Le cœur des villes moyennes au centre de toutes les attentions
Après la crise du coronavirus, les Français ont été nombreux à vouloir quitter les grandes agglomérations, jugées trop denses. Certaines villes sont néanmoins parvenues à tirer leur épingle du jeu : les villes moyennes et leurs centres, qui n’ont jamais été aussi désirables qu’au cours de cette période.
La revanche des villes moyennes
Et si la crise du coronavirus avait rebattu les cartes du territoire en faveur des villes moyennes ? Après plusieurs semaines de confinement, ces villes moins densément peuplées que les grandes agglomérations mettent en avant leurs atouts. Et ça marche. Selon un sondage Ifop, publié à l’occasion des rencontres d’ACV (Action Cœur de Ville), 84% des Français choisiraient de vivre dans une ville moyenne s’ils en avaient la possibilité. Les trentenaires urbains sont particulièrement intéressés par ces villes intermédiaires. Plus d’un tiers des jeunes actifs de moins de 35 ans vivant dans les métropoles souhaiterait y déménager. Objectif, retrouver du lien dans des villes à taille humaine ou accéder à un marché immobilier moins tendu. La distanciation sociale rendue nécessaire par l’épidémie semble également plus facilement réalisable en dehors des grandes villes.
Jusqu’ici délaissées par les politiques d’urbanisation, les villes de 20.000 à 100.000 habitants voient progressivement leur cote augmenter. Leurs maires, qui perçoivent un regain d’intérêt, mettent en avant un cadre de vie agréable, une proximité avec la nature, un foncier moins onéreux ou encore des déplacements facilités puisque tout peut se faire à pied. L’essor du télétravail et le renforcement des lignes de TGV qui relient la capitale aux régions pourraient finir d’encourager les citadins qui hésitent à déserter les grandes métropoles. Théorisée par le géographe Christophe Guilluy en 2014 dans son ouvrage La France périphérique, la scission entre deux France – celle des métropoles mondialisées et celle des petites et moyennes villes – pourrait bien devenir caduque.
Une tendance qui n’est pas nouvelle
Si la crise de la Covid-19 a rebattu les cartes en faveur des villes intermédiaires, l’attrait pour ces agglomérations ne date pas des derniers mois. En décembre 2017, le Plan Action Cœur de Ville était lancé en grandes pompes pour revitaliser les centres des villes moyennes et y réinstaller habitants et services. À l’aide de ce dispositif, la Caisse des Dépôts et Consignations doit racheter les commerces désertés pour les rénover et les louer à des prix attractifs. Trois ans après son lancement, le programme, dont le déploiement est prévu sur cinq ans, vient d’être amplifié. Alors que 6.000 achats étaient déjà prévus, le ministère de l’Économie et des Finances vient d’annoncer qu’il souhaite grimper à 10.000 nouveaux baux. Le fait de redonner un second souffle aux commerces de proximité devrait permettre de favoriser la vie sociale et d’accroître la valeur foncière des biens en centre-ville.
Les différentes actions pilotées par les foncières et les collectivités territoriales concernent aussi bien le commerce que les services publics, le logement, l’urbanisme, les mobilités et la culture. Tous les moyens sont envisagés pour insuffler de la vie au cœur des villes. Certaines mesures, comme le recours aux managers de centres-villes ont déjà prouvé leur efficacité. Un nouveau plan de communication sera également déployé dans le courant de l’automne pour renforcer l’image du commerce de quartier et de l’artisanat notamment auprès des plus jeunes générations, habituées à réaliser leurs achats sur les pure players comme Amazon.
Des centres plus séduisants pour leurs habitants
Redynamiser les centres-villes, c’est réintégrer toutes ces villes dans l’échiquier national, leur donner un cachet, une originalité et enfin pousser les habitants à réinvestir leurs villes. « On a des commerçants, on redéfinit de l’espace public. Les gens, du coup, trouvent le centre-ville joli et se réinstallent en centre-ville« , détaille le maire de Dreux sur Europe 1, Pierre-Frédéric Billet. Le plan est en effet déjà en place à Dreux où l’État a investi 800.000 euros cette année et compte investir deux millions de plus l’année prochaine. Autre exemple réussi, le centre-ville de Mulhouse qui est devenu l’un des plus attractifs de France avec un taux de vacance commerciale qui a baissé de 44% entre 2011 et 2018. Cette nouvelle politique urbaine devrait faire rayonner la France périphérique à l’heure où le travail, de plus en plus flexible, devrait permettre de réinvestir des régions moins bien dotées en terme d’emploi.
Preuve que les villes moyennes attirent, le tout premier baromètre à leur être consacré réalisé par le Conseil supérieur du notariat (CSN) et ACV nous apprend que les ventes de logements anciens y ont augmenté de 10% en moyenne entre 2018 et 2019.
Une réflexion sur les grandes surfaces
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Autre sujet majeur pour ces villes : la concurrence entre centres et grandes surfaces situées en périphérie. Dans les cartons depuis 2017, la question d’un moratoire sur les zones commerciales a été remise sur le devant de la scène cet été par la Convention Citoyenne pour le climat. A l’époque, le maire de Cahors Jean-Marc Vayssouze-Faure affirmait que “tout ce qui peut s’installer en ville n’a rien à faire en périphérie”. Un projet de loi devrait être voté d’ici la fin de l’année pour lutter contre l’implémentation de nouvelles galeries marchandes en zone périurbaine. La raison ? Ces centres périurbains sont accusés de détruire le tissu économique et social des petites villes. L’encadrement des zones commerciales permettrait de limiter l’artificialisation des sols dû à l’étalement urbain et la désertification des centres-villes mais aussi de protéger les terres agricoles. Pour l’heure, rien ne dit si le texte s’appliquera uniquement aux créations ou contraindra aussi les extensions et rénovations des centres commerciaux existants. À Carcassonne, au moins un des quatre centres commerciaux devrait être fermé selon le député LREM Patrick Vignal, qui soutient l’idée du moratoire.
Le développement du cœur des villes pourrait contribuer à renforcer l’intérêt des habitants en quête d’une vie plus agréable et de commerces uniques, loin de la standardisation des centres commerciaux en perte de vitesse.