Vers un coup de frein à l’élan du vélo ?
Alors que la pratique du vélo connaît un essor sans précédent en France grâce à des initiatives législatives et des investissements ambitieux, cet élan risque d’être freiné par une diminution des financements publics et un désengagement de l’État.
Davantage de cyclistes mais pas assez d’infrastructures ? Rendre les déplacements à vélo possibles partout en France nécessite des aménagements pour permettre à chacun de se déplacer en toute sécurité. En forte progression depuis la pandémie de COVID 19, le développement de cette mobilité décarbonée se heurte à un recul des investissements consécutif au désengagement de l’Etat.
Depuis 2020, la révolution du vélo semble bien engagée en France. Toutes les planètes règlementaires étaient alignées. Le développement du vélo, à travers un meilleur partage de la voirie entre les modes de déplacement, a été l’un des grands acquis de la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) votée en 2020. Un Plan vélo, d’un montant de 2 milliards d’euros jusqu’en 2027, a permis de formaliser le soutien de l’Etat à ce mode actif, avec pour objectif de tripler sa part modale d’ici 2024. Et en avril dernier, l’Union européenne a adopté une déclaration reconnaissant le vélo comme un moyen de transport durable, accessible et abordable, à forte valeur ajoutée pour l’économie de l’UE. Le texte engage les villes européennes à promouvoir des réseaux cyclables sûrs et cohérents, à améliorer les liaisons avec les transports publics, à proposer des espaces de stationnement sécurisés et des points de recharge pour les vélos électriques. Avec des vents aussi favorables, la pratique du vélo s’est envolée. Selon Vélo et Territoires, la fréquentation cyclable en France, mesurée en nombre de passages de vélos, a augmenté de 37% entre 2019 et 2023, une croissance tirée en particulier par la pratique du vélo utilitaire en milieu urbain. A Paris, cette explosion des usages est visible à l’œil nu : la fréquentation des axes par les cyclistes a doublé, voire triplé à certains endroits, dépassant parfois celle de la voiture. A Bordeaux la part modale du vélo a doublé depuis 2009 et atteint désormais 10%, dans la métropole du Grand Lyon, le trafic cycliste annuel a augmenté de 54 %.
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Mais cette embellie pourrait aujourd’hui être freinée, dans un contexte politique et économique nettement moins porteur. A Paris, les 180 kilomètres annoncés du plan vélo de la capitale ne sont pas au rendez-vous, avec un tiers seulement des aménagements réalisés. En cause notamment, la complexité de l’espace public parisien, hyperdense et soumis à de multiples contraintes réglementaires. Plus largement, au niveau national, c’est le financement des aménagements cyclables qui est en péril. A l’occasion des Rencontres nationales de Vélo & Territoires de novembre dernier, le Gouvernement a en effet annoncé la suppression des financements pour le fonds vélo en 2024 et 2025. Avec la suspension des crédits 2024 alloués au fonds « mobilités actives », les 400 collectivités qui ont candidaté auprès du Fonds ne savent pas si elles pourront mener à bien leurs projets d’aménagements sécurisés. L’accompagnement de l’Etat peut en effet représenter jusqu’à 60% du budget de ces travaux. Sans ce soutien, des aménagements structurants, comme le périphérique vélo de Caen, une soixantaine de projets portés par 32 communes des Hauts-de-France et représentant un linéaire de plus de 168 kilomètres ou encore l’aménagement de la véloroute vallée de Somme entre Abbeville et Pont-Rémy n’auraient pas pu voir le jour.