Entretien avec Patrick Bayeux, consultant, enseignant-chercheur et docteur en sciences de gestion
Publié le 11.02.25 - Temps de lecture : 4 minutes

Entretien avec Patrick Bayeux, consultant, enseignant-chercheur et docteur en sciences de gestion

Dans cet entretien, Patrick Bayeux nous explique comment il accompagne les collectivités dans la mise en œuvre de politiques publiques adaptées aux nouveaux enjeux de la pratique physique et sportive. En se concentrant sur les sujets de gouvernance du sport au niveau national et local, l’auteur de Décideurs du sport donne des clés de lecture pour mieux anticiper les évolutions et optimiser leurs projets.  

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À RETENIR 

  • Patrick Bayeux aide les collectivités à définir et mettre en œuvre des politiques publiques sportives adaptées, en intégrant la gouvernance du sport, l’économie des infrastructures et les montages juridiques complexes. 
  • Il intervient sur le diagnostic territorial, l’élaboration de schémas directeurs d’équipements sportifs et la définition des grandes orientations politiques pour optimiser la répartition des compétences et les investissements. 
  • Il préconise un urbanisme inclusif, une accessibilité optimisée, la mixité des usages et la réduction de l’impact environnemental pour améliorer l’intégration du sport dans les territoires, avec des exemples réussis comme la Cité des Sports d’Issy-les-Moulineaux. 
  • Il défend l’intégration du sport dans toutes les politiques publiques (urbanisme, éducation, santé, inclusion, économie), en développant des infrastructures favorisant l’activité physique et des solutions numériques pour renforcer l’accessibilité et la motivation des habitants. 

Envies de Ville : Consultant, enseignant-chercheur, docteur en sciences de gestion, pouvez-vous nous présenter votre activité aujourd’hui ? 

Patrick Bayeux : Mon activité se situe à l’intersection du sport, des équipements et aménagements sportifs et des politiques publiques territoriales. J’accompagne principalement les collectivités dans la définition et la mise en œuvre de politiques publiques adaptées aux nouveaux enjeux de la pratique physique et sportive et également dans des études de faisabilité et de programmation d’équipements sportifs.  

En tant qu’enseignant-chercheur, je suis plus concentré sur les sujets de gouvernance du sport au niveau national et local en lien avec le processus décisionnel. Cette approche me permet d’apporter aux décideurs des clés de lecture pour mieux anticiper les évolutions et optimiser leurs projets. 

En parallèle, je travaille sur l’élaboration de modèles économiques innovants et des montages juridiques complexes pour les infrastructures sportives, qui permettent d’optimiser leur usage tout en maîtrisant leur coût. La réflexion porte notamment sur les montages public-privé et de plus en plus privé-public.  

EDV : Le sport est une compétence partagée entre les collectivités territoriales. Comment accompagnez-vous les collectivités dans la mise en œuvre de leurs politiques sportives ? 

PB : La répartition des compétences en matière de sport peut parfois sembler complexe, entre l’État, les régions, les départements, les communes et les intercommunalités. Je plaide depuis très longtemps pour une répartition des compétences ou la désignation de chefs de files. C’est d’ailleurs une des propositions faites dans le rapport sur la nouvelle gouvernance du sport que j’ai rédigé avec Laurence Lefevre mais qui n’a pas été retenue, ce que je regrette. Le rapport a donné lieu à la création de l’Agence Nationale du sport et aux conférences régionales du sport dont la vocation selon moi était justement de clarifier ces compétences. Mais ce n’est pas la voie retenue, ce qu’a déploré depuis la cour des comptes. Dans ce contexte j’accompagne effectivement les collectivités à définir leurs politiques sportives.    

