arrivée de la ligne grande vitesse a-t-elle été l’occasion d’impulser de nouveaux projets de territoires, de reconfiguration urbaine qui participent aujourd’hui à l’attractivité du Grand Angoulême ? Quelle est la dynamique urbaine actuelle ?
Notre territoire a su se métamorphoser dans une dynamique de projets ambitieux impulsés par la communauté d’agglomération GrandAngoulême. Afin de bénéficier pleinement des retombées de la LGV, le quartier de la gare s’est transformé : aménagement des parvis, création d’une passerelle permettant de connecter le quartier de la gare aux bords de Charente, création de la nouvelle Médiathèque l’Alpha, d’un jardin public… Tous ces projets participent à une nouvelle dynamique urbaine positive et les investisseurs privés ont également mesuré l’opportunité de profiter de cette énergie : un centre d’affaires de 2500m², des commerces, un hôtel ainsi que de nombreux logements sont actuellement en construction. L’ambition est de créer un pôle d’attractivité complet, un hub urbain : espaces de travail, de transit, de loisirs, de commerces au sein d’un même quartier.
Le réseau de transport en commun « Möbius » a été également été réinventé, en connexion directe avec la gare, afin de proposer un haut niveau de service et de desservir facilement l’ensemble du territoire.
Cette nouvelle attractivité nous a également amené à développer notre offre en direction des entrepreneurs. GrandAngoulême a créé « Krysalide » un technoparc de 3000m² à destination des start-up et des entreprises innovantes. Krysalide est également un lieu d’expérimentation de l’excellence énergétique et écologique : un système de production, de stockage et de restitution d’énergie par pile à hydrogène y est intégré, preuve de l’engagement de la collectivité en faveur d’un territoire durable et responsable.
La crise sanitaire liée à la Covid-19 et le développement du télétravail ont montré que certains habitants des grandes métropoles françaises cherchaient à s’exiler dans des villes plus petites, plus proches de la nature. La desserte de la ville par le TGV est-il un atout pour Angoulême pour accueillir de nouveaux habitants ? Est-ce un phénomène visible dans le Grand Angoulême ?
Évidemment, la desserte TGV est un atout pour nos futurs et nouveaux habitants. La proximité avec leur ancien lieu de vie est un critère parfois important, notamment pour les relations sociales, familiales et certains loisirs.
Le télétravail s’est développé et nous avons effectivement constaté des installations de foyers qui ne travaillent pas forcément sur le territoire grâce à notre desserte routière et ferroviaire performante (35 mn de Bordeaux et 1h43 de Paris en LGV) mais aussi grâce à l’environnement propice à ce mode d’activité professionnelle : présence de Très Haut Débit, immobilier attractif permettant d’aménager des espaces dédiés, tiers lieux ouverts au coworking… Notre territoire a d’ailleurs été récemment classé dans le top 3 des villes où il fait bon télétravailler par le Point.
Quelles sont pour demain les aspirations du Grand Angoulême face aux grands enjeux de mobilités à l’échelle régionale ? Quelle vision portez-vous sur votre territoire pour demain ? Les mobilités sont-elles en train d’évoluer pour laisser moins de place au tout voiture ?
L’arrivée de la LGV a été l’occasion de créer de nouvelles coopérations territoriales et coordination des offres de mobilité, alternatives au tout-voiture, à l’échelle régionale. Les communautés d’agglomération GrandAngoulême, GrandCognac, Royan Atlantique, Saintes disposent de forts atouts : tourisme (littoral, fluvial, cyclotourisme), production viticole de renom, industrie des spiritueux et ses activités annexes, industrie de l’image et de la création numérique.
Ainsi, la volonté de renforcer l’activité économique, le développement des filières et la mise en valeur touristique sont indissociables d’un réseau de transport optimisé et d’un service ferroviaire renforcé, connecté à la LGV Sud Europe Atlantique (SEA). C’est pourquoi des projets de régénération et d’électrification de l’axe Angoulême-Saintes ont été inscrits au précédent CPER (Contrat Plan Etat Région) et à l’actuel, afin d’imaginer dans quelques années la circulation de TGV jusqu’à Royan.
En 2016 et 2017, les quatre communautés d’agglomération, accompagnées par le laboratoire Ruralités de l’Université de Poitiers ont conçu une contribution au SRADDET (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires) sur la question des mobilités pour défendre le renforcement des principaux réseaux de transport routier et ferroviaires qui les relient entre elles et à d’autres territoires de la Nouvelle Aquitaine. En 2018, les quatre communautés d’agglomération ont signé la convention portant création de l’entente intercommunautaire « Val de Charente » pour renforcer les dynamiques et la visibilité de leurs territoires.
Enfin, afin de renforcer la pertinence des offres de mobilités, alternatives au « tout voiture », le syndicat mixte « Nouvelle Aquitaine Mobilité » auquel participe GrandAngoulême, a l’ambition d’assurer une meilleure coordination et visibilité des offres.
Dans cette continuité, après sa réorganisation du réseau de transport en commun et l’accès à la gare LGV d’Angoulême, GrandAngoulême travaille à l’actualisation de son schéma cyclable, à projet de covoiturage, accompagne les entreprises dans la mise en place de plan de déplacements.
De manière plus générale, quelle vision portez-vous sur l’aménagement du territoire français, notamment en termes de mobilités ? De quelle manière devrait-il selon vous évoluer ? Quid des petites lignes ferroviaires ?
Bien que la gare d’Angoulême constitue une infrastructure essentielle au développement de notre territoire et aux territoires limitrophes, l’offre de transport grande vitesse reste sous-dimensionnée. Depuis la mise en service de la LGV SEA l’offre TGV a sensiblement diminué. Ainsi le nombre de TGV[1] reliant Angoulême à Poitiers est passé de 34 en 2009 à 24 en 2020, entre Angoulême et Bordeaux de 38 à 30 et entre Angoulême et Paris de 22 à 20. Cette diminution n’est que partiellement compensée par l’offre TER. GrandAngoulême se mobilise pour une amélioration de l’offre ferroviaire, peut-être au travers d’une solution TER-Grande Vitesse.
Parallèlement, les investissements d’envergure menés sur les LGV, à l’échelle nationale, ont pu se faire parfois au détriment des dessertes ferroviaires locales. Or, le réseau ferroviaire de la Région Nouvelle-Aquitaine comporte 3410 km de lignes (hors LGV) dont plus de la moitié sont des lignes de desserte fines du territoire ou « petites lignes » (IUC 7 à 9). L’audit engagé par la Région à « dire d’experts » et mené par SNCF Réseau en 2016-17 a fait état d’un réseau à bout de souffle. Ces difficultés se traduisent par des limitations de vitesse, comme sur l’axe Royan-Saintes-Angoulême sur lesquels des travaux sont en cours. Il est donc impératif de relancer l’investissement sur ces lignes qui n’ont pas d’alternatives durables.
[1] Par ailleurs, GrandAngoulême se mobilise pour un rééquilibrage de l’aménagement du territoire français sur lequel les axes de transports principaux sont encore trop organisés en étoile autour de Paris. Ainsi GrandAngoulême souhaite que la révision prochaine du réseau transeuropéen des transports, à l’échelle européenne, soit l’occasion d’inscrire comme prioritaire l’axe transversal Turin/Lyon/Arc Atlantique, en passant par GrandAngoulême.