Prévenir le risque d’inondations : comment faire de la nature notre meilleure alliée
Dans le Pas-de-Calais, en Loire-Atlantique et ailleurs, les cours d’eau débordent et nous forcent à mieux prévenir le risque d’inondations. Les ouvrages traditionnels de génie civil montrent leurs limites pour contenir ces phénomènes climatiques extrêmes. Les solutions fondées sur la nature (SFN) offrent de nouvelles perspectives. Coup d’œil international.
À RETENIR
- Les épisodes climatiques extrêmes et les inondations montrent les limites des systèmes préventifs traditionnels, poussant vers l’adoption de solutions naturelles pour prévenir ces risques, qui impliquent de travailler avec la nature plutôt que contre elle.
- Les solutions fondées sur la nature (SFN) incluent des mesures telles que reméandrer les cours d’eau, aménager des zones d’expansion des crues, et planter les berges, alliant génie civil et génie écologique pour une gestion durable des milieux.
- Le succès des SFN dépend de la prise en compte du contexte géomorphologique et infrastructurel de chaque site, avec des exemples de mise en œuvre réussie dans divers contextes, y compris urbains, comme le programme Sponge City à Shenzen, et ruraux, tels que la création de zones humides.
- Les SFN offrent de nombreux co-bénéfices, notamment une meilleure qualité de l’air et de l’eau, une biodiversité accrue, des opportunités de loisir améliorées, et une approche intégrée et démocratique du développement territorial, tout en étant moins coûteuses et offrant une meilleure intégration paysagère que les solutions traditionnelles.
La fréquence et la violence grandissantes des épisodes climatiques extrêmes – et des inondations en particulier – nous poussent à constater les limites de nos systèmes préventifs traditionnels, majoritairement fondés sur les infrastructures lourdes. En témoignent les inondations dramatiques aux Pays-Bas en 1993 et en 1995, qui ont provoqué l’évacuation de 250.000 personnes, ou encore celles engendrées par la tempête Xynthia sur la côte Atlantique française en 2010, qui ont coûté la vie à vingt-sept personnes et engendré plus d’un milliard d’euros de dégâts. Les solutions naturelles de prévention du risque inondation proposent à ce titre un changement de paradigme. La nature étant trop puissante pour que nous puissions prétendre lutter contre elle, il faut au contraire travailler avec elle pour assurer à la fois la sécurité des populations et la protection des écosystèmes.
Les solutions naturelles pour prévenir les inondations : du génie civil au génie écologique
Les solutions fondées sur la nature (SFN, ou NBS pour nature-based solutions en anglais) proposent de s’appuyer sur la gestion durable des milieux pour anticiper et limiter les risques. Ces aménagements peuvent prendre différentes formes en fonction du contexte géographique local. Les principales mesures consistent à reméandrer les cours d’eau pour en ralentir le débit, aménager des zones d’expansion des crues pour anticiper les débordements, planter les berges pour les protéger et limiter la vitesse du courant, voire combiner génie civil et génie végétal pour proposer des aménagements plus doux.
Face au risque d’inondations : choisir la bonne solution naturelle, au bon endroit
La prise en compte du contexte géomorphologique et infrastructurel de chaque site est indispensable à la mise en œuvre réussie des solutions naturelles contre les inondations.
Pour les gros fleuves déjà endigués ou canalisés, l’objectif consiste à réduire (ou supprimer) les infrastructures pour restaurer la zone inondable et réduire les risques d’inondations en aval. Le projet néerlandais Room for River est exemplaire en la matière, et de telles solutions pourraient être répliquées dans des contextes similaires, comme sur les bords de la Loire. C’est aussi ce qui a été fait en Allemagne sur les berges de la rivière Isar qui ont été restaurées après plus d’un siècle de canalisation, permettant ainsi le retour de la biodiversité et le développement d’une nouvelle activité récréative.
En contexte urbain dense, la Commission Européenne préconise de miser sur les LIDs (low impact developments), comme à Shenzen en Chine dans le cadre du programme Sponge City – littéralement « ville-éponge ». La ville a développé tout un système de rigoles, de trottoirs perméables et de toits végétalisés, à la fois pour prévenir les inondations et augmenter ses stocks d’eau douce.
En zone rurale enfin, la création de zones humides et de marais, comme le lac Egå Engsø dans la baie d’Aarhus au Danemark, permet la recharge en eau des sols, la réduction de l’apport d’azote dans les eaux environnantes, l’amélioration des conditions naturelles des vallées, la réduction du risque d’inondations bien sûr et enfin l’amélioration de la valeur récréative des sites.
Une végétalisation massive peut également jouer un rôle de prévention majeur et ralentir la progression des eaux en cas d’inondations. La plantation des berges permet de prévenir l’érosion et de favoriser le développement d’écosystèmes prospères, comme le long de la rivière Erzeni en Albanie, qui constitue désormais une trame verte majeure pour son territoire.
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Co-bénéfices des solutions naturelles de prévention des inondations
Les SFN offrent de nombreux co-bénéfices au-delà de la seule protection contre les inondations. Elles favorisent en effet une meilleure qualité de l’air et de l’eau, une biodiversité plus riche, une augmentation des opportunités de loisir et une amélioration du cadre de vie pour les habitants.
Les SFN sont aussi moins chères à mettre en œuvre que les ouvrages de génie civil traditionnels et leur intégration paysagère est bien meilleure. Elles représentent enfin une véritable opportunité démocratique dans la mesure où elles nécessitent une approche intégrée et pluridisciplinaire du développement territorial, en particulier dans le cas de bassins versants transfrontaliers, impliquant ainsi la participation de tous les acteurs locaux dans un système de gouvernance plurielle.
1. Guha-Sapir et al., 2016
2. « Les solutions fondées sur la nature pour accorder la prévention des inondations avec la gestion intégrée des milieux aquatiques », de Freddy Rey, Vincent Breton, Pascal Breil et Patrice Mériaux dans Sciences Eaux & Territoires 2018/2 (n° 26), pages 36 à 41.