Gil Avérous, président de Villes de France et maire de Châteauroux revient sur les défis de la mobilité en zone urbaine.
Publié le 08.04.25 - Temps de lecture : 4 minutes

Gil Avérous : « Penser l’aménagement urbain ne peut plus se faire sans une vision globale des déplacements »

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La mobilité est au cœur des enjeux d’attractivité et d’aménagement des territoires. Gil Avérous, président de Villes de France et maire de Châteauroux revient sur les défis de la mobilité en zone urbaine, et périurbaine, et sur les leviers pour mieux concilier accessibilité et enjeux environnementaux.

À RETENIR

  • Gil Avérous, président de Villes de France et maire de Châteauroux souligne que l’urbanisme doit intégrer une vision globale des déplacements, en favorisant la mixité des usages et les mobilités douces pour réduire les distances quotidiennes et répondre aux enjeux environnementaux. 
  • L’aménagement de nouveaux espaces comme les friches requiert un équilibre entre réduction de la place de la voiture et développement d’infrastructures attractives pour les mobilités alternatives (pistes cyclables, parkings relais, bornes de recharge). 
  • En zone périurbaine, les restrictions (comme les ZFE) risquent de creuser les inégalités si elles ne s’accompagnent pas d’alternatives crédibles telles que des navettes efficaces et des parkings bien connectés. 
  • À Châteauroux, la gratuité des transports en commun a fortement accru leur usage et favorisé le dynamisme économique local ; la ville développe désormais des solutions de transport autonome pour compléter l’offre existante. 

 

Comment intégrer la réflexion sur les transports dans la construction urbaine ? 

Gil Avérous : La mobilité est aujourd’hui une préoccupation essentielle pour les élus locaux. Avec l’essor du vélo électrique, de la trottinette et l’amélioration des transports en commun, une véritable culture du transport s’installe dans nos villes. Pourtant, le sujet reste un point de tension majeur, en particulier dans les territoires ruraux où les déplacements restent contraignants. Les entreprises sont également concernées, le recrutement étant souvent freiné par la question des trajets domicile-travail. Désormais, ce sont les employeurs qui démarchent les salariés, et la capacité à rejoindre facilement un lieu de travail devient un critère clé. Cette problématique est en grande partie héritée de choix d’aménagement datant de plusieurs décennies. La spécialisation des espaces – zones commerciales, industrielles et résidentielles distinctes – a multiplié les déplacements quotidiens. Il devient nécessaire de repenser la ville en intégrant une mixité des usages : rapprocher les logements des zones d’activité économique, réintroduire des commerces et services de proximité. Les infrastructures doivent aussi s’adapter. L’essor des mobilités douces impose la création de pistes cyclables sécurisées, un enjeu encore trop peu pris en compte par le passé. Parallèlement, les villes doivent composer avec la transition énergétique et le développement des véhicules électriques, en aménageant des parcs-relais et en anticipant les restrictions liées aux Zones à Faibles Émissions (ZFE). Aujourd’hui penser l’aménagement urbain ne peut plus se faire sans une vision globale des déplacements. Où habite-t-on ? Où travaille-t-on ? Où consomme-t-on ? Répondre à ces questions est devenu indispensable pour construire la ville de demain. 

Quels sont les atouts et les faiblesses des nouveaux espaces de construction, comme les friches par exemple, en matière d’accessibilité ? 

