Logement à Mennecy - Vue de la résidence de la Closerie de l’Aqueduc à Mennecy qui compte 400 logements en extension urbaine en intégrant une résidence sociale et intergénérationnelle de 100 habitations, une centaine de logements collectifs en accession et un peu moins de 200 pavillons
Publié le 25.01.24 - Temps de lecture : 3 minutes

« L’habitat fait le citoyen »

Pensé comme « constitutif de l’être », le logement est appréhendé autrement que par des chiffres et des normes. Le maire de Mennecy (Essonne), à l’initiative de près de 2000 logements en dix ans dans sa commune, en est convaincu.

On parle de « bombe sociale » lorsque l’on aborde la crise du logement, qu’est-ce que cela vous inspire en tant que maire ?

Jean-Philippe Dugoin-Clément : Le logement est aujourd’hui soumis à deux injonctions contradictoires, l’urgence environnementale d’une part, l’urgence sociale de l’autre. On oppose les deux injonctions quand on devrait les concilier. La crise que nous traversons est absolument majeure et semaine après semaine, nous nous rendons compte de sa gravité. Elle est certes pour partie conjoncturelle, mais elle est le résultat de problèmes structurels de longue date. On traite souvent le logement par le prisme financier, budgétaire, fiscal ou encore normatif… alors que c’est un sujet transversal, au même titre que l’éducation, qui devrait impliquer tous les ministères.

Vous venez de publier le livre « L’Habitat fait le citoyen », pourquoi cette affirmation ? 

J.P.-D.C. : Le logement génère ce que vous êtes. C’est un facteur constitutif de l’être. Selon votre commune de résidence, votre quartier, la taille et l’agencement de votre habitation, il y a des effets directs sur votre capacité à réussir votre vie familiale, à encourager la réussite de vos enfants, à vieillir dans de bonnes conditions. On l’a bien vu pendant les confinements avec une explosion du nombre de divorces, ou dans les cas les plus extrêmes, de violences conjugales, dans les logements les moins spacieux et les moins adaptés. Quand la question du pouvoir d’achat est en tête des préoccupations des Français dans n’importe quel sondage, que le premier poste de dépense de la population est le logement et que ce dernier a vu son prix exploser ces dernières années… ça ne peut pas fonctionner. Le logement est l’une des grandes causes de la contraction du pouvoir d’achat et du renforcement des inégalités sociales. On parle beaucoup avec des acronymes, on crée des normes, mais revenons à l’essentiel : il faut loger les citoyens et les loger le mieux possible.

Revenons à l’essentiel : il faut loger les citoyens et les loger le mieux possible

Quelles mesures aimeriez-vous voir mises en place pour aider les maires à construire et contribuer à résoudre la crise du logement ?

J.P.-D.C. :  Il y a des mesures qui pourraient être extrêmement coûteuses pour l’État, mais concentrons-nous sur celles qui le sont beaucoup moins. Faire du logement, c’est permettre à des personnes de vivre dignement. Jusqu’à la décennie dernière, on parlait de maires bâtisseurs qui comprenaient cette urgence. Aujourd’hui, on parle de « maires bétonneurs ». Il faut faire évoluer les mentalités, car construire ne signifie pas tout bétonner. Ensuite, je plaide pour remettre en place un lien fiscal entre les recettes des communes et l’augmentation de population, qui encouragerait les maires à construire plus de logements. Un autre levier serait d’allonger la durée des emprunts. En France, on emprunte sur 15 ou 20 ans, quand des délais de 40, 50 ou 60 ans, comme dans certains pays scandinaves, permettraient à plus de personnes d’accéder au logement. Enfin, je pense que le plafonnement du prix du foncier pourrait permettre de construire des logements avec des coûts accessibles.

Quelles sont les réalisations particulièrement marquantes que vous avez menées dans la ville de Mennecy ?

J.P.-D.C. : En 2011, nous n’avions que 15 % de logements sociaux, alors que la loi SRU en impose 25 %. Nous avons construit près de 2000 habitations. Il manquait 500 logements sociaux et il en manque toujours 150 aujourd’hui. Sur le projet de la Closerie de l’Aqueduc, par exemple, nous avons construit 400 logements en extension urbaine en intégrant une résidence sociale et intergénérationnelle de 100 habitations, une centaine de logements collectifs en accession et un peu moins de 200 pavillons pour assurer une mixité totale et accompagner des parcours de vie.


À lire aussi


Comment renforcer l’acceptabilité de nouveaux logements pour vos habitants ?

J.P.-D.C. : Nous avons beaucoup construit, mais nous avons aussi mis en place des commerces, des services, des activités pour éviter le phénomène de banlieue dortoir. Nous avons par exemple inauguré un nouveau gymnase cette année, nous allons bientôt ouvrir une nouvelle gendarmerie, rénover et reconstruire quatre groupes scolaires sur cinq, le conservatoire va être agrandi… C’est une politique d’investissement extrêmement forte, pour ramener du service, sans oublier de travailler sur la forme urbaine et en particulier sur la végétalisation.

Vous êtes également vice-président de la Région Île-de-France en charge du logement notamment, quelles sont les politiques entreprises à l’échelle régionale ?

J.P.-D.C. : Tout d’abord, rappelons que le logement n’est pas une compétence obligatoire des régions. En Île-de-France, la situation est tellement tendue que c’est un impératif que de la prendre. Il n’y a qu’un seul logement social qui se libère pour dix demandes en attente. C’est 1 300 000 de mal-logés, selon la Fondation Abbé Pierre. Nous intervenons en soutenant la construction mais aussi la rénovation de logements sociaux, par des subventions conditionnées au bon respect de certains critères, comme celui d’intégrer au moins un balcon pour chaque appartement, ce qui est un moyen d’améliorer la qualité de vie des habitants. Nous finançons aussi des produits spécifiques là où il y a des publics particulièrement fragiles (jeunes actifs, étudiants), via la création de pensions de famille qui ne demandent qu’à être encore plus développées. Nous maintenons l’objectif de créer 70 000 logements par an : un chantier énorme mais essentiel.

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

✉️ Je m’inscris à la newsletter