Art urbain : une piste cyclable peinte comme une fresque graphique et colorée.
Publié le 18.04.23 - Temps de lecture : 3 minutes

Embellissement, vivre ensemble, sécurité… Tout ce que l’art urbain peut apporter à la ville

Communiquer de manière innovante, enrichir le patrimoine artistique de son territoire, changer les comportements des riverains… Les raisons qui motivent les pouvoirs publics à adopter la tendance de la peinture en ville vont bien au-delà de la pure esthétique. Décryptage.

Fresques murales géantes, aplats au sol, pochoirs sur des rideaux de commerces… La ville se transforme en terrain d’expression artistique, et ce n’est pas nouveau : de grandes métropoles américaines et de pays nordiques sont depuis plusieurs décennies associées à l’art urbain. À l’image d’autres mouvements culturels, comme le hip-hop, il était logique que de grandes œuvres à la bombe acrylique émergent et gagnent les villes. Ce qui est plus surprenant, en revanche, c’est que la tendance de la peinture en ville s’est répandue dans des agglomérations d’envergure plus modestes. Parfois à l’initiative des collectivités elles-mêmes. Un exemple ? Semur-en-Auxois (21), désireuse de développer la création contemporaine dans l’espace public, a sollicité en 2021 Ella & Pitr, un duo d’artistes, pour peindre le sol de l’esplanade de la Bague, qui fait le trait d’union entre la ville moderne et son cœur médiéval. “Il s’agissait d’une œuvre participative qui a motivé les Semurois, notamment des jeunes d’un centre social, à porter assistance pour sa réalisation. Grâce à cette œuvre, notre commune a pu bénéficier d’un véritable coup de projecteur et donner l’image d’une ville dynamique, audacieuse et ouverte sur le monde”, se félicite Jean-Claude Pernette, premier adjoint, en charge de la délégation culture et manifestations.

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De l’art urbain pour des retombées économiques

Favoriser le vivre-ensemble, amener le beau dans la ville, et créer du lien font effectivement figures d’objectifs revendiqués par l’art urbain ou street art, plus spécifiquement, pour l’art dans l’espace public, qui répond aux nouveaux enjeux en matière d’urbanisme. En effet, au-delà de l’aspect esthétique, il est un facteur d’attractivité et de retombées économiques. Ainsi, il n’est pas rare de voir la gouvernance de la ville donner carte-blanche à des annonceurs privés. Ce fut le cas à Bron (69), qui a accepté l’initiative d’Adidas : une fresque gigantesque de 400 m2 à l’effigie de Karim Benzema, originaire de la commune, inaugurée en novembre dernier. “Il y a d’une part un enjeu pour la ville d’être associée à la célébrité locale. D’autre part, comme c’est une publicité, elle donne droit à des taxes importantes”, analyse Quentin Clément de Colombières, cofondateur de Peint À la Main, la branche art urbain de la société Monsieur Peinture, qui a chapeauté le projet hommage au footballeur.


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Signe du boom de la demande en matière de peinture urbaine, certains projets associatifs se sont professionnalisés avec le temps, pour devenir de véritables entreprises chargées de promouvoir l’art dans la ville, en travaillant en symbiose avec acteurs publics, promoteurs, architectes, ou annonceurs. Pour preuve, citons l’exemple de la ville de Versailles, qui a engagé deux artistes, Grec et Ukrainien, pour réenchanter la gare de Versailles-Chantiers pendant toute la durée des travaux dont elle faisait l’objet. Sur une palissade de 300 m2, ils ont créé ensemble une œuvre murale qui s’inspire largement du patrimoine de la préfecture des Yvelines, le Roi Soleil en tête.

Se réapproprier l’espace public

Plus que séduire les élus, l’art urbain permet parfois d’impacter le comportement de leurs administrés. C’est, en effet, l’autre grand levier qui séduit les collectivités : la capacité de l’art urbain à agir comme électrochoc. À Lille, la place Jacques-Febvrier a vu son sol et une partie de ses façades d’immeubles se parer d’un bleu vif à l’été 2022. Autrefois gangrénée par le trafic et “les véhicules ventouses, ceux qui restent là à l’année”, selon Quentin Clément de Colombières, elle est redevenue un lieu de passage agréable et apaisé. “Cela s’est accompagné d’un plan d’urbanisme et d’une refonte de la circulation, mais la collectivité, à travers cette œuvre à la couleur tranchante, s’est en quelque sorte réappropriée l’espace public dans l’intérêt des habitants”, révèle le dirigeant de Peint À la Main, à l’origine de ce projet. À Blois (41), où la société a également agi sur initiative de la mairie, c’est au sol que la peinture s’est déclinée. Aux abords de diverses écoles primaires de la ville, des aplats géométriques colorés sont ainsi venus renforcer la signalisation. “Vous pouvez toujours mettre un dos d’âne ou une chicane près des établissements, ça produit du ralentissement, mais ça n’interpelle pas l’œil. Nous avons pris le pari qu’une peinture colorée et originale au sol affecterait dans le bon sens les comportements automobilistes, expose Benjamin Vételé, adjoint à l’éducation qui a suivi la réalisation artistique. À un objectif d’embellissement de la chaussée s’ajoutait une réponse à un besoin de politique publique.” Mission réussie : selon une enquête de proximité opérée par la municipalité, plus de 76 % des sondés du secteur Olympe de Gouges jugent que l’œuvre artistique a renforcé la sécurité des enfants, piétons et cyclistes, 65 % des parents d’élèves estiment avoir réduit d’eux-mêmes leur vitesse, et sont 95 % des riverains à plébisciter la fresque esthétiquement.

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