Lutte contre les déserts alimentaires, cantines bio… comment les collectivités favorisent l’accès à une alimentation de qualité ?
Mettre dans l’assiette du bio dans les cantines, des produits durables et du local dans les assiettes des écoliers, sur le papier la loi Egalim a tout bon. Dans les faits, les objectifs imposés par ce texte entré en vigueur en 2022 ont du mal à faire leur entrée au menu.
À RETENIR
- La loi Egalim impose aux cantines depuis 2022 d’inclure 50% de produits durables, dont 20% de produits bio, avec une obligation renforcée en 2024 pour les viandes et poissons durables. Cependant, ces objectifs sont difficiles à atteindre en pratique.
- L’association « Un Plus Bio » identifie trois leviers pour maîtriser les coûts : sélectionner des produits saisonniers, réduire le gaspillage et introduire des menus végétariens pour limiter les dépenses en viande.
- L’Association des Maires de France demande une « exception alimentaire » à l’échelle européenne pour permettre un accès direct aux producteurs locaux et un meilleur accompagnement technique et financier pour les communes.
En France, depuis le 1er janvier 2022, la loi Egalim sur l’agriculture et l’alimentation, votée en 2018, exige que les cantines scolaires proposent aux enfants des repas comprenant 50% de produits bio et 20% de produits locaux. Un texte renforcé en 2021 par la loi “climat et résilience” avec un objectif d’au moins 50% de produits durables dont au moins 20% de produits biologiques. Depuis le 1er janvier 2024, la restauration collective d’établissements et d’entreprises publics doit proposer 100% des viandes et poissons durables.
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37% des villes proposent assez de bio dans leurs cantines
Dans les faits, ces objectifs sont bien difficiles à atteindre. Un rapport gouvernemental publié en mars 2024 montrait qu’au-delà des seules cantines, la restauration collective en général achetait seulement 27,5% de produits durables et de qualité et 13,1% de bio en 2022. Un chiffre néanmoins en progression par rapport à l’année précédente (+4,5%).
Pour les y aider, le projet alimentaire territorial (PAT) est un levier stratégique. Inscrit dans la législation depuis 2014, il permet de structurer l’économie agricole locale, tout en renforçant la qualité de l’alimentation. Élaboré de manière concertée entre producteurs, collectivités et acteurs locaux, le PAT vise à promouvoir une agriculture de proximité et à garantir la souveraineté alimentaire, en misant sur des circuits courts, la durabilité et la lutte contre le gaspillage. En favorisant l’autonomie alimentaire et le développement de l’agriculture urbaine, notamment dans les zones densément peuplées, il contribue à une transition vers un modèle plus résilient et respectueux de l’environnement.
Retour sur les bancs de l’école. En juin 2024, une enquête de l’AMF (Association des Maires de France) montrait que 82% des enfants scolarisés étaient demi-pensionnaires. Un plébiscite de la part des parents attachés à ce service public qui donne du fil à retordre aux élus. Si 90% des cantines parviennent à proposer un menu végétarien, 62% à réduire l’usage du plastique, 72% à lutter contre le gaspillage alimentaire, elles ne sont que 18% à respecter le 50% de produits durables dont 20% de bio. Seules 37% d’entre elles respectent le seul seuil du bio. En cause, les difficultés d’approvisionnement en produits de qualité et durables à cause de leur coût pour 56% des répondants, mais aussi des contraintes logistiques.
“Lorsque l’on regarde les communes qui y sont parvenues, on se rend compte qu’il y a eu une vraie volonté politique à défendre le bio en conseil municipal. Surtout face à des idées reçues autour d’un supposé coût plus élevé du bio par rapport au conventionnel”, explique Juliette Baudet,chargée de l’Observatoire des Paysages alimentaires au sein de l’association nationale “Un Plus Bio” qui anime un réseau de collectivités locales engagées pour le changement dans les pratiques alimentaires, notamment dans la restauration collective.
Pour aider les collectivités ou les acteurs privés, Ecoceaty, qui se présente comme un « développeur d’écosystèmes alimentaires durables » , mise sur l’alimentation pour favoriser la cohésion au cœur des projets urbains, dans les écoles mais pas que. Le but ? Favoriser des transitions sociales, environnementales et économiques en s’appuyant sur l’alimentation de qualité. L’entreprise accompagne les collectivités, aménageurs et acteurs privés à travers la conception et la mise en œuvre de projets alimentaires territoriaux, tels que des marchés d’intérêt local, des jardins partagés, et des cuisines d’insertion. Citons notamment le pôle alimentaire de Lyon Perrache ou encore l’écoquartier de Montévrain (avec la co-construction d’un projet alimentaire commun entre les futurs habitants d’un immeuble de logement et les AMAP et producteurs locaux par exemple). Ecoceaty favorise ainsi la reterritorialisation de l’alimentation, et une meilleure accessibilité à des produits de qualité.
Il faut sélectionner des produits de saison, bruts et en direct avec les producteurs et lutter contre le gaspillage
Juliette Baudet
Demander à l’Europe une “exception alimentaire”
Grâce à l’Observatoire, Un Plus Bio a identifié les trois leviers pouvant être actionnés pour maîtriserson coût denrée. “Il faut sélectionner des produits de saison, bruts et en direct avec les producteurs et lutter contre le gaspillage. Cela passe aussi par une réduction du grammage tout en respectant les normes nutritionnelles. Il s’agit enfin de proposer des menus végétariens qui permettent de réduire les dépenses en viande de moins bonne qualité.” Un menu végétarien qui n’est pas si compliqué à mettre en place selon elle : “On peut les remplacer par des légumineuses et des céréales. Cette économie permet aussi de pouvoir acheter une viande de meilleure qualité et locale.”
Si de grandes et moyennes agglomérations ont réussi à atteindre les objectifs imposés par la loi comme Paris dans ses crèches, Nancy ou Bordeaux, les petites villes tirent aussi leur épingle du jeu. “Ce sont ces collectivités-là qui connaissent la progression la plus rapide. Ce sont celles aussi pour lesquelles la réorganisation du travail en interne, le dialogue avec les producteurs est le plus aisé. C’est le cas par exemple de Cazouls-lès-Béziers (Hérault), ou de Lagraulet-du-Gers(Gers) mais aussi Millau (Aveyron), Miramas (Bouches-du-Rhône) ou encore Grande-Synthe (Nord).”
Malgré de nombreux exemples inspirants, l’Association des Maires de France demande à ce que l’Union européenne puisse directement aider les villes. Et de proposer d’adopter une “exception alimentaire” pour que “les communes puissent recourir plus directement aux producteurs locaux dans leurs marchés publics”. L’Etat pourrait aussi proposer “un meilleur accompagnement à la fois technique et financier.” De quoi remettre l’église au centre du village et le bio au centre de l’assiette.
©visuel : « Un Plus Bio »