« Ne pas innover, c’est risquer de se faire déclasser »
Jean-Luc Porcedo, directeur général de Nexity Transformation des Territoires et président de Nexity Villes & Projets, décrypte les enjeux et le rôle du partenariat public-privé autour du thème de l’innovation, devenue essentielle pour les élus locaux.
À RETENIR
- Les élus doivent constamment innover pour répondre aux attentes variables des administrés, que ce soit par des ajustements organisationnels (ex. gestion urbaine de proximité) ou techniques (ex. éclairage public adapté aux déplacements).
- La proximité avec les citoyens permet aux collectivités de tester et d’ajuster des solutions innovantes, ce qui renforce leur attractivité économique et touristique, tout en promouvant une identité locale forte.
- Des projets comme la reconversion d’un moulin en centrale électrique ou l’autopartage en zone rurale montrent que l’innovation locale, même à petite échelle, est essentielle pour maintenir l’attractivité des territoires.
- Les entreprises privées, comme Nexity, accompagnent les élus avec des solutions concrètes (ex. immeuble Ywood, béton de chanvre, réversibilité des bâtiments), permettant aux collectivités d’intégrer des innovations utiles et durables dans leurs politiques
Comment et pourquoi les élus ont-ils en permanence la nécessité d’innover ?
Jean-Luc Porcedo : Les élus ont la nécessité de s’adapter à l’évolution des demandes de leurs administrés, et l’innovation est l’un des moyens de répondre à ces attentes. Par exemple, la gestion urbaine de proximité, mise en place dans certaines villes comme Nantes dans les années 1980-1990, illustre bien cette approche. Il s’agit d’une organisation municipale qui adapte ses services, par exemple en modifiant les horaires d’ouverture de certains services publics, afin de mieux répondre aux contraintes de certaines populations. Ces innovations organisationnelles ou de fonctionnement permettent d’ajuster les services publics aux réalités locales et deviennent fréquemment des pratiques pérennes. L’innovation peut aussi être technique, comme c’est le cas avec la gestion de l’éclairage public, qui s’adapte aux déplacements des habitants pour concilier sécurité et sobriété énergétique. L’innovation, c’est un devoir pour les collectivités. Un devoir qui s’accompagne d’un droit : celui à l’échec, bien sûr.
Pourquoi l’échelle locale est-elle propice à l’innovation et à la créativité, et comment bénéficient-elles aux habitants ?
Jean-Luc Porcedo : Les collectivités, en étant directement connectées aux besoins des habitants, peuvent plus facilement tester et ajuster des solutions innovantes. Une ville innovante, par exemple en matière de mobilité douce, devient soudain un modèle à suivre, ce qui accroît sa visibilité à travers les réseaux de villes et les médias, parfois même au-delà des frontières nationales. Cela contribue à son attractivité, sur le plan tant économique que touristique. Innover devient alors un moyen de défendre et de promouvoir l’identité de sa ville. Mais pour avoir un impact réel, l’innovation, qu’elle soit sociale, urbaine ou de fonctionnement, doit être visible et bénéficier aux citoyens. Une innovation confinée à un laboratoire n’aura aucun effet si elle ne trouve pas d’application concrète.
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Quels sont les sujets dont peuvent se saisir les élus ?
Jean-Luc Porcedo : Aujourd’hui, les moteurs de l’innovation et des transformations sont davantage ancrés dans les collectivités locales et régionales, tandis que l’État centralisé joue un rôle moins direct. C’est un mouvement qui s’accélère depuis 15-20 ans, porté notamment par la révolution digitale qui propose des solutions au service de l’innovation des usages. Les élus s’approprient pleinement ces enjeux, en lançant des projets innovants qui transforment leur territoire. Par exemple, la reconversion d’un ancien moulin en mini centrale électrique ou l’utilisation de la chaleur générée par un data center pour chauffer une piscine municipale sont des initiatives locales remarquables. L’autopartage dans de petits villages est également une innovation majeure à l’échelle locale, prouvant l’engagement des élus à faire évoluer leur territoire. Ne pas innover, c’est perdre en attractivité et risquer de se faire déclasser, à l’ère du marketing territorial.
Il n’y a pas de taille critique pour innover quand l’innovation est pensée pour être directement utile à la vie quotidienne, garantissant ainsi sa pérennité.
Comment les entreprises privées peuvent-elles accompagner les élus dans leur quête de solutions ?
Jean-Luc Porcedo : Des projets comme « Essentiel » (un immeuble à très faible consommation d’énergie développé par Nexity) illustrent bien comment le secteur privé peut répondre aux enjeux climatiques grâce à l’innovation. Il est crucial que ces innovations soient adaptées aux besoins des collectivités, car elles peuvent ensuite les intégrer dans leurs politiques locales. Les entreprises privées apportent souvent des idées nouvelles qui sont ensuite adoptées par les collectivités. Par exemple, des concepts comme la chronotopie (gestion du temps dans l’espace public) ou le partage des parkings proviennent du secteur privé, mais offrent des bénéfices concrets pour les citoyens. Le besoin constant de recherche et de développement dans le privé est lié à leur positionnement concurrentiel, mais permet aussi de proposer des solutions innovantes aux collectivités. Les délégations de service public et d’autres formes de collaboration permettent de répondre ensemble aux enjeux locaux. Un exemple concret est la gestion de l’eau, qui est une compétence du public, pour laquelle le privé apporte des solutions techniques. Le bail réel solidaire (BRS) en est aussi un autre : impulsé par les élus, il est ensuite mis en œuvre par les opérateurs privés.
Pouvez-vous nous donner des exemples de la manière dont Nexity accompagne les élus pour innover ?
Jean-Luc Porcedo : Nexity accompagne les élus dans l’innovation en étant constamment en recherche appliquée, à travers des opérations qui sont autant de locomotives pour l’ensemble du groupe. Par exemple, le produit Ywood*, lancé en 2009, est aujourd’hui une référence en matière de construction en bois. Nexity explore des innovations qui, si elles sont efficaces, peuvent ensuite être généralisées à l’ensemble du groupe. Le bâtiment « Essentiel » qui sort de terre à Lyon Confluence pourrait à terme devenir un exemple, tout comme les techniques novatrices utilisées pour le village des athlètes, telles que le recours au béton de chanvre. Citons également l’immeuble Emblematik à Aubervilliers, qui repense la densité urbaine à travers l’architecture, en rendant la verticalité et la densité des espaces désirables. L’accompagnement de Nexity se voit aussi dans des initiatives comme la réversibilité des bâtiments, une réponse aux enjeux climatiques et aux évolutions des modes de vie. L’innovation, chez Nexity, est pensée pour être directement utile à la vie quotidienne, garantissant ainsi sa pérennité.
* Mode constructif léger en modulaire 2D mixant bois et béton : -40 % de CO2 par rapport à un immeuble classique en béton ; 10 à 15 mois de travaux vs 15 pour une construction classique