
Logements, transports, éducation : « l’opération séduction » du Cotentin
Des milliers d’emplois à pourvoir et un cadre de vie préservé : le Cotentin cherche à attirer de nouveaux habitants. Pour y parvenir, le territoire doit relever plusieurs défis afin de renforcer son attractivité.
À RETENIR
- Le Cotentin bénéficie d’un dynamisme économique exceptionnel, porté par les secteurs de l’énergie, de la construction navale et du transport maritime, avec 25 000 emplois prévus d’ici 2040.
- L’attractivité du Cotentin est freinée par une mobilité insuffisante : temps de trajet ferroviaire trop long vers Paris, ligne Caen – Cherbourg peu optimisée et aéroport sous-exploité.
- Malgré un marché immobilier abordable, la pénurie de logements s’aggrave, et les élus peinent à densifier les centres par crainte de nuire à l’identité paysagère.
- Pour attirer de nouveaux habitants, les priorités incluent l’amélioration des transports, la diversification du logement, et le doublement du nombre d’étudiants d’ici 2030.
Avec moins de 5 % de chômage, des industries de pointe dans les secteurs de l’énergie, la construction navale ou l’agroalimentaire, et des milliers d’emplois annoncés d’ici 2040, le Cotentin semble avoir tous les atouts pour séduire. Pourtant, il peine à attirer de nouveaux habitants. Mobilité, logement, aménagement de ce territoire presqu’îlien: plusieurs obstacles freinent l’attractivité du Cotentin et compliquent son développement.
Un territoire économiquement florissant
Le Cotentin est un cas à part en France. Alors que de nombreux bassins industriels ont connu des crises successives, la région a maintenu une dynamique impressionnante. Entre les activités nucléaires d’EDF, d’Orano et LM Wind Power, la construction navale avec Naval Group et les CMN, et un port en pleine expansion, l’emploi ne manque pas. Depuis le Brexit, le trafic maritime avec l’Irlande a même triplé, renforçant encore le rôle stratégique du territoire. Et ce n’est pas fini : 25 000 nouveaux emplois seront créés d’ici 2040, notamment avec le doublement de l’usine Orano et la montée en puissance de l’industrie navale. « Ça n’existe pas dans beaucoup d’autres territoires nationaux et l’ambition de développement équilibré de ce bout du monde est un défi d’aménagement du territoire exaltant », souligne Jean-Raphaël Nicolini, directeur de l’Habitat, de l’Urbanisme et du Foncier de la communauté d’agglomération du Cotentin.
Un enjeu de mobilité pour l’attractivité du cotentin
Si le Cotentin peine encore à séduire, un plan d’action est en cours pour lever les freins à son attractivité. Situé à l’extrémité de la Normandie, il souffre d’un manque de liaisons rapides avec Paris et les grandes villes alentours (Caen, Le Havre et Rennes). « En train, le trajet entre Cherbourg et la capitale dépasse encore 3 h 10 », se désole Jean-Raphaël Nicolini. Les transports en commun évoluent progressivement. Le réseau Cap Cotentin, qui inclut des bus et des transports à la demande, a été renforcé, et un BNG (Bus nouvelle génération) a été inauguré en avril dernier, requalifiant dans le même temps l’espace public de Cherbourg-en-Cotentin avec une large place à la mobilité douce. Mais ces avancées ne suffisent pas. Le train reste un défi majeur. Si la ligne Cherbourg – Paris a été modernisée, elle n’a gagné que quelques minutes en plusieurs décennies. La liaison entre Caen et Cherbourg, elle, reste lente et peu optimisée. À cela s’ajoute un aéroport sous-exploité, malgré sa capacité à accueillir des vols internationaux.
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Un marché immobilier en mutation
Autre paradoxe du Cotentin : des prix de l’immobilier bas, mais un marché en pleine transition. À Cherbourg-en-Cotentin, l’ancien stagne sous les 3 000 €/m², ce qui attire peu les investisseurs. Seuls quelques programmes neufs en bord de mer ou en centre-ville commencent à dépasser les 4 000 €/m², avec des pointes à 6 000 €/m² pour des biens d’exception.
Malgré ces prix pour la plupart accessibles, la pénurie de logements devient un enjeu clé. Avec la croissance démographique attendue, le territoire devra construire au moins 4 600 logements d’ici 2027. Mais la réalité est plus complexe : la demande explose, notamment à cause du desserrement des ménages post-Covid, et les élus hésitent à densifier les centres-bourgs par crainte de dénaturer le paysage.
« On peut monter à du R+2, R+3 sans dénaturer la qualité du paysage et de l’environnement », explique Jean-Raphaël Nicolini. Mais la crainte persiste : « Tout de suite, on entend dire : “On ne veut pas de tours, on ne veut pas de barres”, en référence aux HLM des années 60. » Ainsi, une charte paysagère est en cours d’élaboration avec les élus pour garantir des constructions adaptées à l’identité du territoire.
Les élus du territoire en sont conscients : le Cotentin doit renforcer son attractivité pour séduire. L’amélioration des transports, la diversification de l’offre de logements et le développement de l’enseignement supérieur sont au cœur des priorités. L’ambition est forte : doubler le nombre d’étudiants d’ici 2030, attirer de nouvelles familles et offrir un cadre de vie moderne tout en préservant l’identité du territoire. « Nous devons garantir une hyper-qualité de l’habitat pour convaincre de venir habiter une presqu’île à l’hyper-qualité paysagère », insiste Jean-Raphaël Nicolini.