Villes moyennes : la méthode de Saint-Dizier pour booster son attractivité
À l’occasion de notre série « Villes moyennes, le nouvel eldorado ? », nous avons rencontré Quentin Brière, maire de Saint-Dizier. Le jeune édile de cette commune de 23 000 habitants dans la Haute-Marne analyse l’évolution de l’attractivité de son territoire et dévoile sa stratégie pour l’amplifier dans les années à venir.
Après plus d’une année de crise sanitaire marquée par des confinements successifs, comment évolue l’attractivité de votre territoire ?
Nous percevons un frémissement avec l’arrivée de personnes en provenance des métropoles et de nouvelles marques d’intérêt qui se ressentent dans les recrutements, les achats de résidences principales ou secondaires… Au niveau économique, 30 nouveaux projets sont traités depuis le début de l’année sur notre territoire (18 projets endogènes et 12 exogènes). C’est un rythme que nous n’avons plus connu depuis bien longtemps. Toutefois ce sont des signaux faibles et nombreux sont ceux qui se demandent si le phénomène est conjoncturel ou structurel.
Quelle est votre conviction ?
Le regain d’attractivité des villes moyennes est un phénomène structurel qui a été accéléré par la crise sanitaire. Le sujet était régulièrement évoqué devant l’impasse écologique dans lesquelles se trouvent les métropoles. Selon l’édition 2019 du baromètre des Territoires Ipsos-Villes de France par exemple, 43% des Français indiquaient qu’ils iraient habiter dans une ville moyenne s’ils avaient le choix, 35% une commune rurale et 22% seulement une grande ville. J’ai moi-même été élu maire en juin 2020 sur le slogan « Avec vous, Saint-Dizier a de l’avenir » qui fait écho à ce regain d’attractivité pour les villes moyennes. Pour éviter que cette accélération du phénomène ne soit suivie d’un brusque coup de frein, les élus des villes moyennes doivent plus que jamais réunir toutes les conditions pour l’amplifier.
Justement, quelles politiques déployez-vous pour accompagner ce mouvement ?
Plusieurs briques doivent être considérées dans leur ensemble. La première consiste à désenclaver les villes moyennes. Nous faisons du lobbying auprès des autorités compétentes, notamment l’Etat, la Région et la SNCF, pour y parvenir. Ensuite nous travaillons sur l’attractivité touristique et économique. Nous cherchons notamment à révéler tout le potentiel du lac du Der. Conçu en 1974 comme un réservoir pour réguler les niveaux d’eau de la Marne qui alimente la Seine, il offre des paysages à couper le souffle sur 48 hectares et est bordé par des centaines d’hectares de forêts. Nous discutons avec des investisseurs pour en faire un vrai levier touristique à rayonnement régional voire national. Sur le volet économique, nous favorisons la coopération entre acteurs économiques pour créer les conditions du renouveau. Pour ce faire, nous avons déployé entre autres une charte d’engagement territorial. Nous misons sur l’enracinement local des entreprises comme valeur ajoutée différenciante grâce à différents leviers (mécénat de compétences, contributions financières, accueil de stagiaires…). Nous leur permettons ainsi de valoriser leur image et de faciliter les échanges entre elles. Nous établissons un rapport gagnant-gagnant pour le monde économique et pour Saint-Dizier. Nous travaillons par exemple dans ce cadre à la mise en place d’un ensemble qui réunira un incubateur, une pépinière d’entreprises, une couveuse et un centre de formation autour des métiers des médias et de l’image.
« Faire de Saint-Dizier un territoire bas carbone renforcera l’attractivité de la ville »
Les villes moyennes sont plébiscitées par les Français pour la qualité de vie qu’elles offrent. Comment travaillez-vous à l’améliorer dans votre commune ?
C’est une autre brique essentielle dans notre stratégie globale pour amplifier l’attractivité de Saint-Dizier. Nous intervenons en particulier au niveau du centre-ville pour révéler l’identité patrimoniale et géographique de notre territoire en réalisant des aménagements pour renouer le lien entre les Bragards et l’eau, en accompagnant la mise en valeur des maisons anciennes… En parallèle, nous densifions les commerces, les loisirs, l’offre de restauration et de culture. Nous maitrisons plusieurs dizaines de milliers de mètres carrés de fonciers qui nous permettent d’avoir la main sur le développement du cœur de notre territoire. Nous sommes également propriétaires d’une quinzaine de bâtiments de taille importante dans cette zone centrale. Pour donner une seconde vie à ces ensembles, nous avons lancé la démarche « Révéler Saint-Dizier » afin de mobiliser les porteurs de projets locaux et d’attirer des investisseurs privés. Nous agissons également sur l’habitat en luttant contre la vacance et en mettant en place une équipe d’architectes, d’artisans et de bureaux d’études qui accompagneront tout porteur de projet souhaitant rénover son logement dans les prochaines années.
Comment comptez-vous faire de Saint-Dizier un territoire bas carbone ?
Je ne peux pas penser ma ville aujourd’hui sans veiller à ce que tous les investissements réalisés permettent à Saint-Dizier de devenir un territoire bas carbone d’ici 2050. La rénovation de l’habitat est un levier, tout comme le volet énergie avec notamment le raccordement de notre chaufferie biomasse à un maximum d’équipement et l’aménagement d’îlots de fraicheur. Cette exemplarité renforcera l’attractivité de la ville.
Comment va évoluer dans le temps le regain d’attractivité observé aujourd’hui pour les villes moyennes selon vous ?
La plupart des maires de villes moyennes ont conscience de l’importance de mettre en valeur leur territoire et se mobilisent en ce sens. Une volonté qui se couple avec le désir des Français de vivre dans des villes à taille humaine. Les villes moyennes ont tous les atouts pour donner à la France une chance de renouveau. En revanche, un ingrédient manque : l’engagement de l’Etat à déployer les infrastructures stratégiques et l’offre de services essentiels pour permettre à nos villes d’exister. En garantissant cet accompagnement dans le temps, la puissance publique enverra un signal fort aux investisseurs privés qui verront une opportunité gigantesque à prendre position dans les villes moyennes et non plus un risque comme aujourd’hui.
Crédits photographiques : ©Ville de Saint-Dizier