J’interviens sur plusieurs axes : 

  • Diagnostic territorial : analyser l’offre existante, identifier les besoins en équipements et en services, à partir de la population, des clubs et des scolaires. Ce diagnostic passe souvent par une analyse qualitative des équipements sportifs croisée avec de la DATA mais aussi des questionnaires à l’attention du public, des clubs sportifs et des focus groupe.  
  • Schéma directeur des équipements sportifs : il s’agit de définir à partir du diagnostic, des besoins, et des capacités financières de la collectivités un plan pluri annuel d’investissement qui concerne à la fois la maintenance du patrimoine sportif, sa modernisation et la construction de nouveaux équipements. Ces plans sont construits selon les collectivités sur 10 à 15 ans.  
  • Définition des grandes orientations politiques :  au regard du diagnostic et dans le cadre d’états généraux du sport ou d’assises du sport, il s’agit d’aider les collectivités à définir les grandes orientations politiques, à structurer une gouvernance efficace, mobiliser les différents leviers et favoriser la coopération entre acteurs publics et privés. 

EDV : Sport et aménagement : quels sont les bons leviers pour les penser, pour permettre de bons usages sur tous les territoires ? Pouvez-vous nous donner quelques exemples réussis selon vous ? 

PB : La réponse est différente selon qu’il s’agit d’un territoire urbain ou rural.  Mais globalement, un aménagement sportif réussi repose sur 4 idées clés  

  • L’urbanisme inclusif, qui permet d’encourager l’activité physique quotidienne. Il s’agit de concevoir des quartiers où les habitants sont naturellement incités à bouger : escaliers visibles et attractifs, parkings vélos sécurisés, parcours de course intégrée au mobilier urbain, espaces communs mutualisés pour le sport. Bien évidemment le design actif y a toute sa place.   
  • L’accessibilité est essentielle pour une optimisation des usages en particulier la journée : les infrastructures doivent être bien situées, facilement atteignables à pied, en transport en commun ou à vélo. La proximité avec les établissements scolaires est un facteur clé de réussite. 
  • La mixité des usages : un équipement ne doit pas être réservé à une seule catégorie de pratiquants mais permettre une diversité d’activités tout au long de la journée,  
  • L’optimisation des surfaces avec cette nécessité également de limiter au maximum l’impact environnemental de cette nouvelle génération d’équipements 

Les exemples qui me viennent spontanément en tête sont des exemples d’équipements réalisés en site contraint, et donc avec une conception sur plusieurs niveaux avec une offre publique et privée : la cité des sports à Issy les Moulineaux, le complexe sportif Mimoun à Rueil-Malmaison, la cathédrale des sports également à Bordeaux, ou encore le complexe Jacques Chirac à Montauban.  


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EDV : Que peut faire une ville pour favoriser la santé de tous via le sport ? 

PB : Une ville a plusieurs leviers d’action pour favoriser l’activité physique et sportive comme outil de santé publique, mais ce qui me semble fondamental, c’est de mettre le sport au cœur des politiques publiques. Le sport est trop souvent perçu comme un outil « couteau suisse » que l’on sort quand on souhaite répondre à un problème. Je pense que le sport, au sens large, doit être intégré dans toutes les dimensions de l’action publique : urbanisme, éducation, santé, aménagement, mobilité, inclusion, …  

Tout d’abord, une ville doit inscrire l’activité physique dans son urbanisme : créer des espaces favorisant le mouvement au quotidien (parcours santé, mobilier urbain interactif, voies piétonnes et cyclables connectées). 

Il doit être bien évidemment présent dans les politiques de santé publique, d’éducation, d’inclusion en développant des programmes de sport-santé et en renforçant son rôle dans la cohésion sociale. L’objectif est de rendre la pratique accessible à tous, dès le plus jeune âge. 

Mais le sport, toujours dans une acception large, est aussi présent comme levier économique et culturel. Selon les territoires, il a vocation à avoir un impact sur le tourisme, l’événementiel et le dynamisme des quartiers de la ville renforcer l’attractivité urbaine. 

Et enfin, la dimension numérique est importante pour améliorer l’accessibilité aux pratiques, la gestion des infrastructures. Il s’agit de mieux informer les habitants tout en les motivant.  

Tout ceci nécessite de penser différemment les politiques publiques pour faire du Sport une inspiration, un mode de vie et favoriser ses externalités positives.  

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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