Publié le 18.01.24 - Temps de lecture : 4 minutes

Financement participatif dans les collectivités : quand les habitants deviennent investisseurs de projets publics

Largement démocratisé pour les projets entrepreneuriaux et associatifs, le financement participatif séduit de plus en plus de collectivités locales et d’habitants qui y voient une alternative de placement séduisante et rémunératrice. Tours de table à Glanges (Haute-Vienne – 513 habitants), Marsanne (Drôme – 1.300 habitants) et Brest (Finistère – 140.000 habitants), trois communes où les habitants contribuent au financement de projets d’infrastructures.

Le financement participatif dans les collectivités, une solution séduisante 

Né avec l’essor d’internet au début des années 2000, le crowdfunding (ou financement participatif) est un échange de fonds entre individus en dehors des circuits financiers institutionnels, afin de financer un projet via une plateforme en ligne. Avec 2.355 millions d’euros collectés sur les plateformes en 2022 (+ 25% par rapport à 2021), le financement participatif attire de plus en plus, rapporte l’association Financement Participatif France. Les collectivités représentent encore une part très négligeable des porteurs de projets (0,06%) … mais cela pourrait bien changer.

Les budgets et les recettes des collectivités ont été largement transformés au cours des dernières années. À ces évolutions s’ajoute pour beaucoup de communes la baisse des dotations de l’État les contraignant à développer de nouvelles manières de soutenir les investissements. Dans le même temps, la possibilité de recourir au financement participatif a été ouverte aux collectivités locales fin 2015 pour des projets relevant des services publics culturels, éducatifs, sociaux et solidaires avant d’être élargie dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances, au profit de tout service public, à l’exception des missions de police et de maintien de l’ordre public.

Le crowdfunding s’installe progressivement, à des échelles très variables notamment en termes de montant, dans les modes de financement des projets des collectivités. La preuve à travers 3 exemples structurants en termes de développement local


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À Glanges, les citoyens engagent leur épargne contre la désertification médicale

Dans cette petite commune de Haute-Vienne, département largement touché par la désertification médicale, une centaine d’habitants ont permis à la collectivité de réunir 65.000 euros contribuant ainsi à hauteur d’environ un cinquième du coût total du projet. L’ancienne poste va donc accueillir en son sein, en plus d’un logement social entièrement réhabilité et distribué sur deux étages, un cabinet médical regroupant deux infirmières et une activité de télé-ophtalmologie. Au total, la réhabilitation du bâtiment dans son intégralité coûtera environ 500.000 euros. À côté de ce financement participatif citoyen, la municipalité a reçu des subventions de l’État, du département de la Haute-Vienne et a contracté un prêt bancaire classique. Mais sans l’argent des habitants, ce projet n’aurait jamais pu voir le jour.

Un médecin est également recherché pour compléter la nouvelle offre de soins, qui aura vocation à apporter une réponse pour l’ensemble des habitants de Glanges et plus largement de la Communauté de Communes. « Nous avons tous connaissance des difficultés que rencontrent nos concitoyens pour obtenir des rendez-vous auprès d’un ophtalmologiste, les délais sont extrêmement longs et les cabinets géographiquement éloignés (Limoges ou Saint-Yrieix-La-Perche) » affirme Emilie Gillet, Maire de Glanges, sur la plateforme de collecte Villyz.

Avec ce futur pôle santé, la maire de la commune a déjà prévu d’attirer 80 habitants dans les 10 prochaines années, du jamais vu dans des territoires ruraux qui ont plus l’habitude de perdre des citoyens ces dernières années.

À Marsanne, les habitants co-financent le renouvellement d’un parc éolien

C’est l’un des plus beaux villages de la Drôme et pourtant… les habitants ont soutenu un projet de renouvellement du parc éolien ! Surprenant ? Assez, surtout lorsque l’on connaît les débats que peuvent susciter ce type de projet. « Lorsqu’on a été élus en 2020, le parc arrivait en fin de vie et s’est posée la question du stop ou encore » témoigne le maire Damien Lagier. À cette question, les habitants ont répondu « encore ». Mieux, 102 foyers sont même devenus investisseurs dans le projet pour 250.000 € collectés, avec un plafond d’investissement de 5.000 € et un taux de rendement de 6% (soit le double du livret A).

Le Maire de Marsanne a présenté son initiative sur scène au Théâtre de la Madeleine à l’occasion de la grande soirée de la Fédération Française des Trucs qui Marchent

La collecte va permettre de contribuer au financement du remplacement de deux éoliennes sur les huit que compte le parc. « Lors des prochains travaux, il y a de fortes chances qu’on reconduise l’opération. À terme, notre village de 1.300 habitants produira 60% de la consommation d’électricité des 67.000 habitants de l’agglomération. » Au-delà de la rentabilité du placement, le financement participatif a été « un bon moyen d’impliquer les habitants et de leur faire s’approprier le site reconnait le maire. Aujourd’hui les gens disent même qu’ils vont ‘se balader aux éolienne’. »

À Brest, la nouvelle ligne de tramway dépasse les objectifs de collecte

Atteindre le million d’euros de collecte auprès des citoyens ? C’est le pari presque gagné par la Ville de Brest et son projet « Mon Réseau Grandit » dont le montant total des investissements atteint 230 millions d’euros. Il s’agit de développer deux nouvelles lignes structurantes de transport en commun sur son territoire. D’ici 2026, le réseau de transport public sera doté d’une deuxième ligne de tramway et d’une ligne de BHNS desservie par des bus articulés électriques. Ce projet s’accompagne de la création de nouveaux PEM (pôles d’échanges multimodaux), d’un couloir de bus supplémentaire, de l’aménagement de 12 kilomètres de pistes cyclables et d’une extension du centre de maintenance des rames de tramway. Brest Métropole indique que ce financement participatif doit permettre de renforcer l’intégration paysagère des aménagements de transports et d’améliorer le cadre de vie à travers des ambiances végétales apaisantes.

« Ce n’est pas parce que la ville a des difficultés à emprunter qu’elle lance un financement participatif, explique Yann Guével, vice-président chargé des finances à la métropole de Brest. Sur les 220 millions de budget nécessaires pour construire la deuxième ligne de tram et la ligne de bus à haut niveau de service, un million sera financé par le grand public. Cette forme d’investissement permet aux citoyens d’être actifs dans le développement de leur ville, et il concerne un projet décisif sur la transition de notre territoire. »

Si l’investissement citoyen ne représente qu’une infime partie du financement, il permet aux habitants d’épargner et de contribuer à cet objectif citoyen avec des conditions avantageuses (à condition que l’inflation ne s’envole pas) : 4% de taux d’intérêt annuel pour une durée de 60 mois et un investissement maximum de 10.000 €.

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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