Gil Avérous : L’aménagement des nouveaux espaces de logement – qu’il s’agisse de zones d’activité transformées ou de friches réhabilitées – nécessite une véritable expertise. Les élus doivent jongler avec des impératifs parfois contradictoires : sécuriser les mobilités douces en aménageant des pistes cyclables tout en veillant à la végétalisation des espaces, réduire la place de la voiture sans pour autant la bannir, surtout en zone rurale où elle reste indispensable. Les solutions existent. Des organismes comme le CEREMA apportent leur expertise pour concilier circulation fluide, espaces verts et infrastructures adaptées aux transports alternatifs. Les parkings relais et les aires de covoiturage deviennent incontournables pour encourager le passage de la voiture individuelle aux transports collectifs. Mais encore faut-il que ces infrastructures soient attractives : sécurité, accessibilité, gratuité et bornes de recharge pour véhicules électriques sont des critères essentiels. Le changement des habitudes passe aussi par des incitations financières. Le covoiturage, par exemple, bénéficie désormais de dispositifs d’aide au niveau national et local, encourageant les salariés à partager leurs trajets. Comme pour les pistes cyclables, il faut d’abord investir avant d’observer un réel changement des comportements. C’est une transformation progressive, particulièrement en milieu rural, où la culture de l’auto-solisme reste bien ancrée. L’enjeu est donc d’anticiper ces évolutions en aménageant des infrastructures adaptées, tout en menant des politiques incitatives. Car sans offre adaptée, la demande ne suit pas. 

 Imposer des restrictions sans offrir d’alternative crédible ne fera qu’accroître le sentiment d’exclusion » 

Comment répondre aux défis de mobilité en zone périurbaine ? 

Gil Avérous : La mobilité en périurbain est un enjeu majeur, souvent mal pris en compte par les mesures nationales. Les Zones à Faibles Émissions (ZFE), par exemple, sont perçues comme une contrainte pour les habitants de ces territoires, qui dépendent de leur voiture pour se rendre en ville. Beaucoup possèdent encore des véhicules diesel, achetés pour leur durabilité et leur coût à l’époque, et vivent les restrictions comme une sanction. La demande de transports en commun existe, mais en zones périurbaines, ils ne peuvent pas être aussi fréquents qu’en ville. Leur coût est élevé, et les lignes ne desservent pas toujours les lieux où les habitants en ont réellement besoin. Pour la grande majorité des usagers, ce ne sera jamais une alternative viable. La solution réside donc dans l’optimisation des derniers kilomètres. Il faut des parkings-relais bien situés, équipés et sécurisés, combinés à des navettes à haute fréquence, rapides et quasiment gratuites. Sans cela, imposer des restrictions sans offrir d’alternative crédible ne fera qu’accroître le sentiment d’exclusion des habitants du périurbain. 


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Comment Châteauroux mise sur les mobilités pour renforcer son attractivité ? 

Gil Avérous : À Châteauroux, la mobilité a toujours été un levier d’attractivité et de développement économique. Dès son arrivée à la mairie, mon prédécesseur a instauré la gratuité des bus. À l’époque, la fréquentation était deux fois inférieure à la moyenne nationale, alors que les coûts fixes du réseau restaient les mêmes. Résultat : en rendant les bus gratuits, leur usage a été multiplié par 3,5, nécessitant presque un doublement du parc. Ce choix s’est révélé gagnant à plusieurs niveaux. D’abord pour le pouvoir d’achat des habitants, mais aussi pour les entreprises locales. Les horaires ont été adaptés aux besoins des salariés, avec des dessertes fréquentes des zones d’activité, ce qui facilite le recrutement. Enfin, sur le plan commercial, le réseau en étoile, dont le cœur est en centre-ville, génère un flux de clientèle supplémentaire pour les commerces. Toujours dans cette logique d’innovation, nous travaillons aujourd’hui avec Keolis et Renault sur des solutions de transport autonome. Châteauroux a la chance d’accueillir le centre national d’essai de mobilité autonome de Keolis, où sont testés différents modèles, des navettes aux bus de grande capacité. Dès l’an prochain, une expérimentation en conditions réelles sera lancée : un mini-bus autonome, sans opérateur à bord, circulera entre la gare et le centre aquatique. L’objectif n’est pas de remplacer les chauffeurs de bus, mais d’ajouter un service complémentaire, que nous n’aurions pas pu financer autrement.  

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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